Un simple geste pour certaines personnes, un affront pour d’autres : demander à un invité de retirer ses chaussures suscite un vrai débat. Et les cultures asiatiques ont leur avis bien arrêté sur la question.
De la politesse ou un manque de savoir-vivre ?
Tout est parti d’un guide du New York Times sur l’art de recevoir, dans lequel deux expertes conseillaient de ne surtout pas demander aux invités d’enlever leurs chaussures. Pour elles, c’est malpoli, voire carrément hostile. L’une d’elles, la cheffe Romilly Newman, expliquait : « Quand vous invitez des gens chez vous, vous devez lâcher prise ».
Sur les réseaux sociaux, la réaction ne s’est pas fait attendre. Nombreuses sont les personnes qui y ont vu une ignorance flagrante de certaines normes culturelles. Comme l’a plaisanté l’humoriste Hari Kondabolu : « Quand tu découvres qui n’a pas d’amis asiatiques…».
En Asie, c’est une évidence
Dans la majorité des foyers asiatiques, retirer ses chaussures en entrant est en effet non seulement attendu, mais considéré comme un signe de respect. C’est une règle implicite, parfois renforcée par une paire de chaussons offerte aux visiteurs.
Cette règle de politesse asiatique repose sur des principes simples : la maison est un lieu de repos, de propreté et de sécurité. On retire donc ce qui vient de l’extérieur. Dans beaucoup de cultures, on se change même complètement en rentrant chez soi. D’ailleurs, au Japon, un endroit est même prévu à cet effet. Il s’agit d’un gekan, sorte de vestibule où l’on troque ses chaussures sales contre des pantoufles stériles.
Sara Jane Ho, spécialiste des bonnes manières et auteure de « Mind Your Manners », le dit clairement : « Je n’ai jamais porté de chaussures dans la maison. C’est extrêmement hygiénique ». Elle rappelle que dans les rues, les toilettes, les transports ou les marchés, les chaussures ramassent des bactéries, parfois très nocives.
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Hygiène et respect des espaces sacrés
Une étude réalisée à Manhattan en 2023 a confirmé la présence d’E. coli et autres germes sur les chaussures, les moquettes et les sols intérieurs. Enlever ses chaussures devient donc un geste élémentaire de santé publique.
Il y a aussi un fondement culturel profond. Dans de nombreuses traditions religieuses asiatiques – bouddhistes, hindoues, musulmanes, sikhes, jaïnes -, on retire ses chaussures dans les temples. La même logique s’applique aux foyers : c’est un espace sacralisé. Comme le rappelle Jose Santos Ardivilla, doctorant philippin : « Enlever ses chaussures, c’est un geste de déférence ».
À chacun ses règles… mais avec explication
Dans les foyers asiatiques vivant en Occident, cette règle est parfois source d’incompréhension. Tsai-Ni Ku, communicante d’origine taïwanaise, raconte en effet que sa mère expliquait toujours gentiment aux invités pourquoi il fallait retirer leurs chaussures. C’est une question d’éducation, pas d’imposition.
Pour ceux qui trouvent cela gênant ? Il suffit de venir avec des chaussettes propres ou de profiter des chaussons généreusement tendus. Dans ces foyers, l’hospitalité est une valeur clé, et le confort de l’autre n’est jamais oublié. Porochista Khakpour, romancière irano-américaine, insiste : « Il y a des règles de base. Enlever ses chaussures, c’est vraiment le minimum ».
Au final, qui est impoli ?
Le véritable manque de savoir-vivre n’est sans doute pas de demander à un invité d’enlever ses chaussures, mais de refuser les règles de la maison qui vous accueille. Le respect va dans les deux sens : l’hôte prépare un espace sûr et propre, le convive s’y adapte avec souplesse.
Ce débat, aussi anecdotique qu’il puisse paraître, révèle les ponts entre les cultures. Entre hygiène, respect et traditions, enlever ses chaussures à l’entrée est finalement bien plus qu’un simple choix personnel : c’est une façon de considérer les autres et l’intimité de leur espace.
Finalement, ne pas enlever ses chaussures, ça revient un peu à empoigner de la nourriture sans s’être lavée les mains au préalable. On colporte les bactéries de la barre de métro, des rampes d’escalier… Bref, pas très ragoûtant.