Et si certaines tumeurs pouvaient disparaître sans passer par la chirurgie ni les lourdes chimiothérapies ? C’est ce que suggère une série d’essais cliniques menés aux États-Unis autour d’un traitement par immunothérapie qui, chez certains patients bien ciblés, a permis une rémission totale.
Une alternative pour éviter des opérations invasives
C’est une avancée scientifique qui pourrait transformer la prise en charge de plusieurs cancers digestifs. Les traitements classiques du cancer du rectum, de l’œsophage ou de l’estomac incluent souvent des interventions dites radicales : ablation partielle ou totale d’organes, chimiothérapie, radiothérapie. Autant de protocoles efficaces mais particulièrement éprouvants, aux effets secondaires parfois lourds et durables.
Dans une étude relayée par le New York Times, des chercheurs du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, à New York, ont testé un traitement par immunothérapie sur un panel de patients atteints de cancers avec une mutation spécifique, appelée déficience de réparation des mésappariements de l’ADN (MMRd en anglais).
Des résultats spectaculaires avec le dostarlimab
Au total, 103 personnes ont participé à l’essai. Parmi elles, 49 patients atteints d’un cancer du rectum ont vu leur tumeur disparaître complètement, sans chirurgie ni radiothérapie. Après 5 ans de suivi, aucune rechute n’a été observée. Chez les patients atteints d’autres formes de cancer (œsophage, estomac, foie, endomètre…), 35 ont également connu une disparition totale de la tumeur.
Le médicament utilisé, le dostarlimab, est un anticorps monoclonal qui agit en désactivant le « bouclier » que les cellules cancéreuses mettent en place pour échapper au système immunitaire. Une fois ce bouclier levé, le système immunitaire peut reconnaître et attaquer la tumeur.
Un traitement encore réservé à une minorité
Aussi prometteuse soit-elle, cette thérapie ne concerne toutefois pour l’instant qu’un petit nombre de patients. Les mutations visées (MMRd) ne se retrouvent que dans environ 2 à 3 % des cas de cancers colorectaux et gastriques. De plus, le coût du traitement reste élevé : environ 11 000 dollars par dose, avec 9 doses nécessaires sur 6 mois, soit un coût total avoisinant les 100 000 euros par patient.
Les chercheurs insistent toutefois sur le fait que ce n’est qu’un début. Leurs travaux pourraient ouvrir la voie à des traitements similaires pour d’autres types de tumeurs, à condition d’identifier les biomarqueurs nécessaires.
L’histoire de Maureen, une patiente guérie sans chirurgie
Maureen Sideris, 71 ans, fait partie des patientes ayant bénéficié de cette avancée. Après avoir consulté pour une difficulté à avaler, elle découvre qu’elle est atteinte d’un cancer de l’œsophage. Éligible à l’essai clinique, elle entame une série de perfusions. Trois mois plus tard, sa tumeur a totalement disparu, sans passer par l’ablation de son œsophage, ni chimiothérapie.
« Ces résultats auraient relevé de la science-fiction il y a encore 20 ans », commente le Dr Bert Vogelstein, de l’université Johns-Hopkins. Pour lui, cette avancée marque un tournant dans l’histoire de l’oncologie moderne.
Vers une nouvelle ère du traitement du cancer
Si l’immunothérapie n’en est pas à ses débuts, cette étude apporte une preuve spectaculaire de son potentiel curatif, dans certains cas très précis. Elle confirme que, dans certaines circonstances, le corps humain peut être son propre outil thérapeutique – à condition qu’on sache le guider.
L’avenir de la cancérologie semble s’orienter vers des traitements de plus en plus personnalisés, basés sur le profil génétique de la tumeur. L’objectif : proposer des soins moins invasifs, plus ciblés, et à l’efficacité durable.
Les chercheurs poursuivent aujourd’hui leurs travaux pour étendre l’utilisation de cette approche à d’autres types de cancers et réduire les inégalités d’accès au traitement. Un défi scientifique, économique, mais aussi éthique.