Longtemps considérés comme une urgence médicale touchant principalement les personnes âgées, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) n’épargnent plus les jeunes adultes. En France, environ 140 000 AVC surviennent chaque année, et selon l’Inserm, 10 % des personnes touchées ont moins de 45 ans. Une tendance en hausse, qui soulève de nombreuses questions : pourquoi ces AVC dits précoces ? Et surtout, comment les prévenir ?
Quand le cerveau tire la sonnette d’alarme trop tôt
Un AVC, c’est l’obstruction ou la rupture d’un vaisseau sanguin dans le cerveau. Dans 80 % des cas, il s’agit d’un AVC ischémique, provoqué par un caillot qui bouche une artère. Le reste est constitué d’hémorragies cérébrales. Quelle que soit la cause, le résultat est le même : une partie du cerveau est privée d’oxygène, avec des conséquences parfois irréversibles.
Et contrairement aux idées reçues, les jeunes ne sont pas à l’abri. Le Pr Sonia Alamowitch, cheffe du service de neurologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, rappelait récemment dans Femme Actuelle que cette « maladie fréquente touche aussi beaucoup de sujets jeunes, notamment en raison de facteurs de risque parfois méconnus ou atypiques ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
Selon une étude publiée en avril 2025 dans la revue Stroke, un quart des AVC surviendraient chez des personnes de moins de 65 ans, et 10 % chez des moins de 45 ans. L’étude, menée auprès de plus de 1 000 adultes européens âgés de 18 à 49 ans, s’est intéressée à un type particulier d’AVC : l’AVC cryptogénique, c’est-à-dire sans cause identifiée. Et les résultats sont surprenants.
Outre les classiques hypertension, diabète ou tabagisme, les chercheurs ont mis en lumière l’importance de facteurs dits « non traditionnels », comme les migraines avec aura, certaines malformations cardiaques ou encore la consommation de substances psychoactives. Ces éléments pèsent davantage dans la balance chez les jeunes que chez les plus âgés.
Le rôle souvent méconnu du cœur
Parmi les participants de l’étude Stroke, beaucoup présentaient une anomalie cardiaque appelée foramen ovale perméable (FOP) : un petit trou entre les oreillettes du cœur, présent chez environ un quart de la population. Ce FOP, normalement inoffensif, pourrait favoriser le passage de micro-caillots vers le cerveau.
L’étude a révélé que chez les personnes avec FOP, les facteurs de risque non traditionnels représentaient près de 49 % des cas d’AVC, contre 27 % chez ceux sans FOP. Chez ces derniers, les facteurs traditionnels, comme l’hypertension, restaient les plus fréquents. Ce constat suggère que la présence d’un FOP pourrait modifier la nature même des risques à surveiller.
La migraine avec aura : un signal à ne pas négliger
Parmi les facteurs non traditionnels, un se démarque : la migraine avec aura. Ce type de migraine, accompagné de troubles visuels ou sensoriels, est connu pour être pénible, mais son lien avec les AVC est moins connu. L’étude Stroke montre qu’elle pourrait représenter 23 à 46 % du risque attribuable d’AVC chez les jeunes, selon la présence ou non d’un FOP.
Cela ne signifie pas que toute personne migraineuse est en danger, mais plutôt que la migraine avec aura doit être prise au sérieux, surtout si elle est associée à d’autres facteurs de risque (tabac, pilule contraceptive, sédentarité…).
Quand les habitudes de vie s’en mêlent
Au-delà des causes purement médicales, les modes de vie jouent aussi un rôle majeur. Chez les jeunes, les AVC peuvent être liés à la consommation d’alcool ou de drogues (notamment cocaïne ou cannabis), au stress chronique, ou encore à une alimentation déséquilibrée. Les traitements hormonaux, notamment les contraceptifs, peuvent aussi augmenter les risques, surtout en cas de tabagisme ou de migraine.
Le Pr Alamowitch souligne également la fréquence des dissections artérielles chez les jeunes : une déchirure dans la paroi d’une artère du cou, parfois causée par un choc, une mauvaise posture prolongée ou même un effort physique brusque. Cette blessure peut entraîner la formation d’un caillot et, à terme, un AVC.
Un diagnostic souvent tardif
Autre difficulté : chez les jeunes, ni les patients ni les médecins ne pensent immédiatement à l’AVC. Résultat : les signes avant-coureurs sont souvent sous-estimés, et la prise en charge tarde. Or, en cas d’AVC, chaque minute compte : 2 millions de neurones peuvent mourir par minute si le cerveau est privé d’oxygène.
Les symptômes à surveiller sont pourtant bien connus : troubles de la parole, paralysie d’un côté du corps, troubles de la vision ou de l’équilibre, maux de tête soudains et violents. Même transitoires, ces signaux doivent mener à une consultation immédiate. Un accident ischémique transitoire (AIT) peut être un avant-goût d’un AVC plus grave.
Les professionnels de santé appellent ainsi aujourd’hui à une surveillance personnalisée des risques, dès l’âge adulte. L’étude Stroke plaide pour une approche plus fine et individualisée, en particulier pour les jeunes femmes exposées à des facteurs spécifiques comme les contraceptifs ou les troubles hormonaux. En matière d’AVC, il n’est jamais trop tôt pour s’informer, se faire dépister, et adopter une hygiène de vie protectrice.