Absence d’attirance sexuelle pour autrui : faut-il s’inquiéter ?

Alors qu’Emmanuel Macron réclame plus de bébés à la population française et prévoit un « réarmement démographique », dans les chambres à coucher, l’ambition est toute autre. Si les naissances sont en chute libre depuis quelques années, ce n’est pas seulement à cause du coût de la vie et des convictions écologiques, c’est aussi parce que le sexe n’est plus le coeur des priorités. Les Français.es ne sont plus autant porté.e.s sur les ébats et les contacts érotiques. Du moins, c’est ce que souligne une nouvelle étude LELO, menée en étroite collaboration avec l’Ifop. Cette absence d’attirance sexuelle, qui impose un calme plat sous la couette, porte un nom : la sex recession.

L’activité sexuelle, en nette baisse depuis une quinzaine d’années

La nouvelle n’a pas tardé à envahir les médias : le taux de natalité en France a atteint le même niveau « catastrophique » qu’à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Un “baby krach” souvent associé à des problèmes de fertilité, des freins financiers ou des engagements militants, mais rarement à la vie sexuelle en elle-même. Pourtant, il semblerait que les nouvelles générations aient une sexualité bien engourdie. C’est tout le constat de l’étude Ifop pour LELO, réalisée par un questionnaire auto-administré en ligne du 29 décembre 2023 au 2 janvier 2024 auprès d’un échantillon de 1 911 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

Alors que les tabous débarrassent doucement les culottes, les Français.es n’ont plus l’air aussi friand.e.s des plaisirs de la chair. La proportion de Français.es ayant eu un rapport au cours des 12 derniers mois n’a jamais été aussi basse depuis les années 70. Même si, aujourd’hui, d’innombrables instruments en latex peuvent investir l’intimité et corser les ébats, l’heure est à la modération érotique. Une absence d’attirance sexuelle surtout exprimée chez les jeunes générations. Plus d’un quart des jeunes de 18 à 24 ans initié.e.s sexuellement admettent ne pas avoir eu de rapport en un an, soit cinq fois plus qu’en 2006.

Cette absence d’attirance sexuelle n’est pas exclusive à la France. Elle est également visible outre-Atlantique ou en Allemagne. Les spécialistes parlent de « sex recession » pour illustrer ce minimalisme sexuel et cette inertie de l’entrejambe. Le sexe, autrefois hissé en expérience ultime de la fleur de l’âge, est désormais un acte « superflu ». Ainsi, en 2024, 43 % des Français.es rapportaient avoir, en moyenne, un rapport sexuel par semaine, contre 58 % en 2009. Les jeunes sont même moins actif.ve.s que leurs aîné.e.s de 25 à 50 ans et boudent les galipettes.

Un désintérêt pour le sexe qui trouve plusieurs explications

Si les jeunes générations ont le bassin statique et la sexualité amorphe, ce n’est pas parce qu’elles trouvent la pratique ringarde ou has been, mais plutôt parce qu’elles refusent de s’y adonner par « devoir conjugal ».

Le consentement (enfin) au coeur des ébats

Alors que le consentement a été remis au centre de l’attention avec le mouvement MeToo, les jeunes en font une valeur clé de leurs rapports. Plus question de faire l’amour par obligation ou d’écarter les jambes pour satisfaire l’autre. Selon l’étude, 52 % des femmes âgées de 18 à 49 ans déclarent qu’il leur arrive de faire l’amour sans en avoir envie, contre 76 % en 1981.

Même si cette évolution est assez symbolique et positive, elle reste encore insuffisante et lente. Cette absence d’attirance sexuelle est donc également le résultat d’un changement « positif » des mentalités.

Les relations platoniques, plus puissantes

Le sexe n’est plus une « nécessité » dans le couple et relève davantage du « supplément ». La moitié des femmes se projettent d’ailleurs très bien dans une relation platonique. L’osmose spirituelle semble l’emporter sur la connexion des corps. Une réalité qui prime également au sein du couple.

L’abstinence sexuelle n’est plus synonyme d’échec ou d’idylle en berne. Elle est accueillie avec beaucoup de légèreté dans la relation. Une personne sur quatre actuellement en couple admet ne pas ou ne plus avoir d’intimité physique avec son conjoint.

L’asexualité, une autre réalité

Cependant, cette absence d’attirance sexuelle est mieux envisagée par la gent féminine. Elle est vécue facilement par deux femmes sur trois contre à peine la moitié des hommes. Les hommes, toujours enracinés dans le culte de la performance, ont encore du mal à baisser le chibre.

Ils sont encore convaincus que la sobriété sexuelle est égale à un aveu de faiblesse ou une entrave à leur virilité. L’asexualité se dessine également dans l’étude. La visibilisation de cette orientation sexuelle a aidé à mieux « accepter » et « relativiser » cette absence d’attirance sexuelle.

Le numérique, un tue-l’amour ?

Dans un futur proche, il sera peut-être possible de faire l’amour avec un casque de réalité augmentée sur les yeux ou d’avoir un robot spécialement dédié aux besoins sexuels. Mais pour l’heure le progrès n’est pas allé aussi loin. Pourtant, les jeunes ne sollicitent pas les nouvelles technologies pour se titiller l’entrejambe, mais pour se divertir, en toute simplicité. S’iels expriment une absence d’attirance sexuelle, le numérique en est, en partie, responsable.

Avec une offre virtuelle de plus en plus étoffée, faire la larve sur le canapé est plus « tentant » que de transpirer sur l’oreiller. Chez les jeunes de moins de 35 ans vivant en couple sous le même toit, la moitié des hommes reconnaissent avoir déjà évité un rapport sexuel pour regarder une série/film à la télévision contre 42 % des femmes. Les écrans sont devenus la nouvelle source d’excitation des jeunes, au détriment du peau à peau sensuel.

L’absence d’attirance sexuelle n’est pas une fatalité en soi. Elle reflète une évolution des mœurs et laisse transparaître une approche plus « saine » de la sexualité. Cependant, gare à ne pas trop fusionner avec votre téléphone ou vos écrans pour conserver la complicité, plus « constante » que la libido.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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