Vente de colis perdus : quel est ce drôle de concept qui séduit de plus en plus ?

Parfois, il arrive que des colis s’égarent et ne s’acheminent jamais jusqu’à la boîte aux lettres de leur destinataire. Autrefois réduits en poussière, ces colis fantômes non réclamés par leur propriétaire sont désormais en « libre accès » dans des boutiques dédiées. D’ailleurs, la vente de colis perdus fait un carton plein ces derniers temps. Il faut dire qu’elle titille la curiosité. Et vous seriez-vous capable d’acheter un de ces paquets sans savoir ce qui se cache à l’intérieur ? Parce que finalement, ce concept c’est un peu la loterie. 

Vente de colis perdus, en quoi ça consiste au juste ?

De l’extérieur, ces boutiques ressemblent à des entrepôts : un vaste dédale de cartons. Ce ne sont pas les vitrines les plus « élégantes » et pourtant, elles attirent foule. Les gens s’y pressent dans l’espoir de tirer le pactole et de décrocher la perle rare sous blister. La vente de colis perdus s’est récemment démocratisée avec une promesse peu commune qui fait recette. Il s’agit d’acheter à l’aveugle des paquets « orphelins » qui ne sont pas arrivés aux mains de leurs destinataires. Rien d’illégal, rassurez-vous.

Chaque année, en Europe, au moins 2000 tonnes de colis n’atteignent jamais leur destination finale et sont déviés de leur itinéraire. Erreur d’adresse, couacs dans la distribution… les raisons sont multiples. Si les destinataires ne se manifestent pas, ces colis errants sont revalorisés en « boîte mystère ». La vente de colis perdus consiste donc à redistribuer des paquets « à l’abandon », dans leur état brut, préservés de tous coups de cutter. Propulsée par des vidéos TikTok « unboxing », dans lesquelles les internautes devinent et déballent leur paquet en direct, la vente de colis perdus est la nouvelle lubie du moment.

Concrètement, comment ça se passe ? En général, ces boutiques reposent sur le même modèle que les primeurs ou certaines friperies. Le prix se définit au poids, à la balance et reste assez abordable. Mais vous n’avez aucun indice sur le produit qui se trouve dedans. Tout repose sur votre degré de chance. Vous pouvez aussi bien tomber sur une paire de chaussettes kitsch, qu’une bague en or. C’est un peu comme un tirage au sort. Ce côté « hasardeux » fait toute la force de la vente de colis perdus.

À la base une démarche anti-gaspi

Si la vente de colis perdus convainc par son aspect « fête foraine » ou « roue de la Fortune », à l’origine, elle émane surtout d’un engagement écologique. Elle s’inscrit dans le sillage de la loi anti-gaspillage de 2022 qui interdit de désintégrer les produits invendus (sauf les denrées périssables). Avant cette règle juridique, les colis perdus étaient tout simplement incinérés et transformés en cendre. Désormais, leur destruction relève de l’infraction. Alors au lieu de les laisser croupir dans un coin sombre d’un hangar, une poignée de particuliers au flair aiguisé se sont emparés de cette marchandise « secrète » pour en faire un « business ».

Même si l’initiative est avant tout commerciale, elle part d’une bonne attention. D’ailleurs les adeptes de la vente de colis perdus avancent ce concept comme un geste en faveur de la planète. Pourtant, de la même façon que la seconde main, à partir du moment où la pratique se radicalise et bascule dans le commerce de « masse », elle devient contre-productive. Implicitement, la vente de colis perdus pousse à la consommation, ce qui n’est pas totalement compatible avec la mentalité écologique. Mais d’un autre côté, elle redonne une utilité à des paquets, voués à prendre la poussière.

Un concept qui mise tout sur « l’effet surprise »

Ce qui fait le succès de la vente de colis perdus, c’est son caractère énigmatique. Dans ces boutiques d’un nouveau genre, les emballages opaques ne laissent rien présager. Vous pouvez secouer le paquet dans tous les sens et l’ausculter à la loupe, impossible de déterminer la nature de son contenant. C’est seulement après avoir éventré la boîte et effeuillé toutes les couches d’emballage que vous savez si vous êtes gagnant.e dans votre achat. C’est la même adrénaline éprouvée que lorsque vous découvrez les cases de votre jeu à gratter avec votre pièce jaune. Plus imagé encore, vous avez une excitation juvénile digne d’un.e enfant de 5 ans devant ses cadeaux de Noël.

Ces boutiques, semblables à des cavernes d’Ali-Baba montées sur kraft, sont de véritables terrains de jeu. Beaucoup s’y pressent dans le simple but de mettre à l’épreuve leur bonne étoile. Évidemment, il y a toujours ce souhait du « pactole » au coin de la tête. Avec la vente de colis perdus, il vaut mieux avoir un esprit fair-play. Les cartons ne renferment pas tous des appareils électroménagers dernier cri, loin de là. Vous êtes d’ailleurs plus susceptible de trouver une coque de téléphone ou un t-shirt à la mauvaise taille qu’un objet de grande valeur. Mais les paris sont lancés…

Vente de colis perdus : gare aux arnaques

La vente de colis perdus est encadrée. Mais des êtres piqués par la cupidité n’hésitent pas à détourner la pratique à des fins peu scrupuleuses. Sur les réseaux sociaux, les vidéos mensongères se comptent par dizaine. Des internautes anonymes font mine de sortir des sacs de luxe et des produits de la Tech qui s’estiment à quatre chiffres de leur carton. Pourtant, ce n’est que de la mise en scène pour choper les portefeuilles.

Comme le rappelle William Mourrière à FranceInfo, cofondateur de Flamingo Box, entreprise reine dans la vente de colis perdus, les produits ne vont pas au-delà de 300€. Les marques de luxe ont une possibilité de traçabilité. Elles peuvent intercepter ces colis « à temps » pour les récupérer et les remettre en service.

La vente de colis perdus commence à générer des réseaux parallèles. Les acheteur.se.s s’improvisent, à leur tour, commercant.e.s et tentent de revendre leurs trouvailles (pas toujours à la hauteur de leurs attentes). Les chariots mystères, enveloppés de cellophane suscitent un engouement similaire au sein des grandes surfaces. Comme quoi, le suspense n’a pas seulement sa place dans les polars.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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