Même avant 10 ans, les shorts des filles révèlent une inégalité frappante

Les stéréotypes de genre s’inscrivent jusque dans les coutures des vêtements et font le fil rouge des pièces pour enfants. Les filles se rangent derrière des tops rose bonbon parsemés de cœurs et de licorne tandis que les garçons se parent de hauts bleutés aux inscriptions badass. Et ce n’est pas la seule abomination du rayon 8-12 ans. Les shorts des filles, au-delà de manquer de poches, sont plus raccourcis que ceux de leurs camarades masculins.

Des shorts plus courts que ceux des garçons

Les fillettes ne réclament pas seulement des jupes en tulle arc-en-ciel et des robes à paillettes. Par soucis de confort, elles misent sur le côté pratique du short. En jean ou molletonné, minimaliste ou brodé, elles ont l’embarras du choix. Mais ces modèles, qui rivalisent de fantaisie, ont tous un point commun : leur longueur. Alors que les shorts des garçons arrivent au-dessus du genou, ceux des filles s’arrêtent au milieu de la cuisse, voire un peu plus haut. Et ce n’est pas un hasard, ni une réponse aux tendances. Simplement l’expression concrète des normes de genre.

C’est en tout cas ce que pointe une étude portée par Marie-Louise Timcke, une chercheuse spécialiste des données. Après avoir comparé 20 000 pièces du rayon junior issues d’enseignes connues dont H&M, elle est arrivée à une conclusion aussi choquante que édifiante. Les shorts des filles font six centimètres de moins que ceux des garçons et sont à la lisière de l’intimité. Elle l’illustre, avec un mètre à l’appui et montre le rendu une fois le short porté. Cet écart, aussi ridicule soit-il, est bien visible, surtout sur une silhouette réduite qui taille du 6 ans.

Le tissu manque cruellement sur les gambettes des jeunes filles tandis que les garçons, eux, ont le privilège d’avoir la couvrance d’un bermuda. Selon l’auteure de cette analyse, qui épingle la mode enfant, la raison n’est pas esthétique mais plutôt “sociale”. “Dans la logique de ces marchés, les filles sont avant tout des petites femmes ; pour elles, le vêtement est fait pour plaire. Et les garçons sont censés être tout sauf des “filles””. Ce qui explique pourquoi les “chemises de nuit avec des dinosaures, des jupes avec des ballons de football ou des shorts cargo avec des licornes” n’existent pas sur les cintres des bambins.

Au rayon fille, un haut sur deux est rose

Il suffit de déambuler dans les allées des rayons enfant pour en faire le constat. Il y a deux couleurs principales qui tapissent les t-shirts et les pantalons. D’un côté le rose s’impose sur des tops à froufrous, des jupes fleuries et des robes à petits nœuds. De l’autre, le bleu sert de toile à des polos Dragon Ball, des faux maillots de foot et des joggings lacés. Cependant, les filles ne sont pas aussi bien loties que leurs homologues. Selon l’étude, un haut sur deux est rose chez les filles tandis que les garçons ont une palette un peu plus large, oscillant du vert au jaune.

Les mots frappés sur ces vêtements sont, eux aussi, très bas d’esprit. Les t-shirts pour garçons respirent le sport et l’évasion, alors que ceux pour filles se parent de mots doux, évoquant amour et rêverie. Sur le fond comme sur la forme, les vêtements des enfants imposent d’emblée une vision très simpliste de ce que doit être une femme et un homme. Ils ne respectent pas les goûts de ses propriétaires, ils les influencent.

Des vêtements qui abrègent l’innocence

Au-delà des shorts rétrécis et des habits à la Barbie, de plus en plus de pièces junior reprennent les codes du vestiaire adulte. Il n’est donc pas rare de croiser des maillots de bain aux coutures rudimentaires, des cropped top et des jeans slims au rayon enfant. Si autrefois, les filles étaient condamnées à porter des salopettes parsemées de nounours ou des t-shirts avec Minnie au premier plan, aujourd’hui, la mode les force à “jouer les grandes” et à apprivoiser des pièces qui ne sont pas de leur âge.

Autrement dit, des vêtements qui découvrent le corps portés par des filles qui n’ont pas encore la morphologie pour ce style. Des vêtements pensés pour plaire et non pas pour découvrir le monde, sauter, grimper et courir. Ces pièces mode, cousues dans les clichés, font la propagande silencieuse des stéréotypes de genre. D’ailleurs, elles renvoient des messages forts : les filles doivent être coquettes et discrètes, les garçons, téméraires et actifs.

Dès l’enfance, on incite les fille à rentrer dans un moule, et ce moule en question revêt l’apparence de shorts étroits, de robes dos nu fuschia et de jeans sans poche. La mode est loin d’être neutre avec le corps des enfants. Les parents, responsables de la penderie de leur bambin, veillent de plus en plus à ne pas tomber dans le piège de la mignonnerie.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.

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