Sur Instagram, les filtres abondent, les lumières sont travaillées, les traits retouchés. Un hashtag continue toutefois de tracer son chemin à contre-courant : #NoMakeUp. Derrière cette simple mention, une vague de visages au naturel, sans artifice, sans fond de teint ni mascara.
Une tendance en opposition à la culture du filtre
Des femmes de tous âges, de toutes origines, qui choisissent de se montrer telles qu’elles sont. Le geste peut sembler anodin. Il est, en réalité, profondément politique et émotionnel. Depuis plusieurs années, les réseaux sociaux façonnent des standards de beauté souvent inaccessibles. Grâce (ou à cause) des filtres, des applications de retouche et des « tips » maquillage, l’image idéale tend vers la « perfection lisse et symétrique ».
Dans ce contexte, poster une photo de soi sans maquillage devient un acte fort : celui de refuser le camouflage, de montrer la texture de sa peau, ses cernes, ses rougeurs, ses traits. Le hashtag #NoMakeUp ne date pas d’hier. Il a gagné en visibilité dès le milieu des années 2010, porté notamment par des célébrités comme Alicia Keys, qui avait choisi en 2016 d’abandonner le maquillage sur scène et dans les médias. Ce qui frappe aujourd’hui, c’est l’ancrage durable de cette pratique dans le quotidien numérique de nombreuses femmes anonymes.
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Des visages nus et des messages puissants
En parcourant les publications taguées #NoMakeUp, une constante revient : le besoin d’authenticité. Beaucoup accompagnent leur photo de réflexions personnelles, souvent intimes. Certaines évoquent leur rapport complexe à l’image : « Pendant des années, je ne pouvais pas sortir sans fond de teint. Aujourd’hui, je me découvre autrement ». D’autres décrivent un cheminement vers l’acceptation de soi, souvent long et semé de comparaisons. Le naturel devient un symbole de réappropriation de son image.
Ce hashtag agit aussi comme un espace de solidarité. Les commentaires sont (dans une majorité de cas) bienveillants : compliments sur la beauté vraie, encouragements, partages d’expériences similaires. Dans un environnement numérique parfois toxique, cette parenthèse de douceur est notable.
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Déconstruction des normes et diversité des visages
Le mouvement #NoMakeUp n’est pas un rejet du maquillage en soi. Il ne juge pas les personnes qui choisissent de se maquiller, mais propose une alternative visible. Il rappelle que le maquillage peut être un choix, un plaisir, une expression artistique – mais qu’il ne devrait pas être une obligation ni une condition de légitimité ou de beauté.
Une autre force du hashtag réside dans sa diversité. On y croise des femmes blanches, racisées, jeunes, âgées, avec de l’acné, des taches de soleil, des rides, des cicatrices. Toutes ces peaux réelles, peu montrées dans les standards publicitaires, prennent ici la lumière. Il ne s’agit plus de lisser ou d’uniformiser, mais d’incarner une beauté multiple, incarnée et vivante.
Une tendance féministe ?
Si le hashtag n’est pas ouvertement militant, il entre en résonance avec des revendications féministes actuelles : la liberté d’être soi, la dénonciation des injonctions esthétiques, la valorisation des corps et visages non normés. Le fait même de publier une photo sans maquillage, dans un espace public et exposé comme Instagram, constitue une affirmation de soi dans un monde qui scrute, juge et commente.
Certaines publications intègrent d’ailleurs des hashtags comme #bodypositive, #selfacceptance ou #femmesréelles, liant l’apparence au discours plus large de l’estime de soi. D’autres s’inscrivent dans des démarches thérapeutiques : sortir d’un trouble de l’image, d’un rapport conflictuel au miroir ou à l’apparence.
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Le naturel comme nouveau terrain d’expression
Enfin, il est intéressant de constater que le « sans maquillage » n’est pas nécessairement un retour au « néant esthétique ». Certaines prennent soin de leur lumière, de leur cadrage, de leurs expressions. Le naturel devient lui aussi une mise en scène, mais plus proche, plus personnelle. Cette tendance ne signifie pas qu’il faut choisir entre « fard et vérité », mais qu’il existe plusieurs manières d’habiter son image.
En définitive, ce que révèle le #NoMakeUp, c’est une volonté de reprendre le contrôle : celui de se montrer autrement, en dehors du cadre attendu, et de trouver de la beauté dans ce qui est souvent caché. C’est cette vulnérabilité affichée fièrement qui bouleverse.