Dans une société où le smartphone s’est imposé comme une extension de notre main, certains artistes donnent à voir la réalité sous un autre angle. Le photographe américain Eric Pickersgill, avec sa série « REMOVED », frappe fort en effaçant les téléphones des clichés… et l’effet est aussi saisissant qu’inquiétant.
Quand le smartphone disparaît… le malaise s’installe
C’est dans un café new-yorkais qu’Eric Pickersgill a eu l’inspiration : il observe une famille réunie, mais chaque personne absorbée par son écran, physiquement présente mais émotionnellement absente. Cette scène anodine déclenche chez lui l’envie d’immortaliser ce décalage.
Le procédé est simple : il demande à ses modèles de prendre la pose comme s’ils utilisaient leur téléphone, puis il retire l’appareil juste avant la photo. Le résultat ? Des mains vides, des gestes suspendus, des regards perdus – une absence qui saute aux yeux.
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Le syndrome du « membre fantôme » numérique
Les clichés dévoilent plus qu’un simple manque : ils révèlent à quel point la posture liée à l’usage du smartphone est ancrée dans notre quotidien. Eric Pickersgill parle même de « membre fantôme » : un geste qui continue d’exister extérieurement, même en l’absence de l’objet. Ce corps conditionné traduit une omniprésence du numérique, jusqu’à l’automatisme social. Chaque personne mime inconsciemment la coupure avec l’entourage, les yeux rivés sur un écran devenu invisible.
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Un miroir mondial de la dépendance digitale
Le projet, débuté en 2014 en Caroline du Nord, s’est étendu à l’international : Vietnam, Inde, Indonésie… Peu importe le pays ou la culture, l’habitude reste la même. Ces portraits en noir et blanc mettent l’accent sur une fracture attentionnelle universelle : celle qui sépare les individus même lorsqu’ils sont ensemble physiquement. La série « REMOVED » de Eric Pickersgill devient ainsi un miroir de notre ère, où la présence est souvent factice, la distraction permanente.
En retirant le smartphone, Eric Pickersgill questionne ainsi : qu’efface-t-on vraiment ? Simplement l’objet ? Ou une partie de nous-même ? La série trouble par cette absence criante, révélant combien la technologie a modifié nos gestes, notre posture et notre rapport aux autres. Elle invite à s’interroger sur le prix de notre hyperconnexion et sur la manière de recréer du lien réel.