Porter ce qui nous plait, ce qui nous va et ce qui nous fait plaisir, devrait ĂȘtre normal. Pourtant, la femme – et ce depuis des dĂ©cennies – est assujettie Ă des injonctions vestimentaires. Jupe « trop » courte, chemise « trop » Ă©chancrĂ©e, jean « trop » moulant⊠sâhabiller librement est quasi impossible dans notre sociĂ©tĂ©. Une contrainte sociale que de nombreuses politiciennes ne connaissent que trop bien. Point sur le combat des femmes et des politiciennes pour s’habiller comme elles le veulent.Â
Le vĂȘtement, une charge esthĂ©tique pour les femmes
Si le tailleur est aujourdâhui largement portĂ© par les femmes et est devenu le vĂȘtement must-have de toutes nos garde-robes, pour un style chic, cet habit a Ă©tĂ© principalement lâapanage des hommes.
Longtemps assignĂ©es aux tĂąches mĂ©nagĂšres et Ă la vie de famille, les femmes nâĂ©taient pas libres de disposer dâelles-mĂȘmes et leurs dressings ne pouvaient contenir que des jupes et des tailleurs suffisamment longs pour respecter la biensĂ©ance imposĂ©e par le patriarcat. Quant aux hommes, eux, ils portaient sur leurs Ă©paules des costumes affirmant leur position de travailleurs et « dâhomme de maison ».
Ce nâest quâĂ partir des annĂ©es 70-80, que lâimage de la femme au foyer sâefface peu et peu et laisse place Ă une femme plus moderne, libre et Ă©mancipĂ©e. Elle veut se montrer sur tous les plans : au travail et au sein de sa famille. Elle se libĂšre peu Ă peu des normes sociales.Â
LâĂ©mancipation par le vĂȘtement
Un mouvement dâĂ©mancipation dont les crĂ©ateur.rice.s de mode se sont emparĂ©.e.s. Gabrielle Chanel a par exemple fait du tailleur en jupe et du pantalon un iconique de la femme moderne et libĂ©rĂ©e. PortĂ©s par MarlĂšne Dietrich et Grace de Monaco, ces vĂȘtements ont re-dessinĂ© la fĂ©minitĂ© et ont dĂ©trĂŽnĂ© le masculinisme vestimentaire.
« Le tailleur a le mĂȘme but, la mĂȘme visĂ©e que le costume masculin : c’est-Ă -dire proposer une tenue agrĂ©able, mais avec de la distinction. Coco Chanel en a imaginĂ© la version fĂ©minine », explique VĂ©ronique Belloir, responsable de collections du Palais Galliera, Ă Vogue magazine
Yves-Saint-Laurent quant Ă lui, a complĂštement bousculĂ© les codes de la mode. Le smoking nâest plus quâaux hommes. Il se porte Ă©galement par les femmes. Ce nouveau vĂȘtement, crĂ©ateur de stupeur et dâindignation, est rapidement adoptĂ© par les femmes.
PortĂ© par Catherine Deneuve, Françoise Hardy, Betty Cattroux ou encore Loulou de la falaise⊠le costume pantalon est devenu un vĂ©ritable symbole de pouvoir et dâĂ©mancipation des femmes, tout en sublimant leur fĂ©minitĂ©.
Le costard : le pouvoir en politique
Si le smoking dâYves-Saint-Laurent a sĂ©duit plus dâune femme, le porter dans le milieu politique a pris du temps. Lorsquâon pense « mode » en politique, on a lâhistoire de MichĂšle Alliot-Marie, femme politique et ancienne dĂ©putĂ©e des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques, qui nous vient Ă lâesprit. Sous prĂ©texte quâelle portait un pantalon, lâhuissier de lâAssemblĂ©e nationale ne voulait pas la laisser entrer. Mais elle ne lâenleva pas, bien sĂ»r.
Jupe « trop » courte, chemise « trop » Ă©chancrĂ©e, jean « trop » moulant⊠les femmes se sont toujours pris des remarques sexistes sur leur maniĂšre de se vĂȘtir. Et dans la politique, ĂȘtre une femme câest tenter de trouver un Ă©quilibre entre dĂ©cence, pudeur, respect, dignitĂ© de la fonction, modestie, lĂ©gitimitĂ© et discrĂ©tion, afin dâĂ©viter les scandales et de se concentrer sur les idĂ©es et les projets politiques avancĂ©s.
« Le fait dâadopter ces vĂȘtements Ă©vite quâon utilise une partie de leur temps de parole pour parler de leur style plutĂŽt que dâĂ©voquer leurs idĂ©es ou leur programme », constate Nathalie Kosciusko-Morizet en 2014, lâancienne maire de Longjumeaeu au Huffingtonpost
Un Ă©quilibre sophistiquĂ© et fĂ©minin pour lequel optent de nombreuses politiciennes. Hillary Clinton en d’ailleurs a fait son emblĂšme lors de sa campagne prĂ©sidentielle.
Nos candidates françaises, ValĂ©rie PĂ©cresse, Marine Le Pen et Anne Hidalgo ont Ă©galement fait le choix dâen porter. Toutefois, du cĂŽtĂ© de lâextrĂȘme gauche, Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvriĂšre, penche plutĂŽt pour un style vestimentaire comme « madame tout le monde ».
« Nathalie Arthaud va porter des vĂȘtements quâelle pourrait porter au quotidien, comme une veste en jean, câest une maniĂšre de se situer parmi ses Ă©lecteurs et pas au-dessus dâeux », souligne Sophie Lemahieu, historienne de la mode, au Huffingtonpost
En bref, le choix du tailleur-pantalon par les femmes est loin d’ĂȘtre anodin. Ce vĂȘtement un peu « passe-partout » raconte lâhistoire de lâĂ©mancipation de la femme et le besoin des politiques dâĂȘtre plutĂŽt entendues, que regardĂ©es. Une vĂ©ritable piĂšce maitresse pour imposer son pouvoir en politique.