Non, ce n’est pas une faute d’orthographe faite par inadvertance. Le tolyamour, qui a la même racine que le polyamour, n’est pas aussi explicite et clair que cet amour pluriel consenti. Ni tout à fait fidèle, ni complètement infidèle, le tolyamour redéfinit les contours du couple et bouscule les certitudes. Une nouvelle façon d’aimer, loin des traditions où les partenaires tolèrent ce qui, pour beaucoup d’autres, serait un motif de rupture, un point de non retour.
Un terme nouveau pour un concept ancien
Vous connaissez certainement le polyamour, où chacun des partenaires s’autorise à aimer plusieurs personnes à la fois. Ce type de relation, choisi en toute transparence et en pleine conscience, sort des sentiers battus de la monogamie. Sachez qu’il existe une alternative nommée “tolyamour”. Dans le fond rien ne change mais dans la forme, c’est un peu plus ambigu. Ce néologisme trouvé par Dan Savage, chroniqueur américain qui se la joue Cupidon moderne, désigne un phénomène bien plus discret mais tout aussi fréquent.
Contraction de “tolérer” et de “polyamour”, le tolyamour décrit ces couples dans lesquels l’un des partenaires – ou les deux – ferment les yeux sur une infidélité ponctuelle ou une liaison passagère. Loin d’un accord formel ou d’un style de vie non-monogame pleinement assumé, c’est plutôt une sorte de compromis silencieux. En clair, votre partenaire ne demande pas la permission pour aller voir ailleurs, il se la donne et au lieu de laisser ses bagages sur le palier avec un mot bien salé, vous ne tenez pas rigueur de cet “écart”.
“Ces personnes ne sont ni idiotes ni dupes. Il ne faut pas les plaindre : elles savent ce qu’elles ont accepté et ont depuis longtemps accepté ce qu’elles ont. (…) En un mot, elles sont trop amoureuses” dépeint celui qui a théorisé le tolyamour auprès du HuffPost. Finalement, si le tolyamour sonne neuf à l’oreille, la pratique n’a rien d’inédit. Souvenez-vous du tandem Clinton, dont l’infidélité avait éclaté au grand jour. Le couple a continué sa route main dans la main, sans y faire de cas. Un exemple de tolyamour parmi tant d’autres. Dans le tolyamour, ce qui est ordinairement considéré comme la pire faute sentimentale voire une trahison irrévocable devient un simple détail. L’un des partenaires a un passe droit, un joker, qui l’autorise à découcher.
Le tolyamour, une fidélité redéfinie
Souvent incompris, le tolyamour ne se vit pourtant pas dans les mêmes codes que la tromperie secrète. Il s’agit d’un accord tacite : celui d’aimer quelqu’un en dépit d’un écart, d’une tentation, d’un moment de solitude ou d’excitation vécue ailleurs. À la vue de cette trace de rouge à lèvres laissée sur un col de chemise ou de cette petite culotte oubliée dans la voiture familiale, l’autre n’ira pas au règlement de compte, elle fera l’impasse, de son plein gré. Il n’y a pas de contrat signé, pas forcément de discussion approfondie. Juste une posture, souvent silencieuse : celle de ne pas tout savoir pour mieux continuer d’aimer.
Ce type de relation, plus souple et moins regardant sur la fidélité, est loin d’être rare. Selon Leanne Yau, éducatrice en polyamour qui a donné son point de vue dans les colonnes du HuffPost, c’est probablement “la forme la plus commune de non-monogamie”. Alors que la plupart des couples se promettent solennellement la fidélité jusqu’à la fin de leur jour, d’autres rompent délibérément ce pacte, sans jamais en payer les conséquences. Le tolyamour est plus “permissif” que les relations monogames policées, qui n’autorisent pas même un petit smack et qui considèrent la fidélité comme l’ultime preuve d’amour, l’unique règle à ne pas transgresser.
Tolyamour : faiblesse ou force ?
De l’extérieur, le tolyamour est souvent incompris, perçu comme une porte ouverte à toutes les dérives. Beaucoup estiment que cette pratique est malsaine. Peut-être que cette forme d’amour, plus laxiste, vous semble totalement inenvisageable. Si vous apprenez que votre partenaire a tendu sa bouche à une autre et posé ses mains sur le corps d’une inconnue, vous lui claquez la porte sans réfléchir. Dans le tolyamour, les partenaires sont plus indulgents mais pas forcément naïfs. À leurs yeux, l’infidélité n’est pas un délit mais un simple moment d’égarement.
Pour certains, tolérer l’infidélité sans la valider, c’est une forme de déni. Pour d’autres, c’est la preuve d’une maturité émotionnelle, d’un amour inconditionnel, d’une conscience claire que l’humain est imparfait, même dans le couple. Alors que la plupart des couples se séparent à la moindre incartade, les tolyamoureux, eux, font comme si de rien n’était et cultivent leur jardin secret sans empiéter sur les plates bandes de l’autre. Ils ne se laissent pas une dernière chance, ils s’en accordent des centaines.
Il convient tout de même de tempérer le tolyamour. Dans certaines cultures, l’infidélité ne vaut que chez l’homme et se pratique à sens unique. Monsieur, lui, peut cumuler les conquêtes alors que madame, elle, doit donner l’exclusivité à son conjoint et cadenasser son cœur et son corps à double tour. Aussi, une personne qui souffre de dépendance affective aura plus facilement tendance à dire amen à tout et à faire profil bas lorsque l’autre joue sur plusieurs tableaux. Dans ce cas, le “tolyamour” n’est pas un choix mais une obligation.
Pendant longtemps, la société nous a poussé à trouver l’âme soeur, notre fameuse flamme jumelle. Mais aujourd’hui, les relations sont mouvantes et plus hétérogènes. Le tolyamour, aussi radical soit-il, revendique un amour moins possessif et plus libre.