Avant même de parler, de marcher ou de sourire, les bébés posent déjà un regard curieux sur le monde. Et ce regard, aussi fragile soit-il, semble guidé par une étonnante intuition : celle de la beauté.
Des préférences dès les premiers jours
On aurait pu croire que l’esthétique était une notion acquise avec le temps, fruit de normes sociales ou d’apprentissages culturels. Pourtant, des recherches menées par des neuroscientifiques du National Institute of Health révèlent une tendance saisissante. Dès leurs premiers jours de vie, les nourrissons montrent une préférence pour les visages jugés « beaux » selon les standards adultes.
Concrètement, lorsque l’on présente à des nouveau-nés différents visages, les bébés fixent plus longuement ceux qui possèdent des traits harmonieux, symétriques ou proportionnés. Cette observation s’applique aussi bien aux visages humains qu’aux représentations simplifiées de visages, ce qui suggère une reconnaissance intuitive des traits supposés agréables.
La beauté, une affaire de cerveau ?
Ce phénomène ne signifie pas que les nourrissons sont sensibles à la beauté au sens culturel du terme. Il s’agirait plutôt d’une réponse cognitive automatique à des stimuli visuels cohérents, liés à des configurations faciales équilibrées. Le cerveau humain, même dans ses premières heures de fonctionnement, semble mieux traiter et retenir les formes symétriques et les lignes régulières.
Cela corrobore plusieurs théories en psychologie évolutive : la beauté, telle que nous la percevons, reposerait sur des indices visuels universels qui signalent la santé, la génétique robuste ou encore la familiarité. Le visage « moyen », celui qui regroupe les traits les plus fréquents dans une population, serait ainsi plus facilement reconnu – et donc préféré. Il ne s’agit donc pas de la beauté au sens premier du termes.
Ce que cela dit de nous
La façon dont un nourrisson regarde un visage en dit long sur notre nature humaine. Ce comportement apparemment anodin révèle un ancrage biologique profond. Nous sommes des êtres programmés pour chercher l’harmonie, l’équilibre, le repère. Le regard des bébés, encore vierge de conditionnements sociaux, nous offre ainsi une fenêtre sur les structures fondamentales de notre cognition.
Mais ce constat soulève aussi une question délicate : si ces préférences sont innées, dans quelle mesure influencent-elles nos comportements futurs ? Certaines études suggèrent que les enfants perçus comme « mignons » reçoivent plus d’attention, de soins et d’interactions positives, ce qui pourrait façonner leur développement émotionnel et social dès la petite enfance.
Un biais dès la naissance ?
Il est tentant de conclure que nous sommes inconsciemment attirés par la beauté – et que cela commence dès les premiers jours de vie. Mais cela ne signifie pas pour autant que tout est figé. L’environnement, les interactions sociales, l’affection reçue et l’éducation jouent un rôle central dans la construction de nos jugements esthétiques et de nos relations interpersonnelles.
D’ailleurs, la beauté n’est qu’un facteur parmi d’autres. D’autres éléments – comme la voix, l’odeur ou les expressions faciales – influencent aussi très tôt les préférences des nourrissons. Le lien entre le bébé et ses figures d’attachement ne repose pas sur l’apparence physique, mais sur la sécurité, la réassurance et la réciprocité émotionnelle.
Un outil pour mieux comprendre le développement humain
Ces découvertes sur les préférences visuelles des nourrissons ne visent pas à hiérarchiser les visages, mais à mieux comprendre les bases perceptives de notre cognition sociale. En étudiant la manière dont les bébés réagissent à certains stimuli, les scientifiques peuvent affiner leur compréhension du développement du cerveau, des troubles de la reconnaissance faciale, ou encore de certaines conditions comme l’autisme. Elles permettent aussi de revaloriser le regard du tout-petit, souvent perçu comme passif, alors qu’il est déjà actif, sélectif et profondément humain.
Il est important de préciser que les bébés ont une vision trouble pendant leurs premiers mois de vie. Ils font à peine la distinction entre un visage humain et une peluche. S’ils s’attardent sur leur tata plus que sur leur maman, ça ne veut pas nécessairement dire que l’une est plus belle que l’autre. La beauté est subjective et diffère d’un oeil à l’autre.