Vous voyez ce sentiment de mortification lorsque vous tombiez en plein milieu de la cour du collège ? Ou bien cette honte profonde alors que vous constatiez le soir venu que vous aviez une tâche sur votre chemise depuis le déjeuner ? Ou encore, cette envie de vous faire tout.e petit.e lorsque vous bégayez durant une présentation ? En vérité, cette honte n’est pas si justifiée que ce que vous pensez. Elle est simplement intensifiée par l’effet de projecteur, dont on peut se défaire !
L’effet de projecteur, qu’est-ce donc ?
Le terme « effet de projecteur », « spotlight effect » en anglais, a été instauré par Thomas Gilovich et Kenneth Savitsky. Bien qu’ils ne soient pas les théoriciens de ce phénomène, ils sont les premiers à l’inscrire dans la littérature psychologique en 1999 dans la revue Current Directions in Psychological Science. L’effet de projecteur ne doit pas être confondu avec le biais de projection. Ce dernier consiste à trouver chez autrui les traits de notre propre personnalité.
Si l’on en croit notre ami Wikipédia, l’effet de projecteur est un « biais cognitif qui produit chez l’individu.e la croyance d’être davantage remarqué par autrui qu’iel ne l’est réellement ». Autrement dit, il désigne une tendance innée à surestimer l’attention qui nous est portée. Comme son nom l’indique, cet effet donne l’impression qu’un projecteur est braqué sur nous. Généralement, l’effet de projecteur est lié à des situations où nous ne sommes pas à notre avantage. Alors, une anxiété sociale peut se déclencher par l’impression que toutes les personnes autour perçoivent et ressentent notre malaise.
Depuis quelques décennies, l’effet de projecteur s’est vu nourri par la montée des réseaux sociaux. Ces derniers pouvant encourager une forme de narcissisme, nous en venons à penser d’autant plus à nous, notre apparence et la manière dont nos actes sont perçus. Et il en va de même pour les autres, qui finalement, ne nous portent pas tant d’attention, puisque trop occupé.e.s avec leurs propres projecteurs. C’est un phénomène très courant, construit par le fait que nous sommes le centre de notre propre monde.
« On sous-estime à quel point on n’est pas le centre du monde, en particulier dans des situations désagréables ou embarrassantes où on s’imagine que tout le monde le remarque », écrit Olivier Sibony dans son livre « Vous allez commettre une terrible erreur ! » (Flammarion, 2019)
Quels sont les effets du projecteur ?
Comme nous l’avons dit, l’effet de projecteur peut être la cause d’une grande anxiété. Parfois, c’est l’inverse et il est le symptôme d’une anxiété sociale. À terme, cela peut atteindre la confiance en soi et la capacité à interagir naturellement avec les autres.
D’une part, l’effet de projecteur, parce qu’il nourrit la crainte de l’avis des autres, peut donner l’impression d’être transparent.e. En somme, cela nous donne l’impression que notre malaise ou notre embarras sont exposés aux yeux de tou.te.s. D’autre part, l’effet de projecteur nourrit nos attentes vis-à-vis des autres. Nous espérons d’elle.ux qu’iels voient lorsque nous allons moins bien, ou qu’iels se rendent compte de notre investissement dans un projet.
Les psychologues Gilovich et Stavisky observent que les adolescent.e.s et les jeunes adultes sont les plus concerné.e.s par l’effet de projecteur. Ils observent :
« Les situations d’anxiété sociale sont beaucoup plus perceptibles par les ados, c’est un âge où la pression des pairs est très forte. Les gens qui ont plus de maturité ont plus eu l’occasion d’apprendre que, quand ils se sont mis dans l’embarras, ils y ont survécu »
À cet âge, nous avons l’impression que toute notre réputation et notre crédibilité sont jouées à chaque interaction. À nouveau, les réseaux sociaux sont une emphase de cela chez les dernières générations.
Comment se défaire de l’effet de projecteur ?
Pour se débarrasser de cet effet, le mieux est de se rendre compte que l’on en souffre. Il s’agit d’aller de l’avant, passant outre nos instants embarrassants oubliés de tou.te.s. De fait, les autres ne pensent pas constamment à vous, de la même manière que vous ne leur portez pas une constante attention.
1 – Se mettre à la place des autres
C’est une bonne chose à faire pour commencer, elle vous permettra de prendre du recul. Ainsi, vous réaliserez que les autres ne vous scrutent pas. De plus, en vous intéressant à leurs préoccupations, vous sortez de votre projecteur, vous vous décentrez de vous-même. L’empathie est également une belle qualité à développer pour améliorer vos relations de manière générale.
2 – Mieux connaître les autres
Cela va de pair avec le premier point. L’effet de projecteur est lié à l’ignorance : vous ne savez pas réellement ce qui compte pour les autres et inversement. Pour combler cette méconnaissance, vous projetez votre prisme sur l’esprit des autres.
En réalité, tout le monde ne résonne pas comme vous. Pour vous défaire de ces idées construites sur votre propre patron, n’hésitez pas à demander aux autres ce qu’iels pensent. Le mieux est de privilégier les personnes capables de vous faire une critique constructive.
3 – Apprendre à prendre du recul
C’est souvent plus facile à dire qu’à faire, mais relativiser est réellement salvateur. Le psychologue Daniel Kahneman a formulé cette idée :
« Rien n’est aussi important que vous le pensez au moment où vous y pensez »
Une fois que vous le réaliserez, vous comprendrez qu’aussitôt fini, ce moment embarrassant est déjà oublié de tou.te.s. Vous pouvez essayer de relativiser en vous demandant si dans cinq ans cette situation vous embarrassera autant. Si la réponse est non, alors c’est que cela ne vaut pas la peine de s’y attarder. En revanche, si la situation génère toujours ces sentiments négatifs, même quelque temps après, il peut être utile de consulter.
4 – Apprendre à gérer son stress
L’effet de projecteur est très lié à l’anxiété. Lorsque vous le vivez, votre rythme cardiaque s’accélère, votre transpiration augmente et vous pouvez même avoir du mal à respirer. Le fait que d’autres assistent à cela peut aussi augmenter la crise.
Alors, il est important de soigner les conséquences avant de songer à la cause. Vous pouvez apprendre à gérer cette montée d’adrénaline. Prenez des respirations profondes, de plus en plus conscientes, et expirez longuement. Vous pouvez également apprendre à mépriser la cohérence cardiaque. Le fait de vous concentrer sur un point particulier de la pièce vous aidera aussi à détourner votre attention et faire redescendre la pression.
5 – Pratiquer l’auto-compassion
Il s’agit d’un concept défini par Kristin Neff, professeure à l’Université du Texas. L’idée est de s’appliquer le traitement que l’on attend des autres et qu’on leur offre. Il s’agit d’être aimable avec soi-même après une interaction difficile, de se souvenir que nous sommes tou.te.s des humains capables de faire des erreurs et enfin, de prendre conscience de ses émotions et ses sentiments, même négatifs.
Ainsi, l’effet de projecteur est très commun et diffus dans la société, bien qu’il ne soit pas toujours conscientisé. Or, le reconnaître en soi et s’en défaire est très important pour améliorer sa confiance en soi et son rapport aux autres.
