Épluchures, peaux de banane, fruits rabougris… ce que beaucoup d’entre nous considèrent comme des déchets voués au compost, elle en fait la matière première de ses habits. Cette étudiante en design crée des vêtements cousus de fil green et ses pièces, de la terre à la silhouette, sont certainement l’avenir de la mode. Les fruits se plantent durablement dans l’allure et donnent lieu à une matière dont l’œil se délecte volontiers.
Épluchures, fruits tournés, des ingrédients mode insoupçonnés
Si les chefs anti-gaspi recyclent les restes de fruits en plats dignes de la haute gastronomie, Romane Poret, designeuse en herbes, les apprivoise autrement, entre les lignes de ses vêtements. La jeune varoise, en troisième année de design à l’ESAD, expérimente une mode plus vertueuse, en semant des fruits dans les dressings et en revalorisant ce que la plupart d’entre nous jetteraient sans scrupules. La créatrice à la main verte, qui a déjà tout d’une grande, récupère la peau de ses oranges et des betteraves défraîchies pour en faire la toile de fond de ses étoffes nouvelle génération.
Ce qui, au départ, n’était qu’un projet étudiant est rapidement devenu un objet de fascination. Comme une chimiste de la mode, Romane, tente des recettes jusqu’à trouver l’équilibre parfait. Même si elle considère ses créations comme des ébauches ou des prototypes, elle a fait germer de son atelier une matière inédite qui s’apparente à un délicieux cuir texturé. Une matière gourmande et singulière nommée « bioplastique ». Selon l’ingrédient d’origine, l’apparence de la pièce change, révélant plus ou moins de transparence et plus ou moins de détails.
Promise à une belle carrière dans cet art exigeant de la couture, celle qui s’illustre derrière le compte @studiovaporer, rend beau ce que beaucoup d’entre nous jugent écoeurant à l’état brut. Elle inverse le “beurk” en « whaou » à travers des créations divines, qui repoussent les limites de la mode traditionnelle.
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Des pièces mode « maison » concoctées avec goût
Un ensemble rétro à la teinte brune, un sac à main minimaliste qui laisse passer la lumière… la designeuse aux doigts de fée et à la fibre écolo a déjà une tenue complète issue des restes de fruits et légumes. La matière n’est pas toujours homogène et c’est ce qui rend chaque pièce unique. Pour arriver à ce résultat esthétique, elle fait sa petite tambouille dans la cuisine de son appartement.
Elle s’approvisionne, non pas dans une mercerie comme il est coutume de le faire, mais dans les rayons des supermarchés, dans le coin des invendus. Pour le reste c’est secret de fabrication. Romane garde sa recette bien au chaud, dans l’espoir que certaines maisons s’y intéressent dans un futur proche ou lointain. Cette sculpteuse de fruits à la signature mode sucré-salé souhaite avant tout trouver des alternatives plus saines aux matières animales ou polluantes déjà existantes. Et sa démarche est loin de faire chou blanc. Sur les réseaux sociaux, elle fédère désormais plus de 50 000 abonnés et ses vidéos « coulisse » atteignent des millions de vues. Preuve que la mode de récupération peut aussi combler cette faim de style.
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Les vêtements à base de fruits, le futur de la mode ?
Pour le moment, les créations de Romane se dévorent uniquement du regard. Elles n’ont pas encore pris racine sur des silhouettes militantes. Elles ne sont pas assez abouties pour se suspendre sur les cintres de « monsieur et madame tout le monde ». « Ça ne pourrait pas être commercialisé parce qu’on ne sait pas comment le vêtement va évoluer », explique-t-elle dans une interview donnée à Bloom Média.
Ces pièces, qui récoltent l’admiration du net, pourraient en revanche être portées plus occasionnellement, à l’issue de shooting photo par exemple. Cependant, elles pourraient peut-être devenir la norme d’ici quelques années. Dans le sillage du travail vitaminé de Romane, d’autres marques responsables utilisent des fruits et légumes à la racine de leur création. Des baskets en cuir de maïs aux sacs à main en raisin en passant par les portefeuilles en fibre d’ananas, la mode compose avec mère Nature et non plus contre elle.
Du compost à la silhouette, il n’y a qu’un fil. Ces ingrédients condamnés à l’ombre des sols nourrissent la mode de demain. Romane, elle, en fait sa signature et c’est un régal pour les yeux.