Qu’est-ce que le colorisme, cette discrimination qui sévit toujours ?

Extension du racisme et vestige de l’esclavage, le colorisme est une discrimination liée à la couleur de peau subie, principalement, par les personnes racisées. Et ce phénomène n’est pas peu répandu. Il sévit dans les pays d’Afrique, d’Asie et même en Occident. Éclairage sur une discrimination qui fait des ravages tant au niveau social, psychologique que physique.

Le colorisme, qu’est-ce que c’est ?

Comme son nom l’indique, le colorisme fait écho à la notion de couleurs. Mais, il est loin d’être un terme anodin. Il est la conséquence directe du racisme. Le colorisme se traduit par des discriminations inter et intra-communautaires liées à la couleur de peau. Les individu.e.s à la peau claire sont privilégié.e.s par rapport à celleux à la peau plus « foncée ».

Par conséquent, plus une personne racisée a la peau foncée, plus il lui est attribué des propos racistes, des traits moraux négatifs et des discriminations au quotidien. Par exemple, les femmes noires sont généralement considérées comme laides, tandis que celles au teint plus clair sont jugées plus belles, plus méritantes et sont mieux traitées.

Alice Walker, écrivaine et militante féministe américaine luttant pour les droits des noir.e.s, définit ce phénomène social comme le « traitement préjudiciable ou préférentiel des personnes de même race fondée uniquement sur leur couleur ».

Le colorisme, le vestige de l’esclavage

Mais les discriminations découlant du colorisme ne sont pas récentes. Elles sont le vestige et l’héritage de l’esclavage. En effet, à cette époque de l’histoire les femmes et les hommes noir.e.s étaient considéré.e.s comme inférieur.e.s aux « Blanc.he.s » (certain.e.s le pensent encore aujourd’hui, en 2022). Iels subissaient le racisme par cette hiérarchisation sociale par la couleur.

Dans les imaginaires radicalisés, le « blanc » et le « noir » s’opposent. De fait, à cause en partie de l’esclavage, ce racisme a été intériorisé par les personnes de couleurs et a donné naissance à des discriminations au sein de ces mêmes communautés. Les personnes noir.e.s à la peau claire croient qu’elles sont supérieures à celles à la peau plus sombre. On parle alors de colorisme.

Une discrimination sans frontières

Les Africain.e.s sont loin d’être les seul.e.s victimes du colorisme. Cette discrimination sévit également dans les pays d’Asie et en Occident. Par exemple, aux Philippines et comme dans d’autres pays d’Asie, avoir la peau claire symbolise le prestige, la réussite et la beauté.

De fait, dès leur plus jeune âge, les enfants sont contraint.e.s d’adopter toutes les techniques possibles pour éclaircir leurs teints. Crèmes éclaircissantes, cosmétiques, savons à la papaye, recettes maison… Iels font tout pour se protéger du soleil et entrer dans les cases.

Des préjugés qui se répandent également dans les pays occidentaux, comme aux États-Unis. En effet, une étude menée en 2015, a montré que les recruteur.se.s percevaient les femmes noires et hispaniques avec une couleur de peau plus claire, comme plus intelligentes que les femmes à la mélanine plus foncée.

La décoloration de la peau : un business juteux pour les marques

Face à ce conditionnement social, de nombreuses personnes de couleurs, principalement les femmes, sont contraintes d’éclaircir leur peau par tous les moyens.

« Ils me traitaient d’ulikba, ce qui signifie « négro » en tagalog (la langue des Philippines, NDLR). J’étais harcelé. C’est ce qui m’a poussé à prendre des compléments pour éclaircir ma peau », raconte Kerwin Octavo, enseignant Philippin en communication dans une université de Manille au média Madame Figaro

En effet, selon des études menées par l’OMS en 2011, les Nigérien.ne.s sont les principaux.les consommateur.rice.s de crèmes éclaircissantes. 77 % des Nigériennes en utilisent. Un chiffre qui monte à 59 % du côté des Togolaises et 27 % pour les Sénégalaises. Les Maliennes, quant à elles, sont 25 % à en utiliser.

Une « tendance » sur laquelle surfent beaucoup de marques. Le marché financier de la dépigmentation représentera, d’ici 2024, 25 milliards d’euros à l’échelle mondiale, selon l’institut Global Industry Analysts. De son côté, le marché asiatique, à lui seul, fera près de 4,68 milliards d’euros de profit dans les années à venir.

À noter, la France n’est pas en reste. Si depuis 2001, le pays interdit la vente de produit à base d’hydroquinone (substance toxique), la France continue de vendre des crèmes éclaircissantes.

Le marché illégal de l’éclaircissement

Si s’éclaircir la peau est devenu commun dans les sociétés asiatiques et africaines, un certain nombre de produits contiennent des substances très dangereuses pour la santé. En effet, pour obtenir des effets plus puissants, de nombreux.ses fabricant.e.s vendent illégalement des produits dans lesquels y sont introduites des substances interdites par la loi, comme l’hydroquinone ou le mercure, voire même utilisent des médicaments (corticoïdes) dont les effets secondaires sont le blanchiment de la peau.

Conséquences ? Les consommateur.ice.s souffrent de brûlure légère, d’eczéma, d’acné, de vergetures irréversibles voire, d’hyperpilosité. Face à cela, la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) tente de contrôler régulièrement les produits cosmétiques de blanchiment afin de les retirer du marché en cas de non-conformité.

Mais en dépit de cela, la DGCCRF a découvert, en 2018, que près de 60 % des produits blanchissants contenaient des substances toxiques. Soit 2 fois plus qu’en 2009. Un chiffre qui montre ô combien il est vital de briser le tabou sur les conséquences sociales, physiques et mentales du colorisme.

Bien heureusement, comme toute forme de discrimination, le colorisme est combattu et dénoncé. L’actrice Beverly Naya, en a d’ailleurs fait un sujet de documentaire au travers de son film « Nos peaux noires ». Elle fait l’état des lieux de cette discrimination et y dénonce les répercussions psychologiques, sociales et sanitaires du colorisme. Un message fort et plein d’espoir !

Shem's Tlemcani
Shem's Tlemcani
Je suis passionnée par les sujets sociétaux et la santé. Mon intérêt pour les questions sociales me pousse à explorer des enjeux tels que la lutte contre la pauvreté, l'éducation et le changement climatique. En matière de santé, je m'investis dans les domaines du bien-être, de la nutrition et de la prévention des maladies. Je m'efforce de rester informée et d'utiliser ma voix pour sensibiliser et encourager le débat et l'action sur ces sujets cruciaux.
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