Quand le marché s’invite dans l’espace
À l’été 1985, la NASA décide de tester des boissons gazeuses en microgravité à bord de la navette Challenger pour la mission STS-51F. Officiellement, il s’agit d’un test expérimental, mais l’enjeu médiatique est énorme : Coca-Cola veut être le premier soda dans l’espace, symbole de modernité et de domination culturelle. Pepsi, mis au courant, réclame aussitôt l’égalité de traitement, obligeant la NASA à embarquer les deux prototypes de canettes modifiées, sur fond de pression politique.
Deux canettes, une gravité zéro
Adapter un soda à l’espace : les équipes de Coca-Cola et Pepsi conçoivent des canettes spéciales capables d’expulser le liquide et de libérer le gaz carbonique sans gravité. En l’absence de gravité, les bulles flottent, la mousse devient incontrôlable, et la dégustation s’avère bien plus technique que sur Terre. Selon les astronautes, les deux systèmes produisent beaucoup de mousse et le goût est altéré. Boire un soda gazeux en microgravité s’accompagne même d’étranges « éructations humides » à cause de l’impossibilité de séparer les gaz et le liquide dans l’organisme.
Un test raté, mais une victoire marketing
Le résultat scientifique est mitigé : ni Coca-Cola ni Pepsi ne convainquent la NASA. Leurs sodas ne figureront jamais au menu officiel des astronautes ; la difficulté technique et les désagréments digestifs l’emportent sur le marketing. Pourtant, Coca-Cola revendique sa présence à bord comme une prouesse et offre sa canette spatiale au Smithsonian ; Pepsi préfère taire ses mésaventures. La presse baptise vite l’événement « Space Cola Wars », phénomène à la fois fascinant et ironique.
Et après ?
Depuis ce duel, d’autres marques ont tenté leur chance en orbite : Pizza Hut, Estée Lauder, et même des fabricants de vêtements ont profité de l’ouverture de l’espace aux acteurs privés pour des opérations publicitaires. La frontière entre la science et la vitrine commerciale dans l’espace n’a jamais été aussi poreuse.
Moralité, l’épisode de 1985 prouve que même à des centaines de kilomètres de la Terre, la bataille des marques ne connaît aucune limite.