Sexe de réconciliation : régler ses disputes sur l’oreiller, est-ce une bonne idée ?

Selon l’adage, une dispute carabinée se résout toujours sur l’oreiller dans le souffle chaud des ébats. Le sexe de réconciliation est d’ailleurs une expérience commune à de nombreux couples. Au lieu de transformer le nid conjugal en tribunal, cette technique enterre l’âge de guerre dans le silence d’une caresse et la langueur d’un baiser. La fougue finit par l’emporter sur la rancœur et la relation revient au calme sans accrocs. C’est presque de la sorcellerie. Mais la colère peut-elle vraiment s’évaporer sous la couette ? Pas si sûr. Régler ses disputes de couple avec le sexe tranquillise sur le coup, mais qu’en est-il sur la durée ? Telle est la question. 

Les disputes dopent le désir, c’est la science qui le dit

Selon une étude très sérieuse, un couple se dispute en moyenne 312 fois par an, soit presque tous les jours. Qu’il s’agisse d’une querelle enfantine sur le choix du programme TV ou d’une scène de ménage autour du compte commun, les conflits prennent racine dans chaque détail du quotidien.

Si la première réaction consiste généralement à claquer la porte et à envoyer des éclairs de rage à sa moitié, la seconde recréée un magnétisme presque hors de portée. Le corps est soudainement habité par une excitation qui dépasse la raison. Si la libido se déchaîne après une fâcheuse prise de tête, ce n’est pas un hasard. C’est même un phénomène physiologique que la science a tenté de démontrer à plusieurs reprises.

Comme le mentionne Gentside, la colère et la peur qui suivent la dispute font le combustible de l’adrénaline et du cortisol, les hormones du stress. Par instinct, le corps cherchera naturellement un refuge pour se soulager. Il trouvera ce réconfort dans les câlins coquins, qui rappelons-le, libèrent un joyeux cocktail de sérotonine, de dopamine, d’adrénaline et d’ocytocine. Autrement dit, c’est plus efficace et immédiat que toutes les techniques relaxantes réunies.

« Le sexe après une dispute ne procure pas seulement un soulagement, il crée aussi de l’excitation. Vous passez de l’état de menace à celui de triomphe, car vous avez surmonté la menace en survivant », analyse le sexologue Andrew Aaron

Le sexe de réconciliation est une sorte de langage « primitif ». Il sollicite les étreintes rassurantes du couple pour tempérer un sentiment d’insécurité plus individuel. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cet appétit charnel survient lorsque l’intensité du conflit atteint son paroxysme.

Les émotions extrêmes que sont la fureur et la passion finissent par coaguler malgré elles. C’est ce qui pousse les corps à ne faire qu’un. Le sexe de réconciliation est donc avant tout le fruit des hormones. Il peut également venir sustenter cette distance émotionnelle héritée de la dispute.

Le sexe, une façon de ressouder la complicité

Le sexe de réconciliation, aussi appelé « make-up sex » par nos voisins anglais, remplit la fonction de « drapeau blanc ». Ce rendez-vous sensuel réaffirme des liens entachés par la dispute. Évidemment pas question de faire l’amour sans avoir posé le problème sur la table au préalable. Sinon, l’acte sexuel risque d’en perdre toute sa saveur.

Le sexe de réconciliation vaut seulement lorsque les deux partenaires ont clarifié leurs mésententes. Dans ce cas, les ébats arrivent comme le point final de l’apaisement. Ils ressoudent une complicité ébranlée. Les rapports intimes ne remplacent pas les conversations diplomates post-disputes, ils servent de supplément. D’ailleurs, ils ne prennent pas toujours la forme d’une position de Kamasutra. Câlins, papouilles, bisous… toutes les manifestations affectives peuvent remodeler cette alchimie physique. Ce qui compte, c’est surtout la sincérité mise dedans.

« Le sexe de réconciliation permet aux partenaires de s’apaiser, de se retrouver et possède de bons côtés lorsqu’une réelle connexion se produit », explique Claire Alquier, sexologue et thérapeute de couple à Aufeminin

Le sexe de réconciliation, oui, mais à certaines conditions

Ce dénouement sous les draps, érigé, à tort, en solution ultime, a également ses travers. Sous ses faux airs de recette miracle, le sexe de réconciliation transporte avec lui l’effet « cocotte-minute ». En s’en remettant inlassablement à ce vocabulaire corporel sans jamais verbaliser les ressentis, les conflits stagnent en silence. Jusqu’à devenir insoutenables. Cette attitude est une véritable bombe à retardement.

Elle ne démêle pas le cœur du problème, elle le muscle. En procrastinant sur ses accrocs, le couple se nuit donc à lui-même. Et lorsque ces interactions manquées resurgiront, elles feront encore plus de dégât. Le sexe de réconciliation ne doit pas devenir une stratégie d’évitement ni une tactique pour « fuir » la réalité.

