Lorsque Naomie Pilula a posté un selfie anodin sur Instagram un lundi de juin, elle était loin d’imaginer l’ouragan numérique qui allait suivre. En quelques heures, la photo devient virale, accumulant plus de 500 000 likes, commentaires et partages, majoritairement négatifs. Leur cible ? Son apparence. En particulier, son nez, souvent moqué par les internautes. Au lieu de supprimer la publication ou de se replier sur elle-même, cette juriste zambienne de 37 ans a choisi une autre voie : transformer la honte en force.
Un visage ordinaire, une avalanche de haine
Naomie Pilula vit à Lusaka, capitale de la Zambie, où elle travaille dans le secteur financier en tant que juriste. Elle partage sur les réseaux sociaux des instants de vie ordinaires : ses routines beauté, ses moments en famille, ses tenues préférées. Une vie comme tant d’autres, jusqu’à ce que l’algorithme propulse une simple photo au centre de l’attention mondiale.
Tout commence par une vidéo sur ses produits de soin, suivie d’un selfie. En commentaires : des insultes, des moqueries, et des suggestions cruelles comme le recours à la chirurgie esthétique. « J’ai reçu des messages disant : ‘Tu es moche’, ou ‘Tu ne mérites pas d’être sur Internet’ », confie-t-elle au magazine People. Au lieu de se laisser écraser, Naomie Pilula a décidé de laisser le post en ligne.
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Un parcours de résilience et d’acceptation
Derrière la viralité de ce moment se cache une histoire intime de reconstruction identitaire. Issue d’une fratrie de 7 enfants, Naomie a grandi en Zambie, dans une culture où la beauté féminine est souvent associée à des corps dits généreux. « En tant que femme plus mince, j’entendais souvent ‘mange plus, remplis-toi davantage’ », se souvient-elle.
C’est en Australie et en Nouvelle-Zélande, lors de ses études universitaires, qu’elle découvre une autre forme de décalage : celui d’être la seule femme noire dans ses classes, confrontée à d’autres normes de beauté, souvent eurocentrées. L’élément le plus souvent visé reste son nez – un héritage paternel qu’elle revendique aujourd’hui avec fierté. « Pourquoi voudrais-je effacer un trait qui m’identifie à mon père ? », interroge-t-elle.
Son chemin vers l’acceptation de soi n’a néanmoins pas été linéaire, mais elle affirme avoir trouvé un ancrage solide dans la foi. « Ce n’est pas comme si je m’étais levée un jour en me disant : ‘Je me trouve belle’. C’est venu petit à petit. Et une fois qu’on y arrive, personne ne peut nous l’enlever ».
La foi comme socle
C’est dans sa spiritualité que Naomie trouve une réponse face à la haine. Elle cite le Psaume 139, qui parle du corps comme d’une création divine minutieusement façonnée. « Si Dieu m’a conçue de cette manière, qui suis-je pour rejeter cela ? », explique-t-elle.
Lorsqu’un commentaire lui suggère une rhinoplastie, elle réalise que certaines blessures n’étaient peut-être pas complètement refermées. C’est sa sœur qui lui offre une clé de compréhension essentielle : « Pourquoi ce commentaire te touche-t-il autant ? ». C’est à ce moment-là que Naomie comprend que la réaction ne parle pas des autres, mais de soi – et du travail intérieur qu’il reste à faire. Elle revient alors à une autre figure biblique, Joseph, trahi par ses frères, mais devenu puissant : « Ce que l’ennemi voulait pour me détruire, Dieu l’a transformé en bien ».
« Je ne suis pas belle, et alors ? »
Cette phrase, désormais virale, résume toute la posture de Naomie Pilula : refuser la tyrannie des standards esthétiques, et revendiquer une forme de beauté fondée sur l’authenticité. « Je ne suis pas une personne esthétiquement belle je trouve, et c’est OK. Toutefois, je m’aime et je peux être moi-même. Et cela, c’est une forme de beauté. Il y a une lumière en chacun de nous, et elle mérite de briller », dit-elle dans une interview exclusive à People.
Depuis ce moment d’exposition brutale, Naomie a vu son nombre d’abonnés exploser : de 1 000 à plus de 20 000 en quelques mois. Rien n’a cependant changé dans sa façon de communiquer. Elle continue de poster ses selfies, ses vidéos, ses coups de cœur. « Je ne cherche rien de particulier. Je vis juste ma vie et j’aime Instagram ».
Une parole qui libère
À travers son témoignage, Naomie Pilula offre une voix rare et puissante. Dans un monde numérique saturé d’images retouchées et de diktats esthétiques, elle incarne une résistance douce, mais ferme. Dire « je ne suis pas belle » n’est pas un aveu de faiblesse, mais un acte de liberté. Elle détourne les projecteurs tournés contre elle, pour les utiliser comme une lumière qui éclaire les autres.
En définitif, en refusant de supprimer sa photo, Naomie Pilula envoie un message fort : notre valeur ne dépend pas de notre conformité aux standards. Et surtout : la honte ne gagne que si on lui cède du terrain.