Elles ont défilé en robes wax chatoyantes, en tenues près du corps ou même en maillots de bain réinventés. Elles ont dansé, souri, et surtout, elles ont captivé. À Kisumu, dans l’ouest du Kenya, une dizaine de mannequins dites grande taille ont illuminé l’East Africa Plus Size Fashion Affair, un événement unique en son genre destiné à célébrer la beauté des femmes rondes.
Un podium pour exister pleinement
Organisé depuis 9 ans par Winnie Wenga Walcott, ce défilé est aujourd’hui l’unique rendez-vous annuel dédié à la mode grande taille au Kenya. Un pays où, comme en Ouganda et en Tanzanie voisins, les morphologies généreuses sont courantes, mais encore peu représentées dans les médias ou la publicité. « La société veut que nous ayons une apparence particulière, plus fine, et cela affecte vraiment l’estime de soi », regrette l’organisatrice d’après Arab News.
Face à 300 spectateurs enthousiastes, les mannequins, toutes amatrices, ont défilé avec fierté, chacune dans une tenue choisie selon ses goûts. L’une portait un bikini noir couvert de pailles blanches, une autre une jupe léopard fendue associée à un crop top. Certaines ont dansé, d’autres se sont contentées de marcher lentement. Toutes ont rayonné.
Launched nearly a decade ago, and spearheaded by founder Winnie Wenga Walcott, East Africa Plus Size Fashion Affair remains Kenya’s only dedicated showcase for plus-size fashion, despite the region’s notable population of fuller-figured women. pic.twitter.com/gm97aQCtzi
— Sash and Style (@SashAndStyle) June 14, 2025
Reprendre le pouvoir sur son image
Parmi elles, Oprah Odhiambo, entrepreneure kényane, s’est engagée pour montrer que « les grandes tailles peuvent faire la même chose que les plus fines ». Elle espère que son apparition inspirera d’autres femmes à sortir de l’ombre : « Il y a des femmes fortes qui se cachent parce qu’elles ont peur qu’on se moque de leur corps. J’espère qu’en me voyant, elles se demanderont pourquoi elles se terrent ».
Même constat pour Rosemary Odire, alias Nyakusa Nyamama, chanteuse et mannequin. Elle confie être régulièrement moquée lorsqu’elle monte sur scène. « On me dit : ‘Toi, grosse maman, tu ne peux pas danser, descends !’ Mais pourquoi me jugent-ils ? », lance-t-elle, fière de défiler en incarnant « la beauté africaine en moi, pas une autre beauté ».
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De la timidité à l’affirmation
Le chemin parcouru est impressionnant. Lors des premiers entraînements en mars, beaucoup de participantes étaient encore mal à l’aise avec leur corps. « Elles étaient timides », se souvient Winnie Wenga Walcott. Aujourd’hui, elles affichent fièrement leurs formes, leur style, leur allure. Le changement est visible, profond, libérateur.
Pour Winnie, cette initiative est aussi un hommage à sa mère, première gagnante de l’événement. « Je suis épaisse. Je détestais mon corps. J’aurais pu sombrer, mais aujourd’hui, je vais bien », confie Seline Aoko. Elle conclut, tout sourire derrière son étal de fruits : « Big is beautiful ! ».
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Selon la World Obesity Foundation, en 2022, 27,5 % des femmes kényanes étaient en surpoids et 17,3 % obèses. Plutôt que de stigmatiser, l’East Africa Plus Size Fashion Affair préfère ainsi valoriser. Le but est double : visibiliser les femmes rondes ou grosses dans la mode et attirer l’attention sur les difficultés qu’elles rencontrent pour trouver des vêtements à leur taille. À Kisumu, ce n’était pas seulement un défilé de mode : c’était ainsi une déclaration d’amour aux corps trop longtemps invisibilisés. Une scène où les femmes rondes ou grosses ont pu se réapproprier leur image.