Dans les relations amoureuses ou amicales, il arrive parfois que l’on endosse, consciemment ou non, le rôle de sauveuse ou de soutien inconditionnel. Derrière ce comportement se cache ce qu’on appelle : le syndrome de l’infirmière.
Qu’est-ce que le syndrome de l’infirmière ?
Loin d’être un simple élan de bienveillance, ce schéma relationnel peut s’avérer toxique pour la personne qui le vit comme pour celle qui en bénéficie. Et à terme, il risque de fragiliser, voire de détruire, les liens affectifs qu’il prétend préserver.
Le syndrome de l’infirmière (ou syndrome du sauveur) désigne en effet une tendance à s’investir émotionnellement dans les problèmes d’autrui, souvent au détriment de soi-même. Ce comportement repose sur le besoin de réparer, de consoler, de sauver l’autre, surtout lorsque celui-ci traverse des périodes difficiles ou adopte des comportements destructeurs.
Ce terme ne désigne pas un trouble psychiatrique reconnu dans les classifications médicales officielles, mais il est largement utilisé en psychologie relationnelle pour analyser certains déséquilibres affectifs. Selon la psychothérapeute France Brécard, « ce syndrome se manifeste souvent chez des personnes qui ont intériorisé l’idée que l’amour se mérite par le don de soi ».
Des schémas relationnels souvent déséquilibrés
Les personnes touchées par ce syndrome se retrouvent souvent dans des relations déséquilibrées, où elles prennent en charge l’autre émotionnellement, financièrement ou même psychologiquement. Cela peut concerner :
- Un partenaire en détresse chronique (dépendance, dépression, instabilité)
- Un ami constamment en crise
- Un membre de la famille qui demande un soutien constant
Ce fonctionnement donne souvent naissance à une relation asymétrique : l’un donne, l’autre prend. Et ce déséquilibre peut rapidement user le lien affectif initial. À force de vouloir « guérir » l’autre, la personne « infirmière » s’épuise, se perd, et finit par s’oublier totalement.
Un mécanisme souvent ancré dans l’enfance
D’après plusieurs psychologues, le syndrome de l’infirmière trouve fréquemment ses racines dans l’enfance. Les personnes concernées ont parfois grandi dans des environnements où elles ont dû prendre soin d’un parent instable, malade ou émotionnellement indisponible. Elles ont alors développé une hyper-empathie, mêlée à une incapacité à poser des limites.
Ce conditionnement les pousse à croire que leur valeur repose sur leur capacité à soulager la souffrance des autres. Résultat : elles se sentent indispensables, voire responsables du bien-être de leur entourage.
Comment ce syndrome détruit les liens affectifs ?
À première vue, vouloir aider l’autre semble noble. Sauf que dans la durée, ce fonctionnement peut s’avérer destructeur :
- Épuisement émotionnel : la personne « infirmière » finit par ressentir un grand vide intérieur.
- Frustration et rancœur : le sentiment de ne pas être reconnue ni soutenue en retour crée un climat toxique.
- Dépendance affective : la relation repose sur un besoin de validation par l’aide.
- Évitement des vrais conflits : la peur de blesser empêche toute remise en question du lien.
Au lieu de nourrir une relation saine et réciproque, le syndrome de l’infirmière finit par saboter l’équilibre affectif, transformant parfois une relation d’amour ou d’amitié en fardeau.
Comment en sortir ?
La première étape pour se libérer de ce schéma est la prise de conscience. Il s’agit d’identifier les moments où l’on agit par devoir plutôt que par envie. Cela passe par un travail d’introspection, souvent accompagné d’un suivi thérapeutique.
Quelques pistes concrètes :
- Apprendre à poser des limites claires, sans culpabilité
- Reconnaître que l’on n’est pas responsable du bonheur des autres
- Cultiver des relations équilibrées et réciproques
- S’autoriser à recevoir, pas seulement à donner
Comme le souligne la psychologue Geneviève Krebs, « sortir de ce syndrome nécessite de réapprendre à exister en dehors du rôle de « sauveuse », en retrouvant sa propre valeur en tant qu’individu ».
Le syndrome de l’infirmière agit ainsi comme un piège discret, mais puissant. Derrière le masque de la générosité, il cache souvent une souffrance ancienne, un besoin de contrôle ou une peur de l’abandon. En prendre conscience permet non seulement de préserver sa santé mentale, mais aussi de bâtir des relations plus saines, basées sur l’égalité, le respect mutuel et l’authenticité.