Cette prison où les Coréens choisissent de s’isoler volontairement

Dans un pays où l’on travaille jusqu’à l’épuisement, il n’est pas étonnant que certains cherchent des solutions radicales pour s’échapper du quotidien. En Corée du Sud, un concept surprenant rencontre un succès croissant : des citadins stressés paient pour vivre volontairement en cellule, comme en prison, afin de se libérer du stress. Le lieu s’appelle Prison Inside Me, un centre de retraite minimaliste niché à Hongcheon, à deux heures de Séoul.

L’ironie d’un enfermement libérateur

Pas de téléphone, pas d’horloge, pas de miroir. À Prison Inside Me, les journées s’étirent dans une cellule de cinq mètres carrés, où seuls un tapis de yoga, un journal intime, un thé, une toilette et un bouton d’alerte sont à disposition. Les repas – riz et légumes fermentés – sont glissés dans la cellule à travers une trappe.

Et pourtant, ce n’est pas la prison : c’est les vacances. Pour Suk-won Kang, 57 ans, ingénieur automobile qui enchaînait les semaines de 70 heures, ce séjour représente une bouffée d’oxygène. « Je travaille trop. C’est pour ça que je suis venu ici. Aujourd’hui, je me sens apaisé. Mon esprit est léger. »

“La véritable prison, c’est le monde extérieur”

Fondé en 2013 par l’ancien procureur Yong-Seok Kwon et son épouse Ji-hyang Noh, Prison Inside Me est né d’un besoin personnel. D’après CBC, submergé par le surmenage, Kwon a imaginé un lieu où l’on pourrait fuir les appels, les obligations, la pression sociale – et enfin se retrouver. « Je me suis dit : au moins en cellule, je serai seul. Je pourrai guérir ».

Le paradoxe est assumé. « Enfermer les gens ici n’est pas une punition. La vraie prison, c’est dehors », résume Ji-hyang Noh. Pour eux, le concept est une réponse directe à la culture coréenne de la performance.

Une société à bout de souffle

La Corée du Sud figure parmi les pays les plus surmenés du monde. Avec 2 069 heures de travail par an, elle dépasse largement la moyenne des pays de l’OCDE. Les journées de 14 heures et les semaines à six jours y sont monnaie courante.

Cette culture de l’excès a des conséquences alarmantes : baisse du taux de natalité, fatigue chronique, dépressions, et même accidents mortels causés par des conducteurs endormis au volant. Pour lutter contre ce fléau, le gouvernement a récemment introduit un projet visant à réduire la semaine de travail légale de 68 à 52 heures.

Une retraite intérieure, sans distractions

À Hongcheon, le silence est roi. Durant leur séjour, les participants pratiquent la méditation, remplissent leur journal, effectuent 108 prosternations bouddhistes et écoutent la voix d’un moine diffusée depuis le plafond.

Yoon Jeong-soon, 63 ans, gère deux cafés à Séoul et travaille dix heures par jour, six jours par semaine. « J’ai cherché longtemps un endroit pour vraiment me retrouver. Ce centre, c’est l’endroit qu’il me fallait. »

Les larmes sont fréquentes. Beaucoup, coupés du monde pour la première fois, prennent conscience de leur état d’épuisement. « Moi aussi j’ai pleuré », confie Ji-hyang Noh, qui a expérimenté elle-même la cellule.

Une alternative aux injonctions de productivité

Loin d’être une parenthèse punitive, Prison Inside Me propose une autre façon d’être au monde. Sans bruit, sans messagerie, sans miroir. Le lieu attire des cadres, des étudiants, des mères de famille, et même un enfant de 13 ans. Tous cherchent la même chose : un peu de répit.

Le coût du séjour ? 500 000 wons, soit environ 578 dollars canadiens, pour une semaine. Un prix que beaucoup jugent raisonnable pour retrouver un semblant d’équilibre.

Dans une société où se reposer est encore perçu comme une faiblesse, Prison Inside Me ose ainsi proposer l’inverse : ralentir, s’arrêter, se recentrer. Loin de l’agitation urbaine, ces “prisonniers volontaires” expérimentent une forme radicale de liberté intérieure. Et si, finalement, la plus grande évasion possible était celle du stress et des injonctions à réussir ?

Léa Michel
Léa Michel
Passionnée par les soins, la mode et le cinéma, je consacre mon temps à explorer les dernières tendances et à partager des astuces inspirantes pour se sentir bien dans sa peau. Pour moi, la beauté réside dans l'authenticité et le bien-être, et c'est ce qui me motive à offrir des conseils pratiques pour allier style, soin et épanouissement personnel.

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