Quand vous posez le pied dans une destination lointaine, vous vous attendez à avoir des étoiles plein les yeux et la bouche béante. Or, entre les photos idylliques des influenceurs voyage et la réalité, il y a parfois un fossé vertigineux, qui peut vous mettre dans un état de choc. C’est ce que provoque le syndrome du voyageur, un trouble bien plus déstabilisant que le fameux “mal du pays”.
Un décalage brutal entre fantasmes et réalité
Avant de rejoindre votre destination de vacances, vous voulez un petit aperçu. La curiosité est humaine et elle ne tarde pas à vous démanger les pouces. Vous sillonnez les rues de la ville avec le petit bonhomme de Google Maps, vous faites défiler les photos Instagram liées à cette localisation, en vous extasiant à chaque cliché et vous parcourez les brochures touristiques, avec photos éloquentes à l’appui. Bref, vous essayez de vous projeter. Si vous pouviez déambuler sur les plages de sable fin et visiter votre location en avance avec un casque de réalité virtuelle, vous le feriez sans hésiter.
Or, les photos aussi belles soient-elles ne montrent qu’une partie du décor et ne racontent pas tout. Quand vous arrivez sur place et que vous franchissez le seuil de l’aéroport, vous ne savez pas si vous devez rire ou pleurer. Cette destination que vous avez vu sous son meilleur jour sur le net n’est pas toujours à la hauteur de vos attentes, par ailleurs très élevées.
Ce qui se cache derrière le syndrome du voyageur
Lorsque vous sillonnez cette ville qui semble être une vulgaire caricature, le “whaou” se mêle au “beurk”. Les symptômes typiques du syndrome du voyageur. Il correspond à “des troubles psychologiques passagers que ressentent certaines personnes quand la différence entre l’idée qu’elles se faisaient de leur voyage et la réalité est trop grande”, développe le Pr Olivier Bouchaud, membre du Centre-conseil aux voyageurs du CHU Avicenne dans les colonnes de Midi Libre.
Les premiers cas ont été identifiés sur le sol Français, en 1980. Lorsque des voyageurs japonais parcourent la ville lumière, ils voient l’autre facette de Paris, plus sombre. Des rues peuplées de rats, jonchées de déchets et pulvérisées à l’urine. Pour les touristes nippons, qui considéraient Paris comme la capitale du romantisme, la désillusion est si grande qu’elle déteint sur leur esprit. Les voyages à l’autre bout du globe ne provoquent pas seulement un “jet lag”, ils peuvent aussi vous perturber plus profondément. Si vous passez d’un pays européen à une contrée orientale ou asiatique, vous avez plus de risques d’en faire l’expérience. Et vice versa.
Le syndrome de l’Inde
Le syndrome du voyageur peut prendre plusieurs formes selon la destination choisie. Si vous venez d’Occident et que vous posez vos bagages en Inde, ne vous attendez pas à être pris dans un élan de sérénité. En général, les touristes ne voient pas au-delà du Taj Mahal, des temples majestueux et des cultures de thé à perte de vue. Une idée très simpliste de ce pays, qui, pourtant, a de quoi donner le tournis. Au lieu de récolter la paix intérieure, vous risquez de repartir avec quatre fois plus de stress.
L’Inde, ce pays de mille couleurs, d’odeurs entêtantes et de foules grouillantes, fascine autant qu’il désarçonne. Si beaucoup de voyageurs en ressortent émerveillés, certains, eux, vivent une sorte de burn-out culturel. Le choc est tel qu’il se traduit par de l’anxiété, des troubles digestifs ou une impression d’oppression face à l’intensité du quotidien indien. On parle alors de syndrome de l’Inde : une difficulté à absorber cette densité, ces contrastes extrêmes entre beauté et misère, calme spirituel et chaos urbain.
Le syndrome de Jérusalem
Ville trois fois sainte, Jérusalem attire chaque année des millions de visiteurs venus chercher du sens, du spirituel ou simplement de l’histoire. Mais certains, face à la puissance symbolique des lieux, basculent dans un état de transe quasi mystique. Ils se sentent investis d’une mission divine, s’identifient à des personnages bibliques ou ont des révélations intenses.
Ce phénomène, connu sous le nom de syndrome de Jérusalem, a été documenté par les psychiatres. Il touche des personnes sensibles ou déjà fragilisées par des croyances fortes. Si la crise est impressionnante, elle s’apaise généralement après quelques jours de repos loin de l’effervescence de la ville sainte.
Le syndrome de Paris
C’est certainement le syndrome du voyageur le plus “populaire”. À l’évocation de Paris, beaucoup de touristes imaginent la dame de fer scintiller dans la nuit noire, les bâteaux mouches braver les eaux de la Seine et le Sacré Coeur bordé d’artistes prêts à leur croquer le visage. Mais derrière ces monuments immanquables se dissimulent des habitants aigris, des poubelles remplies à ras bord et une misère palpable. Cette ville qui défile sous le son des accordéons dans les films à l’eau de rose est surtout bercée par le bruit des klaxons et des sonnettes de vélo.
Les touristes qui s’attendaient à voir les parisiens munis de leur baguette et de leur béret tombent de très haut en découvrant ce Paris plus insolent. Les symptômes ? Stress, angoisses, perte de repères, voire malaise physique. Ce décalage entre rêve et réalité rappelle à quel point nos attentes façonnent nos expériences. Moralité : mieux vaut partir sans idéaliser, et savourer Paris pour ce qu’elle est vraiment
Le syndrome de Stendhal
Enfin, il existe une forme plus douce (mais tout aussi intense) du syndrome du voyageur : le syndrome de Stendhal. Il doit son nom à l’écrivain français qui, lors de sa visite de Florence, fut littéralement submergé par l’émotion face aux œuvres d’art de la Renaissance. Palpitations, vertiges, larmes… trop de beauté, d’un coup, peut bouleverser le corps autant que l’âme.
Aujourd’hui encore, certains visiteurs de musées ou de sites majestueux rapportent ce vertige esthétique. Comme si l’art, la grandeur ou la grâce des lieux dépassaient leur capacité à contenir tant d’émotions.
Le syndrome du voyageur illustre à quel point l’inconnu peut nous chambouler, au point de nous transformer totalement. Alors un conseil : ne vous spoiler pas votre voyage à l’avance, appréciez le moment présent. Arrêtez de croire tout ce qu’Instagram vous renvoie. Ça vous évitera bien des fausses joies. La vie n’est pas un cliché surfait de comédie romantique. Laissez vous un peu de suspense !