Alors que la Fashion Week vient de réinvestir la capitale, les mannequins défilent le menton levé, le buste bombé et les jambes alignées. Perchées sur des souliers à aiguille et parées de tenues qui sacrifient l’esprit pratique pour l’esthétique, elles s’adonnent à un exercice de funambule. Derrière ces enjambées millimétrées sur le catwalk se cachent un entraînement rigoureux, qui met le corps à rude épreuve. Alors que leur métier est largement sous-estimé et rarement pris au sérieux, ces images montrent une profession impitoyable.
La vérité derrière ces performances impeccables
À chaque Fashion Week, les mannequins investissent les projecteurs avec cette allure nonchalante qui leur est propre et une démarche assurée. Le rythme de leurs pas est presque militaire. Hissées sur des chaussures haut perchées et vêtues d’étoffes encombrantes qui menacent de les faire chuter à tout moment, elles doivent faire preuve de discipline et de concentration lors de leur prestation scénique. Leur passage est peut-être furtif mais il est éprouvant.
Si, de loin, cet exercice semble plutôt simple et accessible, c’est un véritable jeu d’adresse qui succède à des heures de répétition. Les mannequins ne se contentent pas de porter des pièces griffées, elles les animent au gré de leurs mouvements. Elles ne se pavanent pas sur le podium, elles livrent une performance artistique. Ces mannequins, souvent considérés comme des marionnettes de la mode ou des figures de second plan, s’adonnent à des épreuves qui repoussent les limites de leur corps.
Il serait bien dégradant de dire que leur travail n’en est pas vraiment un. Être mannequin est un sport exigeant voire même une pratique ingrate. Non, elles ne s’entraînent pas seulement avec des piles de livres posés en équilibre sur leur crâne, elles font bien pire. En coulisse, elles apprennent à marcher à la baguette et se prêtent à des parcours qui frôlent la punition.
Des exercices qui malmènent le corps
Sur son compte Instagram, Andreea Larisa Blidariu alias @profa.de.modeling montre l’envers du décor, l’autre côté de la scène. Ce que la horde de fashion victimes ne voit pas. Cette coach de pose, qui se présente aussi comme une “mentor en défilé”, enseigne l’art et la manière de tutoyer le catwalk. Elle prépare les mannequins pour le grand jour et leur enseigne les bases de la prestance. Et nos articulations souffrent rien qu’à la vue de ce training ciblé sur le paraître.
Les mannequins doivent tenir en appui sur une barre de quelques centimètres de large avec des escarpins aux pieds. Elles perfectionnent leur posture avec un bâton coincé derrière les bras. Elles marchent sur des poutres armées de souliers démesurés et flirtent avec un tapis de course dans un accoutrement qui s’y prête guère. Cette institutrice, pas comme les autres, éduque la silhouette des mannequins de la même façon que les professeurs de ballet. Elle ne traite pas ses élèves comme des pantins. Au contraire, elle les aide à être gracieuse et éloquente en toutes circonstances. Toutes les mannequins en vogue d’aujourd’hui sont passées par là.
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Un métier pas si évident qu’il en a l’air
Dans l’imaginaire collectif, les mannequins font simplement de la figuration et déambulent comme monsieur et madame tout le monde sur le pavé. Pourtant, elles doivent exécuter des gestes stricts, répétés en amont jusqu’à épuisement. Comme si ce métier n’était pas assez difficile, les maisons de couture n’hésitent pas à corser leur prestation avec des tenues lunaires qui sont loin d’être grand public.
Elles sont parfois méprisées et traitées comme de vulgaires objets. De nombreux scandales ont d’ailleurs secoué ce milieu à l’apparence si scintillante, faisant ainsi tomber le rideau doré. En 2017, lors d’un casting, 150 mannequins venues pour défendre leurs atouts à la griffe Balenciaga, ont patienté 3 heures dans le noir total en attendant leur tour. Si les mannequins semblent baigner dans le luxe et l’opulence, en réalité, elles ont parfois des conditions de travail déplorables.
La même année, le site Models.com faisait d’ailleurs un sombre état des lieux de la profession. Attouchements, attentes interminables sans accès aux toilettes et à la nourriture… les mannequins qui ont pris la parole brossent un autre portrait de ce métier qui fait rêver les fillettes. “Certains clients nous voient comme des poupées jetables” pointait une autre anonymement.
Devenir une toile vivante, ça ne s’improvise pas. C’est un apprentissage permanent. Même si les mannequins semblent chanceuses, elles ne sont pas toujours bien loties dans leur métier. Un monde peut en cacher un autre…