À Tokyo, Kabukicho est à la fois une carte postale néon et un symbole d’ambiguïté. Niché dans l’arrondissement de Shinjuku, ses ruelles étroites, vibrantes de lumières criardes, regorgent de bars, de clubs de host/hostess. La nuit, ce quartier devient le théâtre d’une vie nocturne intense, mêlant plaisirs, excès et parfois arnaques.
Un territoire historiquement masculin
Longtemps considéré comme un terrain de jeu pour les hommes, Kabukicho a souvent été perçu comme peu accueillant, voire dangereux pour les femmes. Entre rabatteurs insistants, clientèles masculines dominantes et réputation sulfureuse, le quartier s’est forgé une image difficilement conciliable avec une sortie « safe » au féminin. Cette vision évolue désormais.
Femmes, bars et réappropriation
Depuis quelques années, de nouvelles formes de vie nocturne émergent à Kabukicho, portées par des femmes qui investissent l’espace autrement. Comme l’explique Kanpai, de jeunes Tokyoïtes y ouvrent des bars tenus exclusivement par des femmes, parfois pour des femmes, loin des logiques traditionnelles de la nightlife japonaise.
On voit aussi apparaître des espaces queer plus inclusifs, ainsi qu’une scène artistique underground qui transforme Kabukicho en laboratoire social à ciel ouvert. Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large de la société japonaise : celle d’une jeunesse, notamment féminine, qui cherche à reprendre du pouvoir sur son corps, son image et son espace (féminisme).
Des néons aux revendications
Ce regain d’intérêt pour Kabukicho côté féminin s’accompagne d’une visibilité accrue sur les réseaux sociaux. Des créatrices de contenu, des DJs, ou encore des autrices y documentent leur vie nocturne. Certaines parlent de libération, d’autres de survie dans un monde pensé par et pour les hommes. Le quartier, malgré ses contradictions, devient alors un terrain d’expression – voire de résistance.
@jessicajayneturnerI clearly didn’t do enough research before exploring Shinjuku but wanted to share my honest opinion as it felt quite uncomfortable!♬ original sound – Jessica Jayne
Kabukicho, un symbole en mutation
Aujourd’hui, l’image unique de Kabukicho se fissure. Derrière les enseignes de clubs louches, les touristes curieux croisent les artistes émergents, et les femmes locales redéfinissent les contours d’un espace qui leur avait longtemps été interdit. Si le quartier reste, pour certaines personnes, un lieu à éviter la nuit, il est pour d’autres un refuge, un terrain de jeu culturel ou un lieu de métamorphose sociale.
À Tokyo, même dans l’obscurité, la révolution peut être ainsi lumineuse.