Vous arrive-t-il de vous surprendre à parler seule, à voix haute, en rangeant vos affaires, en cuisinant ou encore en réfléchissant ? Si c’est le cas, rassurez-vous : ce n’est ni bizarre, ni inquiétant. Au contraire, cette habitude peut s’avérer bénéfique sur de nombreux plans.
Un mécanisme naturel pour organiser ses pensées
Longtemps considérée comme un signe d’excentricité ou d’isolement, le fait de se parler à soi-même est aujourd’hui reconnu par les neurosciences comme un outil précieux pour mieux penser, mieux agir et mieux se comprendre. Parler à voix haute permet en effet de structurer le flot parfois désordonné de nos pensées.
Lorsque l’on pense silencieusement, les idées peuvent s’enchaîner sans logique apparente. En les formulant à voix haute, le cerveau est obligé de ralentir, de clarifier, de prioriser. C’est ce que les chercheurs appellent l’externalisation de la pensée. Selon une étude menée par le psychologue Gary Lupyan de l’université du Wisconsin-Madison, « parler à voix haute améliore les fonctions cognitives », notamment lorsqu’on cherche quelque chose ou qu’on essaie de résoudre un problème. Lors de son expérience, les participants qui prononçaient le nom de l’objet recherché (« banane », par exemple) le trouvaient plus rapidement que les personnes qui restaient silencieuses.
Un soutien émotionnel… venu de soi
Se parler à soi-même peut aussi jouer un rôle dans la régulation des émotions. En formulant ce que l’on ressent à haute voix – « je suis stressée », « ça m’énerve », « je vais y arriver » – on crée une forme de dialogue intérieur bienveillant. Ce mécanisme favorise la prise de recul, aide à verbaliser des émotions confuses et permet de se rassurer sans forcément avoir besoin d’un interlocuteur extérieur.
Certains psychologues y voient même « une forme d’auto-compassion active, qui aide à diminuer le stress et à renforcer l’estime de soi ». Par exemple, dans une situation anxiogène, dire à voix haute : « Tu as déjà fait ça, tu peux le refaire » peut avoir un effet apaisant réel, comparable à ce que dirait un proche encourageant.
Une méthode pour mieux mémoriser
Le langage parlé active des zones différentes du cerveau que le langage intérieur. Lorsque vous parlez à voix haute, vous stimulez non seulement les aires du langage, mais aussi celles de l’audition et de la motricité. Ce phénomène favorise la mémorisation. C’est pourquoi les enseignants conseillent parfois aux élèves de lire leurs cours à haute voix.
Une étude publiée dans la revue Memory en 2017 a montré que « les personnes qui lisaient un texte à haute voix le retenaient mieux que celles qui le lisaient silencieusement ». Cette technique, baptisée « production effect », permet de renforcer la mémoire en associant plusieurs canaux sensoriels.
Mieux se connaître, en toute autonomie
Se parler à soi-même, c’est aussi prendre un moment pour se recentrer, s’écouter et s’ajuster. En posant des questions à voix haute (« Pourquoi est-ce que je réagis comme ça ? », « Est-ce vraiment ce que je veux ? »), on stimule la réflexion personnelle, l’introspection et la prise de décision consciente.
Certaines personnes utilisent cette habitude dans leur quotidien professionnel ou personnel pour s’encourager, clarifier leurs objectifs ou se motiver. Cela peut sembler anodin, mais ces petits dialogues intérieurs contribuent à construire un rapport plus serein à soi-même.
Une pratique saine, tant qu’elle reste consciente
Bien sûr, parler seule à voix haute n’a pas la même signification selon le contexte. Lorsqu’elle est volontaire et maîtrisée, cette habitude est bénéfique. En revanche, si elle devient compulsive, envahissante ou déconnectée de la réalité, elle peut révéler une détresse psychologique et nécessite alors une évaluation professionnelle. Dans la grande majorité des cas, parler à voix haute est simplement une stratégie naturelle et efficace pour mieux vivre avec soi-même.
Ce qui était autrefois vu comme un comportement étrange est aujourd’hui reconnu comme une compétence précieuse. Parler seule à voix haute n’est pas un signe de faiblesse. Alors la prochaine fois que vous vous surprendrez à parler toute seule dans votre cuisine ou en marchant, souvenez-vous : vous êtes en train d’activer l’un des outils les plus accessibles de votre bien-être psychologique.