Travail : avez-vous déjà entendu parler de la « loi de la licorne » ?

Si vous êtes une femme en Open Source, vous finirez par donner une conférence sur le fait d’être une femme en Open Source. C’est ce qu’on appelle « la loi de la licorne », une règle à double tranchant. D’un côté elle peut augmenter la visibilité des femmes dans un milieu perçu comme masculin, mais de l’autre, il s’agirait de tokénisme, ou encore, le public pourrait penser qu’une femme qui ne parle pas de technologies n’en serait simplement pas capable. Explications.

Femmes & high-tech : des minorités symboliques ?

C’est en 2009, lors de la conférence Open Source Bridge de Portland, que la développeuse canadienne Emma Jane Hogbin et Gabrielle Roth formulent « la loi de la Licorne ». Elles font ainsi référence à la loi de Godwin (1990), qui veut que plus une discussion en ligne se prolonge, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Hitler s’approche de 1. Dans le cas de la loi de la Licorne, c’est la probabilité qu’une femme en Open Source (ou dans le monde de la tech) parle du fait d’être une femme en Open Source qui approche 1.

En gros, les femmes dans le monde de la tech sont toujours considérées comme suffisamment inhabituelles pour être symbolisées. Elles sont ainsi invitées en permanence à parler sur le fait d’être une minorité symbolique. Comme si tout ce qui comptait dans leur travail était leur genre. Et cela s’applique à pratiquement toutes les industries où la programmation, l’informatique ou d’autres technologies sont impliquées.

Une licorne dans un monde d’hommes

La loi de la Licorne œuvre :

« d’autant plus farouchement qu’une femme évoluant dans un tel milieu peut se retrouver enfermée dans sa position de « licorne », à savoir qu’on ne lui donne la parole que pour parler de sa place de femme dans son milieu », précise la bloggeuse et journaliste Clarence Edgard-Rosa dans Les Gros Mots, un abécédaire des mots féministes

Pourquoi Emma Jane Hogbin utilise un animal imaginaire dans son terme ? La licorne est comme une perle rare invisible, qui n’existe pas dans la réalité. Cette règle critique la place des femmes dans les milieux perçus comme masculins. La femme qui fait partie de ces environnements professionnels devient alors une exception presque historique. C’est-à-dire qu’elle sera traitée comme la première ou la seule « femme geek » de l’Histoire. Au lieu d’être « cette personne qui a inventé l’eau chaude ».

Plaider en faveur des femmes ou faire du tokénisme ?

Une conférence « de licorne » peut porter sur plusieurs sujets relatifs aux femmes dans le domaine en question. Certaines femmes passeront par une période d’auto-examen et d’examen communautaire (peut-être en participant à des groupes informatiques féminins) en plaidant en faveur des femmes dans l’informatique. Ceci mènera à une présentation publique de leurs expériences plus professionnelles, et à une meilleure visibilité des femmes dans le domaine.

D’autres femmes sont mises sous le feu des projecteurs uniquement lorsqu’on leur demande de représenter l’expérience des femmes dans le « domaine masculin ». Ceci peut être donc un exemple de tokénisme (pratique consistant à faire des efforts symboliques d’inclusion vis-à-vis de groupes minoritaires dans le seul but d’échapper aux accusations de discriminations), au travail comme dans les « communautés geek » lors de présentations publiques. En somme, du « feminism washing ».

Une technique à double tranchant

Aussi, il paraitrait qu’être invitée à donner une conférence en tant que « femme symbolique » est une arme à double tranchant. D’un côté, en donnant cette conférence en tant que femme, la visibilité des femmes dans le monde de la tech augmente. Mais de l’autre côté, en parlant d’un sujet non technique, les gens peuvent considérer les femmes incapables de parler de leur travail en lui-même. Et le focus sur les obstacles que doivent dépasser les femmes est susceptible d’attirer des réponses négatives, voire du harcèlement envers l’oratrice.

Il y a certes du progrès à noter en représentation générale des femmes dans la tech. Mais d’après Eurostat, seul un poste d’ingénieur ou scientifique du secteur des hautes technologies sur cinq était occupé par une femme en 2019 dans l’Union Européenne. Il reste encore un peu de travail à faire !

Et vous, avez-vous vécu – ou été témoin de – cette règle dans votre domaine de travail ? Venez partager vos expériences sur le forum de The Body Optimist !

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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