Faire du yoga avec des chiots : pourquoi ce n’est pas si mignon que ça en a l’air ?

Le yoga, pratique méditative qui compte de plus en plus d’adeptes, multiplie les « arguments » et les spécificités pour attirer du public sur les tapis en mousse. La dernière formule en vogue consiste à se contorsionner en compagnie de chiots. En pleine séance, les petites boules de poil déambulent à leur guise entre les jambes des « fidèles » et leurs aboiements fébriles servent de fond sonore. Ce yoga de « niche » est plus connu sous le nom de « puppy yoga » et suscite tous les regards transis. Un concept attendrissant qui se suffit à lui-même pour convaincre de s’initier à ce sport doux, même avec une souplesse inexistante. Cependant, si cette variante aux accents canins fait battre les cœurs, elle ne va pas vraiment dans le sens du bien-être animal. Voici pourquoi il faut réfléchir à deux fois avant de faire du yoga avec des chiots.

Faire du yoga avec des chiots, une alternative prisée

Le yoga tente de s’ouvrir à d’autres horizons et d’étoffer ses valeurs ajoutées pour moderniser son image. Cette discipline, souvent considérée comme une activité de sénior, cherche à développer un ADN « fun », loin du cliché de la mamie en lotus. Pour apporter un petit « supplément » à ces cours de nature relaxante, les animaux s’invitent entre les jambes courbées et les pieds dénudés des yogis.

Si le cat yoga est une possibilité, les félins ne sont pas les plus conviés dans les salles feng shui. Il faut dire qu’un chat qui fait ses griffes sur le matériel et qui joue avec les cheveux des adhérentes, ce n’est pas forcément très vendeur. En revanche, les chiots, eux, font l’unanimité. Désormais, de nombreuses structures capitalisent sur ces canidés à la bouille angélique et aux pas maladroits pour faire la différence. Faire du yoga avec des chiots est l’activité phare du moment.

Une pratique hybride où sport et animaux se conjuguent

Le meilleur ami de l’Homme est la nouvelle mascotte des temples modernes. Mais c’est surtout l’arme marketing idéale. Pendant que vous êtes en train de saluer le soleil la tête en bas, des chiots se baladent à travers votre corps comme dans un parcours d’agility. Toutes les mains se libèrent pour s’aventurer sur le poil soyeux de la bête et faire couiner les jouets dispersés au pied des tapis. Difficile de garder son sérieux et d’exécuter les positions correctement dans ce cadre aux allures de chenil où la tentation du câlin est immense.

Cependant, ce qui compte ce n’est pas tant de perfectionner sa maîtrise du poirier ou d’améliorer son équilibre, mais plutôt de profiter de ces peluches vivantes. Le yoga en présence des chiots conjugue activité sportive délicate et complicité rassurante avec les animaux. Une alchimie prometteuse à première vue. D’ailleurs, les organismes insistent sur les prétendus bienfaits apportés à l’animal, notamment pour son développement et sa sociabilisation. Mais la réalité hors des tatamis est toute autre.

Les dessous sombres du « puppy yoga »

Faire du yoga avec des chiots est assez tentant, surtout pour les personnes qui n’ont pas la chance d’avoir des animaux à domicile. C’est donc un angle bien-être particulièrement attrayant. Les salles le vantent même comme un échange « spirituel » gagnant-gagnant. Les yogis, novices ou expérimenté.e.s se relâchent plus profondément tandis que les chiots s’éveillent doucement au contact humain. Cette pratique, qui suscite toutes les voix gagas et qui fédère autour de museaux croquignolets, semble à l’abri de la critique. Pourtant, les journalistes du média britannique ITV News ont flairé quelques anomalies pendant leur enquête menée « sous couverture ».

Des chiots séparés de leur mère trop tôt

Faire du yoga avec des chiots soulève des questions d’ordre éthique. Cette pratique, bien qu’elle soit d’une mignonnerie sans nom, n’est pas forcément exécutée dans les règles de l’art et selon le respect de l’animal. L’enquête souligne notamment un sevrage prématuré avec la maman.

