Dans un couple, les disputes sont parfois inévitables. Or, ces querelles sans gravité ne se passent pas toujours en direct : elles s’amorcent de l’autre côté des écrans et s’enveniment entre les pixels. Un règlement de compte à revers de pouces qui porte un nom : le fexting. Cette pratique, assez courante à l’ère des technologies, est à l’opposé des textos fleur bleue parsemés de cœur.
Le fexting, une dispute par écran interposé
Au lieu de s’époumoner dans le foyer, de claquer les portes et de se chamailler en face à face, certains couples s’envoient des textos électriques et passent par les écrans pour se dire ces vérités qui font mal. Loin des SMS mielleux, écrits dans une prose moderne, ces messages débordent de colère et sonnent comme un cri au visage. Ces échanges houleux ponctués de points d’exclamation et d’émojis furieux s’entrelacent avec les conversations virtuelles de tous les jours à base de « rachète des oeufs » ou « n’oublie pas de prendre le pain ». Comme une parenthèse volcanique au milieu des textos habituels, ces messages piquants remplacent peu à peu les disputes de vive voix.
Cette pratique qui concerne de nombreux couples, y compris celui qui unit Beyoncé à Jay-Z, s’appelle le « fexting » dans le jargon sentimental. Une contraction des termes « texting » et « fight » qui, en français, signifie « se battre ». Contrairement aux joutes verbales menées dans le salon, où les mots dépassent souvent la pensée, le fexting laisse le temps de la réflexion. Chaque membre du couple peut préparer sa réponse en amont. On écrit un message cru que l’on efface dans la foulée après l’avoir relu. On tempère ses propos sans pour autant s’écraser ou se ranger dans le pardon.
« Mes patients disent que les SMS leur laissent la possibilité de maintenir un certain niveau de connexion, tout en ayant l’espace nécessaire pour s’exprimer sans retenue », constate Cindy Shu, thérapeute spécialisée dans les problèmes conjugaux et familiaux dans les colonnes du HuffPost.
Les couples préfèrent le clash virtuel à la confrontation réelle
Comme l’expliquent les spécialistes, le fexting est particulièrement récurrent au sein des couples avec enfants. Les parents, de part et d’autre de la maison, s’envoient des pics à distance et ne se donnent pas en spectacle devant leur bambin. C’est aussi une pratique plébiscitée par les personnes timides ou introverties qui ont tendance à s’effacer lors d’une dispute ou à s’enfermer dans le silence. « Cela permet aussi de pouvoir se calmer avant de répondre », explique la thérapeute conjugale Lia Huynh à Slate.
Au lieu de répondre sur le champ, sans peser ses mots, les partenaires prennent du recul et argumentent en toute conscience. Si l’autre envoie un texto salé, l’experte recommande d’ailleurs de laisser un temps de réponse et de ne surtout pas entrer en collision. Par voie virtuelle, les disputes peuvent vite monter crescendo et s’enflammer, d’autant que ces messages sont propices à toutes les interprétations.
Une pratique malsaine peu propice à la paix
Même si le fexting présente quelques avantages, cette pratique fragilise le couple et laisse une porte ouverte à de nombreux sous-entendus. Sur fond de fexting, les disputes sont en effet interminables et trouvent rarement une issue. Les partenaires, tous les deux sur la défensive, ne descendent pas en pression. Ils ressortent des histoires enfouies, enchaînent les reproches et font exprès de laisser l’autre cogiter avec ce douloureux « vu ». Au-delà de la déferlante de textos irascibles qui s’abat sur l’écran et qui surchauffe le téléphone comme le cœur, le plus dur est de rester sans réponse.
Avec le fexting, tous ces messages, qui manquent d’ailleurs terriblement de vivants, peuvent être interprétés de travers et se retourner contre son destinataire. Parfois, l’autre tente une blague un peu maladroite pour calmer la grogne et on réagit en furie, pensant tout de suite à mal. Outre ces méfaits, le fexting peut aussi passer pour de la lâcheté et alourdir la peine de la personne qui a commencé à mettre de l’huile sur le feu.
Au lieu de désamorcer la bombe, le fexting fait la chair à canon des disputes conjugales. Mieux vaut donc en venir à la bonne vieille méthode de la discussion orale, entre quatre yeux. Bien sûr, l’idée n’est pas de faire le procès de l’autre ou de lister tous ses défauts, mais de dialoguer avec raison.