Le saviez-vous ? Le rire des femmes a longtemps été mal vu

Pour pouvoir rire librement en public, les femmes ont dû lutter. Tout le siècle dernier, celles qui riaient fort étaient directement sexualisées, associées à des courtisanes. Subversif et inversant l’ordre patriarcal, le rire de la femme devait se cacher, derrière un éventail pour ne pas la faire passer pour une hystérique. Et puis des professionnelles de la rigolade sont arrivées pour changer la donne.

Le rire féminin : une insulte à la virilité

À première vue, rire est quelque chose de naturel, incontrôlable. Et pourtant, durant des siècles, les femmes ont dû se contenir de rire pour faire bonne figure devant les hommes. À l’époque où elles ne pouvaient pas étudier, voter ou faire de la bière, rire était aussi une attitude problématique. Une des raisons principales était que le rire féminin rompait le sérieux masculin. C’est-à-dire que lorsqu’une femme riait dans une conversation avec des hommes, elle était vue comme mettant en cause l’autorité, et donc la virilité des hommes.

Tout comme les femmes qui jouissent, qui réussissent au travail ou dans n’importe quel domaine où les hommes sont majoritaires, les hilares décomplexées remettent, à l’époque, en question l’ordre patriarcal.

« Ne suis-je pas le seul spécimen respectable sur terre qui puisse faire cela ? » se posaient-ils inconsciemment la question dans la tête.

Le rire pour libérer le corps des femmes

Durant le XIXe siècle, les rieuses se cachaient littéralement. Derrière un éventail, juste entre femmes, ou dans leurs milieux populaires. Car le rire est aussi un marqueur social. Au XVIIe et XVIIIe siècle, ce sont surtout des servantes, riant franchement et sans retenue, que l’on voit alors dans les comédies.

Rire était un acte subversif pour les femmes. La bienséance supposait qu’elles soient plutôt douces, aimantes, dociles, contrôlant leurs émotions. Rire agit comme un démystificateur de cette « docilité naturelle féminine ». Dans l’essai « Le Rire des femmes », l’historienne Sabine Melchior-Bonnet analyse la conquête du rire pour les femmes. Elle observe qu’il fait partie de la libération du corps féminin. Dans une interview avec Madame Le Figaro, elle explique que « la bienséance, les règles de la séduction ou la morale interdisent aux femmes, au fil des siècles, de se laisser aller à rire ou à faire rire ».

Autre problème, le rire chez les femmes est perçu comme un symbole de leur sexualité. En riant, elles perdent le contrôle sur leur corps et passent pour des « hystériques ». Les femmes qui rient trop fort sont aussi soupçonnées d’être des courtisanes. Elles doivent rire alors telles des enfants. Mais certaines femmes, dans les milieux bourgeois, apprenaient à contourner la pratique du rire. Elles détournaient l’humour interdit, notamment avec l’ironie.

« La peur de ne pas paraître du dernier cri leur donne beaucoup de perspicacité, mais elles sont peu nombreuses dans ces salons et le propos reste contenu : on pratique la raillerie, l’ironie, le rire qui se moque, jamais le bon rire qui sort du corps. Il faut appartenir aux hautes sphères pour ne pas se priver », explique l’historienne à Madame Le Figaro

Une conquête féministe du rire

Sabine Melchior-Bonnet nous apprend qu’avec le temps, les femmes menant une vie plus libre – les demi-mondaines – rient en public et commencent à avoir de l’influence sur les femmes « bien rangées ». Puis ce sont les écrivaines comme Colette ou Virginia Woolf qui inscrivent noir sur blanc des boutades, dans leur propre style. Dès 1905, Virginia Woolf a même écrit pour The Guardian « The Value of Laughter », un texte sur le rôle émancipateur du rire pour les femmes. Tout le long du XXe siècle, son envie de se libérer des tabous et des conventions bourgeoises va inspirer d’autres auteures.

Et aujourd’hui, plus d’un tiers des humoristes sont des femmes. Dans les années 70, on a vu apparaître les premières humoristes en France. Mais il a fallu d’abord les présenter dans des duos comiques hommes-femmes. On pense à Pierre Palmade et Michèle Laroque notamment.

Seules sous le feu des projecteurs, de nombreuses femmes ont permis aujourd’hui de diversifier les sujets. La bédéaste Claire Bretécher s’est aussi fait connaître pour son humour et ses critiques sociales féministes dans les années 70. Et des femmes blaguaient déjà sur scène à propos des normes de genre qui leur étaient imposées, dans les années 80. Mais c’est un peu plus tard que des humoristes comme Muriel Robin ou Florence Foresti vont traiter plus ouvertement de thématiques féministes avec humour et tact.

Connaissiez-vous le côté subversif du rire chez les femmes ? Venez en parler sur le forum de The Body Optimist !

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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