Un nom qui accroche, un concept qui interroge : le « Human Kibble » s’invite dans les discussions en ligne et suscite des réactions vives. Fascinant pour certaines personnes, inquiétant pour d’autres, ce mode d’alimentation minimaliste remet en question notre rapport à la nourriture et à notre corps.
Un nom provocateur, un concept radical
Derrière l’appellation un brin cynique de « Human Kibble » – comprenez littéralement « croquettes pour humains » – se cache une pratique alimentaire qui fait fureur dans certains cercles de biohackers et de minimalistes. L’idée ? Ne consommer que des repas en poudre, en barres ou en liquides, formatés pour couvrir les besoins nutritionnels essentiels. Rien de plus. Ni textures variées, ni explosion de saveurs, ni plats mijotés à partager. On se nourrit comme on ferait le plein de carburant.
Ce régime, ou plutôt ce mode d’alimentation, ne cherche pas à séduire vos papilles. Il vise l’efficacité brute, l’épure totale : manger pour vivre, pas pour le plaisir. Et pour une partie de ses adeptes, c’est précisément là que réside la liberté.
Une réponse à la « fatigue alimentaire » ?
Dans un quotidien surchargé de choix, où tout doit être optimisé, même les repas peuvent devenir une source de stress. Faire les courses, prévoir les menus, cuisiner sainement, varier les plaisirs, éviter le gaspillage… Cela peut ressembler à une charge mentale de plus, particulièrement dans des vies déjà bien remplies.
Le « Human Kibble » s’impose alors comme une solution radicale : une poignée de poudre ou une barre, et hop, c’est réglé. Pas de cuisine, pas de vaisselle, pas de débat intérieur sur « qu’est-ce qu’on mange ce soir ». C’est un peu le fantasme de la productivité ultime appliqué à la nourriture.
Toutefois, certaines personnes y voient aussi un outil de contrôle alimentaire : finis les grignotages, les écarts, les « j’ai encore craqué ». Le tout souvent pour un coût maîtrisé et une traçabilité totale des nutriments ingérés.
@aixalifts1slop♬ original sound – Clintonjoshuaofficial
Mais à quel prix ?
Là où le bât blesse, c’est qu’en réduisant la nourriture à sa seule dimension fonctionnelle, on oublie que manger, c’est aussi vivre. C’est une expérience multisensorielle, un moment de lien social, un vecteur de culture, d’identité, d’émotions. Manger n’est pas une faiblesse. C’est un plaisir fondamental, un besoin vital autant physique que psychique.
Supprimer le goût, la texture, le partage, ce n’est pas neutre. Ce n’est pas anodin non plus de dire que l’on préfère fonctionner « comme un animal » pour éviter la charge de manger. Ce type de discours peut refléter une fatigue mentale profonde… ou un rapport troublé à l’alimentation.
Une zone grise avec les troubles du comportement alimentaire
Ce régime n’est pas sans rappeler certains comportements liés aux troubles du comportement alimentaire. On pense notamment à l’orthorexie, cette obsession de « manger parfaitement », ou à une dissociation émotionnelle des repas, parfois observée chez des personnes souffrant de TCA.
Bien sûr, tous les adeptes du « Human Kibble » ne sont pas en détresse psychologique. Cette tendance à glorifier une alimentation sans goût, sans émotion, sans plaisir, soulève néanmoins de vraies inquiétudes chez les professionnels de santé. La quête de contrôle absolu sur ce que l’on ingère peut devenir un terrain glissant.
Une micro-tendance qui buzze plus qu’elle ne s’impose
Il faut cependant relativiser : malgré le bruit sur les réseaux sociaux, le « Human Kibble » reste un phénomène marginal. Quelques influenceurs techno-minimalistes s’en emparent, mais il ne s’agit en rien d’un raz-de-marée culturel.
L’intérêt, voire la fascination, qu’il suscite vient surtout de sa radicalité. On joue avec l’idée d’une « déshumanisation alimentaire », on provoque, on ironise. Ce n’est pas tant une adhésion de masse qu’un miroir grossissant tendu à nos contradictions modernes.
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Un symptôme contemporain plutôt qu’un vrai modèle
Peut-être que derrière ce choix extrême se cache un rejet implicite de l’injonction inverse : bien manger, local, bio, fait maison, zéro déchet, sain, éthique, joyeux, et si possible instagrammable. Une pression qui pèse, en particulier sur les femmes, et qui peut se transformer elle aussi en source d’angoisse.
Entre l’hyper-consommation émotionnelle et l’aseptisation extrême, le « Human Kibble » reflète un monde tiraillé entre besoin de contrôle et désir de lâcher-prise. C’est le corps qui trinque au passage, dans un ballet de culpabilité, d’idéaux inatteignables et de stratégies d’évitement.
Régime ou torture mentale ?
Il est bon de le rappeler clairement : faire des régimes, ce n’est pas anodin. Ce n’est pas « normal », ni nécessaire. À moins d’un avis médical sérieux, avec un réel enjeu de santé, votre corps n’a pas besoin d’être corrigé. Il mérite qu’on l’écoute, pas qu’on le maltraite.
Imposer un régime, quel qu’il soit, ce n’est pas une preuve de discipline. C’est parfois une guerre silencieuse contre soi-même. Et vous n’êtes pas un robot à entretenir. Vous êtes une personne entière, complexe, belle dans sa diversité. Il n’y a aucune honte à aimer manger, à apprécier une pizza bien grasse ou un dessert bien sucré. Ce n’est pas un échec : c’est la vie.
Alors si vous voyez passer le « Human Kibble » sur vos fils d’actualité, prenez une respiration. Ce n’est pas une révolution. C’est juste une tendance parmi d’autres, qui dit beaucoup plus sur notre époque que sur ce que vous « devriez » faire.