« J’ai subi du cyber harcèlement parce que je suis grosse » : le témoignage de Noémie

Noémie (nous avons volontairement changé son prénom) nous a envoyé un témoignage sur le cyber harcèlement après la révélation de l’affaire de la « Ligue du Lol ». Elle souhaite raconter son histoire parce que « ça n’arrive pas qu’aux autres » dit-elle et que tout le monde peut être un jour ou l’autre pris pour cible.

Noémie, victime de cyber harcèlement parce qu’elle est grosse

Il y a quelques jours, la presse révélait l’affaire de la « Ligue du Lol ». Ce petit groupe Facebook créé en 2009 regroupait des journalistes et des personnes du monde des médias qui ensemble s’amusaient à harceler des influenceurs, des féministes, des blogueurs (souvent des femmes) sur Twitter.

Cette histoire qui a beaucoup fait réagir a amené de nombreuses personnes à témoigner sur le cyber harcèlement. Aujourd’hui, c’est Noémie qui nous a demandé de diffuser son témoignage sur le sujet.

« Il y a quelques années j’ai eu envie de faire comme toutes ces nanas que je voyais sur Instagram et Facebook. J’ai créé mon compte et j’ai commencé à poster des photos de mes looks grande taille. J’ai toujours été ronde, j’ai toujours adoré la mode et j’avais envie de montrer qu’on peut s’habiller en grande taille et avoir du style.

Je savais que de nombreuses femmes, et notamment de femmes rondes se tapaient parfois des remarques désobligeantes d’internautes, souvent des mecs. « T’es moche », « tu vas mourir du diabète »… Bla bla bla. Je savais que ça m’arriverait aussi mais je pensais sincèrement être suffisamment forte pour pouvoir y faire face.

Les premiers mois je n’avais qu’une centaine d’abonnés et très rarement des commentaires désagréables. J’étais suivie en majorité par des femmes rondes, on était donc en « famille ». Mais quand ma photo a été partagée par un compte Insta plus connu, j’ai commencé à avoir de la visibilité et c’est là que tout s’est précipité pour moi.

Les commentaires méchants, absolument gratuits se sont multipliés. Et je l’avoue, on a beau se dire que c’est des cons, ça fait mal. J’ai fait comme plein d’influenceuses le font, j’ai bloqué les profils concernés et j’ai supprimé les commentaires. Ça a fonctionné un temps…

« Ce qu’ils font, ça s’appelle du harcèlement moral »

Très vite, j’ai été prise pour cible par ce que je considérais à l’époque comme des « trolls », plus coriaces cette fois. J’avais déjà entendu des histoires de nanas harcelées mais je pensais que c’était rare et qu’on pouvait s’en sortir sans trop de dommages lorsque ça s’arrêtait à du cyber harcèlement. Je pensais que « ça n’arrivait qu’aux autres » mais j’avais tort…

Ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’avant de poser le mot « harcèlement » sur ce qu’on subit, il se passe vachement de temps… En plus de commentaires dégueulasses j’ai commencé à recevoir des messages privés et même des mails sur l’adresse indiquée sur mon profil.

Photo d’illustration

J’avais beau bloquer les mecs, il y en avait toujours quelques-uns qui se recréaient des comptes et revenaient à la charge, c’était devenu leur obsession. Il y a ceux qui m’insultaient, me disaient TOUS LES JOURS que j’étais dégueulasse, qu’aucun mec ne pourrait jamais aimer une grosse comme moi, que je me voilais la face en disant que j’étais belle. Et il y en a qui m’envoyaient des messages super bien écrits pour me dire simplement que vu mon poids, j’allais bientôt mourir et que ce serait bien fait pour ma gueule… des trucs du genre.

Le problème, c’est qu’il te faut un certain temps avant de comprendre que ces mecs tapent exprès là où ils savent que ça fait mal et que ce qu’ils disent ce n’est pas LA vérité. Ce qu’ils font, ça s’appelle du harcèlement moral. Et y a des moments où tu es plus fragile que d’autres et tu finis par y croire, sincèrement.

« Ils se sentent puissants en détruisant les autres »

Ce que je sais maintenant, c’est que ces mecs sont malades. Ils jouissent du malheur des autres, ils se sentent puissants en détruisant les autres. J’ai subi du cyber harcèlement parce que je suis grosse mais aussi parce que je suis une femme. Et ces mecs-là ne supportent pas qu’une femme l’ouvre, s’assume, encore plus quand elle est grosse. C’est trop dur à digérer pour eux il faut que tu rentres dans le rang et que tu laisses le mâle alpha décider de qui doit vivre ou fermer sa gueule

Je dois avouer que j’ai dû en passer par la case psy pour m’en sortir. J’avais perdu toute estime et confiance en moi. Je commençais doucement à tomber en dépression. Et avec mon psy on a convenu qu’il serait mieux pour moi de m’éloigner des réseaux sociaux.

Aujourd’hui mon compte existe toujours mais il est « privé », j’ai fait le ménage et je n’accepte plus de nouveaux abonnés. Ce qui me tue c’est que j’ai l’impression qu’ils ont gagné. J’avais vraiment envie de faire partie de la communauté grande taille sur internet mais je n’ai plus la force d’affronter ces harceleurs, car c’est ce qu’ils sont, pas des trolls, des putains de harceleurs !

Ma santé mentale est plus importante, et j’aimerais dire à ceux à qui ça arrive qu’ils ne sont pas responsables de ça. Car dans ce domaine-là aussi c’est souvent la victime qui a honte et se culpabilise et ça, il faut que ça s’arrête ! »

Que faire en cas de harcèlement sur internet ?

Première chose, Noémie a raison, ne vous culpabilisez pas et n’ayez pas honte, rien ne justifie qu’on harcèle, détruise moralement une personne. Ce n’est pas à vous mais à votre harceleur de se remettre en question.

Plusieurs possibilités sont ensuite envisageables. Vous pouvez bloquer mais aussi signaler le compte des personnes qui vous harcèlent. Pensez également à paramétrer vos comptes pour décider de qui peut voir vos informations.

On vous conseille quoiqu’il arrive de garder des traces, preuves de ces agissements. Captures d’écran, enregistrements audio, photos pourront vous servir si vous décidez de porter plainte. Si vous vous sentez en danger, si le harcèlement prend des proportions incontrôlables et que bloquer/signaler la personne ne suffit pas, alors rapprochez-vous d’un commissariat ou d’une gendarmerie et parlez-en.

Un numéro a également été mis en place. Il s’agit du 0800 200 000. Si vous préférez, vous pouvez choisir de chatter sur NetEcoute.fr.

Enfin, parlez-en autour de vous, que ce soit à votre entourage ou à des professionnels. Conseils, soutien, ils pourront vous aider à passer ce moment difficile et à vous reconstruire. Vous pouvez également rejoindre des forums d’entraide sur internet.

Carole Guidon
Carole Guidon
Les rondeurs ne sont pas synonymes de laideur. Le corps gros n'est pas forcément un fardeau. Moi-même, je suis une jeune fille ronde et épanouie qui s'assume. J'aime la vie et les plaisirs simples. Et j'ai à cœur de militer au quotidien contre la grossophobie qui gangrène notre société. Derrière chaque corps se cache une histoire, heureuse ou douloureuse, mais toujours unique, qu'on gagnerait à accueillir avec respect et humilité.
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