Qu’est-ce que le masculinisme ?

Les hommes sont supérieurs aux femmes, le patriarcat n’existe pas, les hommes ont le droit de coucher sans le consentement des femmes… Voilà, les idéaux nauséabonds du masculinisme. Un monde dans lequel les féministes auraient, a priori, déchu les hommes de leur virilité et de leurs droits.

Le masculinisme est loin d’être un courant isolé. Il se répand de plus en plus, même sur les réseaux sociaux. Décryptage d’un phénomène conservateur et antiféministe, dangereux pour le progrès des droits des femmes.

Le masculinisme, késako ?

Il est né en réaction et en opposition au mouvement féministe. Selon certains hommes, il y aurait un déséquilibre entre les hommes et les femmes, en faveur de la gent féminine. Ce courant antiféministe et conservateur est une riposte au progrès des droits des femmes, dans lequel certains hommes souhaitent maintenir leurs privilèges.

Le terme masculinisme n’est pas récent. Il est souvent attribué à la philosophe Michèle Le Doeuff. Mais déjà en 1900, la journaliste, écrivaine et militante féministe, Hubertine Auclert, le définit pour la première fois dans son essai « Les femmes arabes en Algérie », comme le quasi-synonyme du patriarcat.

Michèle Le Doeuff, quant à elle, le caractérise dans son œuvre de 1989 « L’Étude et le Rouet ».

« Pour nommer ce particularisme, qui non seulement n’envisage que l’histoire ou la vie sociale des hommes, mais encore double cette limitation d’une affirmation (il n’y a qu’eux qui comptent et leur point de vue), j’ai forgé le terme de masculinisme. »

Comment se manifeste le masculinisme ?

Le masculinisme est une extension du patriarcat. Ce courant prône la hiérarchie des sexes. Les hommes sont au sommet de la pyramide et les femmes, tout en bas. Avec en prime, une volonté de retourner aux valeurs traditionnelles. Les femmes à la cuisine, les hommes travaillent et vivent comme bon leur semble. Et cerise sur le gâteau, un déni profond de l’existence du patriarcat.

Certains hommes vont même jusqu’à haïr les femmes, les accusant de leur « célibat involontaire ». Tel a été le cas de l’affaire Alek Minassian, un masculiniste canadien, ayant tué 8 femmes, en 2018. Le jeune homme prônait une idéologie masculiniste extrême, selon laquelle les célibataires involontaires (ou « Incel », en anglais) et frustrés sexuels doivent revendiquer leur droit de « pouvoir coucher quand ils le souhaitent » et incitent au viol des femmes, voire à les tuer.

Le masculinisme, loin de porter les mêmes idéaux égalitaires du féminisme, enveloppe des idées extrêmes, conservatrices, misogynes et sexistes, poussant à la banalisation des violences sexuelles, à l’encontre des femmes.

Le masculinisme se répand sur les réseaux sociaux

Après plus 70 ans de combat acharné pour le droit des femmes, on penserait, qu’en 2022, le masculinisme aurait disparu. Malheureusement, non. Sur la « manosphère » se répandent, comme une traînée de poudre, des comptes et des théories masculinistes. Que ce soit sur YouTube, TikTok, Twitter ou Instagram, de nombreux hommes propagent, sans filtre, des propos misogynes et enrôlent les plus jeunes.

Sur YouTube, par exemple, sont diffusées des tables rondes dans lesquelles des hommes parlent de la destruction du monde par les femmes. Sur TikTok, les discours sur comment apprendre à devenir « un mâle alpha » fleurissent également.

Un autre phénomène voit le jour sur les réseaux : les « Pickup Artists ». Certains créateurs de contenus, auto-proclamés experts en séduction, prodiguent des conseils pour séduire les femmes en se basant sur du sexisme ordinaire, des clichés objectivants et banalisent le harcèlement de rue et la manipulation. Pire encore, certains masculinistes se considèrent comme des MGTOW (Men Going Their Own Way). Ils se définissent comme des « pro-hommes » et excluent de leur vie les femmes, car considérées inférieures.

Loin d’être des actes isolés, les comptes et vidéos misogynes façonnent les pensées et banalisent les violences sexuelles. Pour Sarah Sepulchre, docteure en Sciences sociales et professeure à l’Université catholique de Louvain (Belgique), la meilleure façon de lutter contre cette toxicité masculine est de donner la parole à tout le monde, sans réprimer quiconque, comme elle l’explique :

« Cela demande un travail de fond. S’éduquer, essayer de comprendre ce qu’il y a derrière les discours. Ne rien laisser passer. On doit permettre l’expression de tou.te.s, hommes, femmes ou encore personnes non-binaires dans cette société où l’ensemble des droits doivent s’exercer. Ne surtout pas se dire que les droits des femmes sont acquis. Il faut qu’on s’en empare. »

Le masculinisme est un danger pour notre société et surtout pour les femmes. Sa banalisation au travers des réseaux sociaux risque, malheureusement, d’endoctriner les plus jeunes et de détruire le long combat du féminisme.

Shem's Tlemcani
Shem's Tlemcani
Je suis passionnée par les sujets sociétaux et la santé. Mon intérêt pour les questions sociales me pousse à explorer des enjeux tels que la lutte contre la pauvreté, l'éducation et le changement climatique. En matière de santé, je m'investis dans les domaines du bien-être, de la nutrition et de la prévention des maladies. Je m'efforce de rester informée et d'utiliser ma voix pour sensibiliser et encourager le débat et l'action sur ces sujets cruciaux.
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