Ce que votre manière de faire vos courses dit de votre charge mentale

Faire les courses semble anodin, mais derrière cette tâche se cache souvent une organisation invisible, révélatrice d’un déséquilibre dans la répartition des responsabilités.

Le supermarché comme théâtre de la charge mentale

Préparer une liste, vérifier les stocks, anticiper les menus, jongler avec les préférences alimentaires, le budget, les promotions et les horaires : faire les courses n’est pas une simple action logistique. C’est un processus mental complexe. Et selon une étude de l’Insee publiée en 2022, ce sont encore très majoritairement les femmes qui s’en chargent : elles réalisent 71 % des courses ménagères dans les couples hétérosexuels.

Ce constat ne relève pas d’une simple habitude, mais bien d’une répartition genrée des responsabilités. Les courses ne sont qu’un maillon d’une chaîne invisible de planification quotidienne, souvent assumée par les femmes. Elles doivent penser à tout, pour tous, tout le temps. C’est ce qu’on appelle la charge mentale.

Une tâche en apparence banale, mais stratégiquement lourde

Le sociologue Jean-Claude Kaufmann a beaucoup travaillé sur cette « logistique du quotidien » dans ses recherches sur la vie domestique. Selon lui, « faire les courses, ce n’est pas juste remplir un caddie, c’est projeter les besoins de la famille dans le futur, intégrer les contraintes, organiser l’espace domestique ». Il s’agit donc d’un acte profondément mental, qui traduit qui, dans le foyer, est responsable du « penser pour les autres ».

La manière dont on fait les courses révèle ce déséquilibre : celui ou celle qui improvise au magasin, sans liste, est rarement la personne qui assume l’ensemble de la gestion domestique. À l’inverse, celle qui coche scrupuleusement chaque ligne d’une liste établie avec précision témoigne d’une planification déjà entamée bien en amont.

Courses alimentaires et inégalités persistantes

Même si certains hommes participent désormais davantage aux tâches ménagères, la charge mentale ne se limite pas à l’action, mais au fait de devoir y penser en amont. Or, cette charge reste peu partagée. Une enquête menée par l’IFOP en 2021 pour Consolab révélait que 66 % des femmes en couple disent être celles qui pensent aux courses alimentaires, contre seulement 28 % des hommes.

Et cela ne concerne pas que la nourriture. Produits ménagers, hygiène, fournitures scolaires, affaires pour les animaux domestiques : cette logistique étendue est un champ de responsabilités mentales rarement équilibré. Ce déséquilibre contribue à l’épuisement quotidien, voire au burn-out parental.

La liste de courses, reflet d’un cerveau en surcharge

Dans le livre La charge mentale des femmes… et celle des hommes (First Éditions, 2021), la psychologue Nicole Prieur explique que « la liste de courses devient un symptôme : elle montre tout ce que la personne doit porter dans sa tête pour que la vie familiale fonctionne ». Et ce portage invisible est rarement reconnu comme un vrai travail.

Ainsi, celle ou celui qui fait les courses pour soulager son ou sa partenaire ne soulage pas toujours la charge mentale si la planification reste à la charge de l’autre. C’est là toute la complexité : participer ne signifie pas penser à tout à égalité.

Comment rééquilibrer cette répartition ?

La solution ne réside pas uniquement dans un partage des tâches, mais dans un partage de la charge. Cela implique que chaque membre du foyer prenne une responsabilité complète sur une partie de l’organisation, de la planification à l’exécution.

Par exemple, un partenaire peut être en charge de toutes les courses et de la planification des repas d’une semaine sur deux, sans demander constamment validation. Cela suppose de lâcher prise pour l’un, et de s’engager pleinement pour l’autre. Certaines applications comme « Bring! » ou « Cozi » peuvent aussi aider à répartir mentalement la charge via des outils collaboratifs.

La façon dont vous faites vos courses en dit ainsi long sur votre rôle dans l’organisation du foyer. Si vous êtes celle ou celui qui pense à tout, anticipe, planifie, ajuste, et que cela vous pèse, vous portez probablement une charge mentale importante. Reconnaître cette réalité est la première étape pour repenser l’équilibre dans le couple ou le foyer. Faire les courses n’est jamais une action isolée : c’est un révélateur. Celui d’un système encore trop souvent inégal, mais que chacun peut contribuer à faire évoluer, pas à pas.

Naila T.
Naila T.
Je décrypte les tendances sociétales qui façonnent nos corps, nos identités et nos rapports au monde. Ce qui m’anime : comprendre comment les normes évoluent et transforment dans nos vies, et comment les discours sur le genre, la santé mentale et l’image de soi s’infiltrent dans le quotidien.

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