Les chiots sont parfois réquisitionnés dès six semaines dans certains centres tandis que la réglementation prévoit une séparation à seulement huit semaines. Ils sont généralement issus d’élevages et en prime en quelque sorte arrachés à leur mère pour servir la fascination du groupe. Un problème à relativiser puisque l’enquête s’est simplement portée sur trois établissements.

Certains chiots n’ont pas assez d’eau et de sommeil

Pendant ces classes, il n’est pas rare de voir les chiots étalés dans un coin de la pièce, complètement amorphes. À ce jeune âge, ils ont besoin de 18 à 20 heures de sommeil par jour, au même titre que leurs homologues humains. Mais l’investigation de ITV News révèle un quota de repos bien plus mince. Les chiots sont même parfois réveillés en plein somme pour assurer leur rôle de fournisseur de joie et aller dans tous les bras. Forcément, faire du yoga avec des chiots passifs affalés contre un mur c’est moins intéressant. Alors ils sont traités comme de vulgaires objets, ramassés et déplacés à la manière de gros paquets.

L’enquête pointe aussi des défaillances dans l’hydratation des chiots. Une restriction d’eau stratégique pour éviter que les boules de poil urinent en plein milieu de la salle ou sur le legging d’une pratiquante. En deçà d’un an, les chiots ont une vessie limitée et font leur petite commission plus régulièrement. Alors, certains établissements laissent volontairement leur gamelle à sec pour ne pas salir leur image.

Un environnement parfois agressif pour les chiots

Même si les salles de yoga sont généralement plongées dans une atmosphère paisible, propice à la détente, les chiots peuvent vite s’y sentir en insécurité. Odeur du patchouli régnante, musique en sanskrit apaisante, voix hypnotiques de la prof… aucun élément ne semble pouvoir entraver la tranquillité de l’animal.

Pourtant, à cet âge, les chiots ont des sens beaucoup plus réactifs. Une sono trop forte ou une lumière artificielle trop intense sont donc susceptibles de déranger l’animal et de provoquer une surcharge sensorielle.

Une « instrumentalisation » des animaux

Faire du yoga avec des chiots n’est pas toujours incompatible avec le bien-être animal. Certaines structures dorlotent leurs petites stars à truffe avec le plus grand soin et coopèrent avec des refuges de confiance. Toutefois, sur le fond, cette pratique reste discutable puisqu’elle relègue les chiens au rang d’attractions. Elle renvoie également un mauvais message sur les animaux. Ces chiots ne sont là que pour divertir les humains et combler une disette affective.

À travers cette formule « wouf compris », les chiots servent uniquement d’accroche commerciale et profitent à tout un secteur d’activité. Ils apportent la petite touche insolite en plus qui fait vendre. Mais d’autres concepts de la sorte leur ont précédé, toujours avec un aspect « récréatif » en filigrane. C’était le cas notamment des « bars à chat ».

Et chez soi, est-ce bon de pratiquer le yoga avec son chien ?

Faire du yoga avec des chiots dans des cours « organisés » n’est pas forcément l’idée du siècle. Mais le pratiquer à la maison, en étroite collaboration avec votre partenaire à quatre pattes, n’a rien de problématique. À condition que l’animal consente à ce pliage corporel. D’ailleurs, dans cette perspective, les spécialistes parlent, non plus de « puppy yoga », mais de « doga ».

Ça change complètement la visée de la séance. En plus de solidifier les liens qui vous unissent à votre animal, vous vous déstressez mutuellement. Évidemment, le but n’est pas de tordre votre chien comme un chewing-gum, mais d’adapter les positions selon son anatomie et son degré de flexibilité. En plus de contribuer à l’éducation de l’animal et de le canaliser, le « doga » forge une connexion spirituelle, rarement permise. Vous en ressortez plus fusionnels.

Faire du yoga avec des chiots est une lubie marketing de plus. Comme les animaux exploités dans les campagnes de pub ou ceux en vedette des réseaux sociaux, ces chiens en devenir sont pervertis en marionnettes. Si vous voulez faire un geste utile pour les animaux, essayez d’autres approches. Investissez-vous dans un combat plus noble comme la lutte contre les expériences sur les animaux.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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