Le sexe de réconciliation peut aussi prendre une autre tournure malsaine. Il sous-entend que les disputes stimulent les ébats, de la même manière qu’un aphrodisiaque. Inconsciemment ou machinalement, le couple va se pousser à l’affront pour ensuite plaider le sexe. La dispute se convertit alors peu à peu en un dérivé « toxique » des préliminaires. Pourtant, cette pratique n’est ni un substitut au dialogue ni un « viagra » déguisé. À partir du moment où les tensions servent de terreau aux ébats, le sexe de réconciliation vire au red flag.

« Quand le couple s’entend bien sexuellement et intellectuellement et que le conflit n’est pas en lien avec des événements graves, ça peut être un moyen de se pardonner sans verbaliser. Mais s’il existe un comportement de domination et une personnalité perverse, cela peut être malsain et participer au scénario de domination de l’autre », prévient Béatrice Cuzin, sexologue à Lyon à Ladepeche

Un apaisement superficiel qui ne vaut pas le dialogue

Même si le sexe de réconciliation possède un aspect « réparateur », utile à l’harmonie du couple, c’est surtout un bon placebo. Il apaise seulement en surface. En interprétant le sexe comme un acte de paix, les frustrations se développent en souterrain et les tensions, jamais formulées, enflent sans faire de bruits.

Le sexe de réconciliation désamorce les conflits temporairement, mais ne va jamais chercher la profondeur des mots. Il ne doit en aucun cas devenir un palliatif du dialogue, le vrai. Ce n’est pas faute de le rappeler : la communication fait le ciment du couple.

Cependant, faire diversion dans les galipettes et utiliser le sexe comme « bouclier » n’est pas un vulgaire signe de « lâcheté ». Cette attitude traduit souvent un message plus complexe comme une peur viscérale des confrontations ou une immaturité émotionnelle. Certes, la tendresse tactile procure un sentiment de sérénité. Mais rien n’a autant de valeurs qu’une conversation posée, empathique et proactive.

« La première étape vers la réconciliation va consister à renouer le contact et à rétablir sereinement la communication », confirme Céline Domecq, thérapeute conjugale

Comment rétablir le contact après une dispute ?

Le sexe de réconciliation est supposé couronner l’entente du couple, pas la « sauver ». Ce n’est qu’un simple « additif », purement optionnel. En revanche, pour se retrouver sainement et éviter de ruminer pendant des jours, il existe plusieurs méthodes « cicatrisantes », vraiment fiables (et sans effet secondaire). Voici quelques pistes pour se rabibocher ailleurs que dans la transpiration du coït :

Éviter les paroles blessantes et la culpabilisation

En cas de dispute, il y a deux écoles : l’ignorance avec l’effet « cohabitation muette » ou le procès improvisé, plus frontal. Évidemment, les deux ne mènent nulle part, si ce n’est droit dans le mur. Les mots, trop acérés, ne font d’ailleurs qu’entretenir la haine. Les phrases qui incluent le « tu » accusateur et le « toujours » ou « jamais » sont plus assassines que les autres.

Comme le démontrait le psychologue Marshall Rosenberg, ces paroles moralisatrices ont tendance à infantiliser l’autre et à piquer son égo en plein cœur. Résultat : votre partenaire repartira de la conversation braqué.e et blessé.e. À l’inverse la psychologie positive revendique une approche plus altruiste, basée sur l’écoute mutuelle et les confidences non violentes.

Prendre du recul sur la dispute

Avant de renouer avec sa moitié et d’exhorter un mea culpa, mieux vaut s’assurer que la tension soit bien redescendue. Si vous vivez sous le même toit que votre partenaire, il est préférable de se retirer chacun.e dans une pièce pour faire une rétrospective de la dispute et tenter d’en saisir le sens. Ça évitera les réactions tempétueuses et irréfléchies du climax des tensions. En respectant un « temps de pause », la conversation ressortira plus raisonnable et modérée.

Verbaliser ses ressentis

Pas question de tomber dans l’éternel dialogue de sourds. La conversation se doit avant tout d’être « intelligente » et « intelligible » pour aboutir sur une fin heureuse. Là encore, l’honnêteté et la transparence des mots font 90 % du travail. Plus vous allez vous mettre à nu devant votre partenaire et plus la conversation sera fructueuse. Tour à tour, vous vous affranchissez des reproches et vous essayez de trouver une issue qui puisse convenir à chacun.e.

Finalité : le sexe de réconciliation est facultatif. Cette croyance qui prétend que les conflits s’évanouissent dans les draps est surtout une belle propagande du « devoir conjugal« . Le sexe reste avant tout une retrouvaille du « plaisir », pas une obligation.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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