Daddy blues : les signes à ne pas ignorer et comment aider les pères en détresse

L’arrivée d’un.e enfant bouscule la vie, parfois violemment. Face au berceau, désormais occupé par ce petit être tant attendu, la joie se mue en angoisses et le bonheur se dissout dans la peur. Malgré quelques efforts d’adaptation, les jeunes parents ne parviennent pas toujours à trouver leur place et à endosser ce nouveau rôle. La phrase « je ne suis pas à la hauteur » tourne en boucle dans leur tête, comme un vieux disque rayé. Des symptômes typiques du baby blues, un mal, qui contrairement à ce que l’on peut croire, ne se conjugue pas seulement au féminin.

Les pères, spectateurs du lien fusionnel qui unit la mère à l’enfant, se sentent rapidement « de trop ». Comme transparents dans le tableau familial. Le daddy blues est une réalité insidieuse. Voici comment le sonder pour enfin embrasser ce statut de père à l’aube de cette fête.

Daddy blues, un mal-être trop peu considéré

Lors de l’accouchement et bien après, la figure paternelle reste souvent dans l’ombre. Pourtant, derrière cette étiquette stéréotypée de l’homme inébranlable, voire passif se cache une certaine fragilité. Selon une étude menée par l’INSERM en 2023, plus de 10 % des pères seraient touchés par le daddy blues. Ce père, qui se voyait chanter des berceuses et taquiner bébé, fait une chute vertigineuse devant la réalité de la parentalité, pas aussi « idyllique » que dans son imaginaire.

Il pensait avoir les épaules pour porter ce rôle de père. Mais au final, après quelques jours de pratique, c’est la dégringolade émotionnelle. Il se sent incompétent et reste en marge du landau. Il est présent physiquement, mais absent mentalement, comme effacé de la vie parentale. Cet enfant, qui est censé être la prunelle de ses yeux, s’apparente à un étranger. Cette joie indescriptible, souvent prêtée aux nouveaux parents, est complètement anesthésiée par la culpabilité, les doutes et l’angoisse. Si le baby blues est souvent diagnostiqué aux femmes, les hommes ne sont pas immunisés. Le daddy blues, bien moins évoqué et plus tabou, gâche aussi les premiers contacts avec l’enfant et laisse des pères démunis.

Comment se traduit le daddy blues au quotidien ?

Devenir père, ce n’est pas inné, ça s’apprend. Sauf que voilà, un.e enfant n’arrive pas avec un mode d’emploi, contrairement aux meubles Ikea. Les hommes, qui franchissent ce cap important, peuvent donc se sentir déboussolés, voire même désarmés. Pendant les neuf mois de grossesse (ou parfois moins), ils ont éprouvé les coups de pied furtifs de bébé avec leur paume et murmuré au ventre de la mère. Mais ça n’a pas suffi à créer le lien. À la naissance, l’étincelle ne prend pas. Cet amour inconditionnel, régulièrement dépeint, n’est qu’un vaste mirage. Cet.te enfant, qui s’érige dans ses bras, ne suscite pas l’incroyable émotion escomptée. C’est là que le daddy blues prend racine.

Il s’esquisse assez rapidement, entre les murs de la maternité ou après quelques mois. Lorsque le daddy blues s’insinue, c’est un cataclysme émotionnel. La tristesse et le sentiment d’inutilité ne décampent pas. Alors que la mère et l’enfant cultivent un lien spécial, le père se retire presque naturellement du décor. Il a l’impression d’être un « élément perturbateur », plus qu’un parent actif. Il va donc avoir tendance à se désinvestir du quotidien parental et à se tapir dans l’obscurité. Le daddy blues est un état passager, qui ne dure qu’un temps. Mais il convient de le repérer rapidement pour éviter qu’il ne se convertisse en dépression post-partum plus sévère.

