Afghanistan : des présentatrices télé contraintes de porter la burqa

Jusqu’à samedi 21 mai, les femmes journalistes des principales chaînes de télé afghanes apparaissaient à l’écran sans se couvrir entièrement le visage. Mais au début du mois de mai, le chef suprême des talibans en Afghanistan avait émis aux présentatrices l’ordre de porter la burqa lors de leurs apparitions à la télévision. Les Afghanes ont d’abord refusé d’obéir, avant de se plier à la nouvelle règle ce dimanche, par peur de perdre leur emploi.

Un nouvel ordre du chef suprême des talibans

En août 2021, les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan. Ils annonçaient alors un régime « plus souple » que leur règne de 1996 à 2001. Mais ces derniers mois, les maîtres de Kaboul ont imposé de nombreuses règles liberticides, notamment pour les femmes dans l’éducation, le travail ou la vie quotidienne. Une étude de Reporters sans frontières (RSF) avec l’Association des journalistes indépendants d’Afghanistan (AJIA) a révélé que depuis le 15 août 2021, plus de 6 400 journalistes avaient perdu leur emploi. Selon cette enquête, les femmes afghanes étaient plus particulièrement touchées, puisque 84 % d’entre elles ne travaillaient plus.

Début mai, le chef suprême des talibans a ainsi émis un nouvel ordre aux femmes afghanes. Les journalistes télévision devaient se couvrir entièrement le visage en public, idéalement avec la burqa. Si auparavant le foulard couvrant les cheveux suffisait, le voile intégral, doté d’une grille en tissu au niveau des yeux est devenu la règle.

Jusqu’au samedi 21 mai, les journalistes présentaient leur journal, en direct, sans se couvrir le visage, défiant ainsi l’ordre des talibans. Mais le lendemain, les journalistes des principales chaînes de télévision afghanes – TOLOnews, Shamshad TV, Ariana Television et 1TV – sont réapparues à l’écran avec une burqa.

La burqa pour continuer de travailler ?

Pour Khpolwak Sapai, directeur de TOLOnews, la chaîne avait été « forcée » de faire appliquer à son personnel l’ordre taliban. « On nous a dit : vous êtes obligés de le faire. Vous devez le faire. Il n’y a pas d’autre solution », a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). Pour lui, imposer la burqa aux femmes journalistes n’était pas un choix. Il a annoncé avoir été appelé au téléphone le samedi : « on m’a dit en termes stricts de le faire. Donc, ce n’est pas par choix que nous le faisons, mais contraints et forcés ».

Sonia Niazi, présentatrice de TOLOnews est contre le port du voile intégral. La journaliste a également confié à l’AFP que sa chaîne avait subi des pressions. Elle explique que les talibans ont dit que « toute présentatrice qui apparaissait à l’écran sans se couvrir le visage devait se voir confier un autre travail ».

« Nos consœurs craignent que si elles se couvrent le visage, la prochaine chose qu’on leur dira sera d’arrêter de travailler. C’est la raison pour laquelle elles n’ont pas respecté l’ordre jusqu’à présent », avait expliqué Abid Ehsas, chef des informations de Shamshad TV

Le porte-parole du ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice Mohammad Sadeq Akif Mohajir s’est aussi exprimé sur la question. Il a déclaré que les autorités n’avaient pas l’intention de forcer ces femmes à quitter leur travail. Il commente à l’AFP qu’ils sont « heureux que les chaînes aient correctement exercé leur responsabilité ».

« Nous continuerons notre lutte en utilisant notre voix »

Toutefois, les journalistes afghanes ne perdent pas espoir. « Nous continuerons notre lutte en utilisant notre voix. Je serai la voix des autres femmes afghanes », a exprimé la présentatrice de TOLOnews Sonia Niazi après avoir présenté un bulletin d’information. « Nous viendrons travailler jusqu’à ce que l’émirat islamique nous retire de l’espace public ou nous contraigne à rester à la maison ».

Même protestation du côté de la présentatrice pour 1TV Lima Spesaly : « Nous continuerons notre lutte jusqu’à notre dernier souffle ».

Afin de manifester leur solidarité avec les présentatrices dans la journée, les hommes journalistes et employés des locaux de TOLOnews et 1TV ont porté un masque couvrant leur visage. Dans la soirée, les présentateurs ont également porté des masques noirs à l’antenne pour protester contre l’ordre des talibans.

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Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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