Dans une société qui idéalise les corps longilignes et les silhouettes fines, les femmes maigres devraient presque se sentir chanceuses. “T’as pas honte de complexer ?”, “la génétique t’a bien gâté”, “t’es trop maigre”, “tu devrais prendre quelques kilos”. Ces phrases collent à la peau des femmes qui ont un IMC bas. Si dire “t’es trop grosse” sonne comme une insulte, l’inverse n’est pas forcément mieux. Une créatrice de contenu en témoigne.
Dire “t’es trop maigre” n’a rien de valorisant
Depuis plusieurs années, la société fait l’éloge des silhouettes qui ont la chair près des os. La mode hisse des mannequins au physique svelte en demi-déesse. De ce fait, dans l’imaginaire collectif, une femme naturellement mince doit forcément être bien dans sa peau. Elle est supposée se regarder avec fierté dans le miroir. Alors que les femmes rondes se font dévisager du coin de l’œil, les femmes maigres, elles sont ouvertement jugées. Face à elles, les autres ne pèsent pas leur mot et se permettent des commentaires qu’ils auraient gardés pour eux devant un corps plantureux.
Leur poids est l’objet de toutes les conversations. Pendant les repas de famille, les yeux suivent les lignes fluettes de leurs silhouettes et s’attardent sur ces courbes qui remplissent difficilement les vêtements. À la vue de ce corps, que la famille pense mal nourri et juge pas assez rembourré, les remarques fusent. “T’es trop maigre”, “tu devrais manger plus”, “t’es squelettique”. Lorsqu’elles répliquent, les proches dégainent cet argument ultime “tu devrais t’estimer heureuse”, comme si être maigre était un cadeau béni des dieux.
Comme le souligne la créatrice de contenu @mathdcls, dire “t’es trop maigre” à une femme est tout aussi déplacé et offensant que dire “t’es trop grosse” à une autre. “Pourquoi on aurait plus le droit de dire à une meuf qu’elle est trop maigre quand on ne peut pas dire à quelqu’un qu’elle est trop grosse ?” se révolte-t-elle. Même si la maigreur est souvent encouragée, elle n’est pas toujours choisie. Ces femmes, dotées d’un corps que beaucoup idolâtrent, bataillent peut-être avec des TCA ou rêvent peut-être de prendre de la masse.
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Une personne maigre peut aussi avoir des complexes
Mathilde, qui partage des bribes de son quotidien avec ses 41 000 abonnées et qui brave volontiers les non-dits, parle en connaissance de cause. Elle-même a subi des regards pesants et entendu des phrases faussement élogieuses. “En fait partez du principe où vous n’avez pas votre avis à donner sur le corps de la femme” prévient-elle.
Ces femmes, qui, selon la société devraient avoir un minimum de reconnaissance envers leur corps fin, ne sont pas immunisées contre les complexes. Elles ne sont pas toujours en paix avec leur reflet. Elles peuvent souffrir de dysmorphophobie et faire une fixette sur leur ventre alors que dans le regard des autres, il se rapproche de la perfection. Ou alors elles peuvent faire face à des problèmes de santé qui les gardent au “poids mort” et qui les empêchent de prendre des kilos.
Finalement, chaque corps cache ses traumas et ils ne sautent pas toujours aux yeux. Dire “t’es trop maigre” à une femme n’est pas une flatterie ou une fleur gratuite. Cette phrase, à l’inverse, peut réveiller des démons enfouis et raviver des craintes autour du corps.
Le corps des femmes, soumis à tous les jugements
Trop gros, trop maigre, pas assez musclé, trop charpenté, trop carré, pas assez dessiné… Le corps des femmes est inlassablement critiqué. Qu’importe sa forme et sa morphologie, il n’est jamais à la hauteur des attentes extérieures. Les femmes minces sont invitées à se ravigoter et à gagner en épaisseur comme si la maigreur était une maladie. À contrario, les femmes grosses sont appelées à fondre et à s’affiner comme si leurs courbes illustraient une certaine oisiveté.
En clair, le corps des femmes n’est jamais assez bien et peut toujours se perfectionner. Et celles qui rentrent dans un petit 34 et qui s’habillent parfois au rayon adolescent n’y échappent pas. Face à cette injonction de la poupée Barbie, comment rester neutre devant son corps ?
Bien souvent les filles minces fantasment sur celles qui ont des hanches affirmées et vice-versa. Bref, la société fait de nous des éternelles insatisfaites. Or, ce qui importe ce n’est pas d’avoir un corps « conforme » mais un corps qui fonctionne. Un corps qui vous permet de rire, de ressentir, de vibrer.