Il monopolise la parole, interrompt sans cesse, et vous ressortez de chaque échange épuisée. Ce n’est peut-être pas qu’un trait de caractère : vous avez peut-être affaire à un narcissique conversationnel.
Quand l’écoute devient à sens unique
Au premier abord, il ne s’agit pas d’un trouble, ni d’un comportement volontairement toxique. Le narcissisme conversationnel est un style relationnel, pas un diagnostic psychiatrique. Comme l’explique Brian Tierney, professeur de neurosciences et psychothérapeute, dans Well&Good et relayé par Doctissimo, c’est « une tendance marquée à ramener systématiquement la conversation à soi, à ses opinions, ses anecdotes, ses émotions, sans vraiment écouter l’autre ».
Contrairement au narcissisme pathologique, ici, il ne s’agit pas de manipulation ou de domination ouverte. Par contre, les effets peuvent être tout aussi pesants : effacement de l’interlocuteur, frustration, sensation d’invisibilité. Car derrière cette dynamique, l’échange perd son équilibre. L’un parle, l’autre écoute… encore et encore.
Un phénomène plus courant qu’on ne le pense
Ce type de comportement peut passer inaperçu pendant longtemps. Il peut même être confondu avec de la vivacité, une forme d’enthousiasme ou un simple besoin de partager. Pourtant, comme le souligne le professeur Ben Bernstein, le narcissique conversationnel ignore souvent les signaux sociaux : un regard fuyant, un silence, une tentative d’intervention… Tout est balayé au profit de son propre récit.
Amélie Boukhobza, psychologue clinicienne, confirme cette dynamique : « Il y a une tendance à monopoliser la parole, à minimiser les apports de l’autre et à ramener systématiquement le sujet à soi-même ». Un comportement qui peut traduire un manque d’estime, un besoin d’attention chronique, ou simplement une habitude profondément ancrée.
Ce que l’on ressent face à ce type de personnalité
Le plus souvent, ce n’est pas une colère qui s’installe, mais une fatigue insidieuse. On ressort des échanges en se sentant vidée, sans comprendre pourquoi. Le déséquilibre dans la parole crée un déséquilibre émotionnel. On se sent invisible, pas écoutée, parfois même inutile. Et ce ressenti est d’autant plus intense lorsque la relation est proche : un parent, un partenaire, un ami de longue date. Car il devient difficile de fuir ou de poser des limites sans culpabiliser.
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Comment réagir sans couper les ponts ?
Il existe des moyens concrets et bienveillants pour préserver son espace sans entrer dans le conflit. Amélie Boukhobza propose plusieurs stratégies :
- Rediriger doucement la conversation : « Tu me fais penser à quelque chose que j’ai vécu récemment… », permet par exemple de reprendre sa place sans agressivité.
- Poser des questions ouvertes : cela invite l’autre à sortir de son récit personnel pour réfléchir à un thème plus large.
- Exprimer ses besoins clairement : dire, calmement, qu’on aimerait aussi partager un vécu, sans accuser.
- Privilégier les interactions en groupe : en diluant l’échange, on évite l’effet « tête-à-tête drainant ».
- Aborder le sujet si la relation est forte : nommer les choses avec tact peut ouvrir un dialogue… même si le changement n’est pas garanti.
Et si le problème venait de plus loin ?
Le narcissisme conversationnel ne rime pas forcément avec égoïsme. Comme le rappelle la psychologue Amélie Boukhobza, il peut cacher un mal-être, voire une blessure non résolue. Certaines personnes parlent beaucoup… parce qu’elles ne s’écoutent pas elles-mêmes. Ou parce qu’on ne les a pas assez écoutées dans le passé. Toutefois, cette explication, aussi juste soit-elle, ne doit pas devenir une justification pour tout supporter.
Lorsque l’échange devient à sens unique, il est ainsi essentiel de réaffirmer sa place, avec conviction. Face à un narcissique conversationnel, la clé n’est pas de le changer, mais de reprendre la maîtrise de sa propre parole. Alors, si à chaque discussion vous ressortez plus fatiguée que nourrie, posez-vous cette question : et si ce n’était pas vous qui parliez trop peu, mais l’autre… un peu trop ?