  • Fatigue extrême et insomnie. Un père en détresse peut éprouver une fatigue constante, même après avoir dormi, et des difficultés à trouver le sommeil.
  • Irritabilité et colère. Une irritabilité excessive, des accès de colère ou des conflits fréquents avec le.a partenaire ou les proches peuvent indiquer un malaise sous-jacent.
  • Sentiment de dévalorisation. Les pères en proie au daddy blues peuvent se sentir inutiles, incapables de répondre aux besoins de leur enfant ou illégitimes en tant que parents.
  • Perte d’intérêt. Un désintérêt pour les activités qui étaient autrefois plaisantes, y compris les interactions avec le bébé. Le père va être dans une stratégie d’évitement et ignorer l’enfant.
  • Anxiété et inquiétudes excessives. Des préoccupations constantes concernant la santé et le bien-être du bébé, ainsi que des peurs irrationnelles liées à la parentalité. Une phobie sociale peut aussi germer.
  • Troubles de l’appétit. Une perte ou une augmentation significative de l’appétit, entraînant des changements de poids.

Ces symptômes, les pères les dissimulent sous leur épaisse carapace. Ils attendent d’être sous la douche pour lâcher les vannes et laisser leurs larmes couler à flots. Ils excellent dans l’art de la dissimulation. De l’extérieur, ils font mine que tout va bien, mais au fond, ils souffrent le martyre et ont l’intime conviction d’être des moins que rien.

Comment chasser le daddy blues et enfin apprécier la paternité ?

La souffrance des pères est parfois indéchiffrable. Les hommes, sans cesse, présentés en « chef de famille » et en « maître de la situation », veulent flirter avec cet idéal masculin et garder un semblant de virilité, même dans les tourments. Mais ils ont beau s’en persuader : ils n’ont pas un mental d’acier et ont aussi le droit de vaciller. Alors pas question de se présenter en « roc » quand les émotions déraillent. Le daddy blues ne se déloge pas du jour au lendemain. Le seul remède pour s’en débarrasser au plus vite, c’est le dialogue.

« On ne demande pas aux pères comment ils ressentent la situation. Et chez l’homme, il y a aussi cette espèce de fierté, de honte. Ils sont moins enclins à révéler leurs émotions »,  constate Mathilde Bouychou, psychologue spécialisée en périnatalité

À la naissance de l’enfance, tout tourne autour du bébé et de la santé de la mère. Mais les pères, eux, n’ont jamais vraiment l’occasion de partager leurs ressentis, ce qui les distancie un peu plus du noyau familial. Or, un environnement d’écoute bienveillante peut considérablement alléger leur fardeau émotionnel. Pour que le père se sente inclu dans l’équation, il peut aussi être bon de lui attribuer des tâches, comme changer la couche.

Daddy blues et dépression post-partum, quelle différence ?

Si le daddy blues se prolonge, il peut se radicaliser et devenir plus grave. Là, il est question de dépression post-partum. Une vraie pathologie à prendre au sérieux. Une étude suédoise démontre qu’il y a un fort taux de transmission. Lorsque les mères en souffrent, les pères deviennent plus à risque. Cependant, la dépression post-partum se manifeste différemment chez les pères. Une forme de violence plus accrue va se profiler.

Le père ignore l’enfant et laisse son cocon familial de côté. « Il y a davantage de passage à l’acte chez le père, une forme de violence physique ou morale. Cela peut se traduire par de l’infidélité, du voyeurisme, des violences intraconjugales », précise Mathilde Bouychou. Contrairement au daddy blues qui part « tout seul », la dépression post-partum est plus tenace. Elle nécessite une thérapie de fond.

L’experte confirme également que le timing n’est pas le même que chez les femmes. « La dépression post-partum apparaît plus tardivement chez les pères. Souvent ça se situe entre les 6 mois et 1 an de l’enfant. Ils peuvent aussi déprimer pendant la grossesse et ce n’est pas anodin ». La naissance d’un bébé peut aussi réveiller des conflits familiaux et mettre en lumière des troubles sous-jacents. Conflit avec les parents, représentation faussée de la mère… de nombreux souvenirs peuvent rejaillir.

Le daddy blues n’est pas forcément une fatalité. En général, il vous quitte au bout de quelques semaines. Pour apprécier votre rôle de père, détachez-vous de tous les clichés qui collent à cette figure parentale. Osez prendre une voix gaga, faire des gazouillis et des « coucou beuh » ! Et pourquoi ne pas envisager d’être père au foyer ?

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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