Camille Cerf, Miss France 2015, pensait profiter sereinement du soleil de Guadeloupe lorsqu’elle a été rattrapée par une réalité bien moins douce que le sable chaud : celle des injonctions vestimentaires.
Une forme insidieuse d’inégalité
Dans une vidéo postée le 1er mai sur TikTok, elle raconte avec agacement une scène qui l’a profondément choquée. Interpellée par une agente de l’Agence de surveillance de la voie publique (ASVP) pour une « atteinte à la pudeur », la jeune femme a été sommée de se couvrir davantage, malgré une tenue estivale parfaitement classique pour un bord de mer.
Sur la plage du bourg de Sainte-Anne, vêtue d’un maillot de bain orange et d’une chemise longue bleue, elle se voit demander de mettre un paréo. Surprise par cette demande et ne disposant pas de paréo, elle sort un short de son sac. C’est alors que le contraste avec les passants masculins torse nu lui saute aux yeux : aucune remarque ne leur est adressée.
@cerf.camilleJe me suis faite interpellée pour atteinte à la pudeur !!♬ son original – Camille 🦌
« Parce qu’on est une femme, on doit se cacher ? »
Dans sa vidéo, Camille Cerf ne cache pas son exaspération. « Ça m’a trop saoulée », confie-t-elle. Ce qui la révolte n’est pas tant la demande de l’agente, mais l’inégalité de traitement flagrante entre femmes et hommes. Elle explique avoir calmement questionné l’agente sur cette différence de traitement : « Je lui dis, tout en mettant mon short : ‘Si je peux me permettre, pourquoi vous ne leur dites rien à eux ?’ Elle me dit : ‘Parce que ça n’a rien à voir ! Vous n’allez pas comparer' ».
Pour éviter d’envenimer la situation, elle obtempère et s’éloigne. Mais le sentiment d’injustice demeure : « Je suis partie comme une victime ». L’ancienne reine de beauté refuse de taire son indignation, d’autant plus qu’elle considère que cette scène symbolise des attentes genrées profondément ancrées dans la société. « Parce qu’on est une femme, on doit se cacher alors que les hommes ont le droit de se balader à moitié nus partout dans les rues. Je trouve que c’est un truc de fou ».
Une polémique surement évitée
Camille Cerf a tenu à dissocier le comportement de l’agente d’une quelconque discrimination raciale. « Je n’en veux même pas à la dame. Je pense qu’on lui a appris ça toute sa vie », explique-t-elle.
Ce point est central : la critique de Camille Cerf porte sur une norme et non sur une personne. Elle dénonce un système dans lequel les femmes sont encore aujourd’hui sommées de se conformer à des critères de « pudeur » alors que les corps masculins échappent souvent à ces règles implicites.
Une « tenue correcte » selon quels critères ?
La scène se déroule à Sainte-Anne, commune touristique de la Guadeloupe, où des affichettes « Tenue correcte exigée » sont parfois visibles dans les commerces ou espaces publics. Ces indications visent à préserver certaines normes locales, en particulier pour les touristes dont les habitudes vestimentaires peuvent différer des coutumes antillaises.
Dans le cas présent, Camille Cerf ne se trouvait pas dans un commerce ou un lieu sacré, mais sur la plage, les pieds dans le sable. Difficile dès lors de comprendre l’intervention de l’ASVP, surtout dans un lieu typiquement propice aux tenues légères. L’épisode pose donc la question de l’interprétation floue de certaines règles vestimentaires, qui peuvent varier selon les agents, les lieux, et les circonstances.
Une réaction révélatrice d’un ras-le-bol
Ce coup de gueule viral illustre aussi une lassitude plus large ressentie par de nombreuses femmes face à une police des corps féminins encore très présente, souvent invisible, mais bien réelle. À travers ce récit personnel, Camille Cerf met en lumière un quotidien fait de rappels à l’ordre, de jugements implicites, et de normes vestimentaires à géométrie variable selon le genre.
Sa prise de parole résonne avec celles d’autres figures publiques qui dénoncent ces inégalités ordinaires. En exposant ce moment intime et absurde, l’ancienne Miss France dépasse son propre cas pour relancer un débat plus large sur la liberté des femmes dans l’espace public.
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L’épisode vécu par Camille Cerf aurait pu passer inaperçu. En choisissant de le raconter publiquement, elle met des mots sur un sentiment partagé par beaucoup : celui d’être jugée non sur ses actes, mais sur son apparence. Elle questionne des règles qui, sous couvert de bienséance, perpétuent une forme insidieuse d’inégalité. Et si ce petit incident devenait l’occasion de repenser collectivement ce que l’on attend – ou exige – du corps des femmes dans l’espace public ?