Afghanistan : quel avenir pour les femmes et fillettes depuis le retour des Talibans ?

Alors que les talibans ont pénétré dans Kaboul, la capitale, et ont repris le contrôle de l’Afghanistan depuis le 15 août dernier, les images de citoyen.ne.s prenant la fuite dans le chaos s’enchaînent dans les médias. Au-delà des potentielles conséquences géopolitiques, l’avenir des Afghan.e.s préoccupe, et la situation est plus qu’alarmante pour les femmes et les jeunes filles.

80 % de femmes et d’enfants en fuite

L’Afghanistan est tombé aux mains des talibans après leur entrée dans la capitale Kaboul, le 15 août dernier, l’effondrement des forces gouvernementales et la fuite du président Ashraf Ghani. Des milliers de personnes tentent depuis désespérément de fuir le pays dans un chaos total. Embouteillages, cohues auprès des banques, commerces fermés, aéroports bondés et forces de sécurité afghanes impuissantes composent le décor.

Ce sont près de 250 000 Afghan.e.s qui fuient le pays depuis le mois de mai à cause des talibans. Parmi eux, 80 % sont des femmes et des enfants. C’est ce qu’affirme le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, face à la crise humanitaire qui frappe l’Afghanistan.

« Ce n’est pas un extrait d’un film d’horreur, c’est la réalité à Kaboul. La semaine dernière, la ville a organisé un festival du film et maintenant, les citoyens s’enfuient pour leur vie. C’est déchirant à regarder », déplore la journaliste et activiste iranienne Masih Alinejad.

Un recul pour les droits durement acquis par les Afghanes ?

Lorsque les talibans dirigeaient le pays entre 1996 et 2001, ils avaient imposé leur version ultra-rigoriste de la loi islamique, selon l’AFP. Les femmes ne pouvaient ni travailler ni étudier. Le port de la burqa était obligatoire en public et elles ne pouvaient quitter leur domicile qu’accompagnées d’un « mahram », un homme faisant office de chaperon. Les flagellations et les exécutions, y compris les lapidations pour adultère, étaient pratiquées sur les places des villes et dans les stades. Et cette liste n’est pas exhaustive.

« Il est particulièrement horrifiant et déchirant de voir que les droits durement acquis par les filles et les femmes afghanes sont en train de leur être enlevés », a déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général des Nation unies.

Les afghan.e.s craignent un retour à cette époque. Sur Twitter, une photo montre un homme recouvrant de peinture la photo d’une mariée souriante affichée sur la vitrine d’un magasin. Les talibans ne tolèrent en effet pas les reproductions d’images des femmes, notamment dans l’espace public.

En parallèle, comme le rappelle l’AFP, les talibans ont affirmé qu’ils respecteraient les droits humains s’ils revenaient au pouvoir en Afghanistan, en particulier ceux des femmes, mais « dans le cadre de la loi islamique ». Ils disent aussi vouloir protéger le droit des femmes, dans l’accès au travail et à l’éducation.

Des avenirs professionnels incertains

Pourtant, nombreuses sont les citoyennes à l’avenir professionnel incertain. Certaines ont pris la parole sur les réseaux sociaux et auprès des agences de presse depuis cette prise de pouvoir afin d’exprimer leur frustration face à la situation. On apprend ainsi qu’en juillet, des employées dans des banques de Kandahar et de Herat ont été harcelées par des talibans. Des hommes armés les ont escortées jusque chez elles et leur ont dit de ne pas retourner au travail.

« C’est vraiment bizarre de ne pas être autorisée à travailler, mais c’est comme ça maintenant. J’ai appris l’anglais et à me servir d’un ordinateur et maintenant je vais devoir trouver un endroit où je peux seulement être avec des femmes », témoigne Noor Khatera, l’une des employées de la banque, à Reuters.

Malgré cela, les talibans persistent et assurent vouloir protéger les droits des femmes, dans le cadre de la loi islamique. « On ne sait pas très bien ce que cela veut dire, mais il y a une chose dont on est certain, c’est que cela veut dire qu’il y aura, s’il y a possibilité de travail, une ségrégation des sexes », affirme la grande reporter Solène Chalvon-Fioriti à Franceinfo. La journaliste explique que certaines sociétés à Kaboul sont déjà en train de construire des murs à l’intérieur de leurs locaux pour séparer les hommes et les femmes. « C’est un moindre mal, comparé à l’abandon total de leur carrière », assure-t-elle.

Solène Chalvon-Fioriti confirme aussi que certaines femmes sont traquées en raison de leur métier, et pointe la responsabilité de l’Occident, qui devrait protéger ces femmes afghanes, après avoir implémenté cette « modernisation » des métiers des femmes afghanes ces 20 dernières années. Les fonctionnaires, enseignantes, universitaires, policières, journalistes, médecins craignent pour leur avenir.

« Elles font ces métiers parce que nous avons injecté de l’argent dans le développement. Nous avons appuyé ces programmes. Ce qui se passe, c’est que l’on part, que l’on ne donne pas de visas, pas de possibilité à ces femmes de s’enfuir, c’est vraiment terrifiant. »

Pour Marianne O’Grady, directrice adjointe de l’ONG Care International en Afghanistan, il y a néanmoins une once d’espoir face à la situation des femmes afghanes. Même si les talibans sont de retour, elle pense que les avancées des droits des femmes des deux dernières décades seront difficiles à effacer.

« Vous ne pouvez pas déséduquer des millions de personnes. Si les femmes sont de retour derrière les murs et dans l’incapacité de sortir, au moins pourront-elles éduquer leurs cousins, leurs voisins et leurs propres enfants, c’était impossible il y a encore vingt-cinq ans », explique-t-elle auprès d’AP.

Derrière l’angoisse, c’est une lourde incertitude qui pèse ainsi sur les Afghan·e·s. Depuis le fort de Brégançon où il séjourne en vacances, le chef de l’Etat Emmanuel Macron s’est s’exprimé hier 16 août : « L’Afghanistan ne doit pas redevenir le sanctuaire du terrorisme qu’il a été. Nous ferons tout pour que la Russie, les Etats-Unis et l’Europe puissent efficacement coopérer car nos intérêts sont les mêmes ».

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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