Qu’est-ce que la misogynie internalisée chez les femmes ?

Il est difficile d’effacer des siècles de misogynie dans notre société. Si chez les femmes et autres « personnes dominées » la bienveillance et l’entraide sont plus simples, elles ne sont pas innées non plus. Car entre le slut-shaming, les attaques sur le physique et le harcèlement en ligne… les femmes aussi peuvent être très violentes entre elles. En cause : l’intégration, malgré elles, des croyances et stéréotypes misogynes véhiculés par la société dans laquelle les femmes évoluent. Qu’est-ce que la misogynie internalisée exactement ? Comment se manifeste-t-elle et quelles en sont les conséquences ? Lumière.

Un jugement sexiste qui colle à la peau des femmes

C’est plus fort que vous, quand vous voyez cette femme habillée de manière « trop vulgaire » et réussir, vous avez envie de penser qu’il y a quelque chose derrière. Comme si sa tenue y était pour quelque chose dans sa réussite. Pourtant, vous savez que ce n’est pas vrai. En gros, c’est ça, la misogynie internalisée. Cette position sexiste ressort en nous lorsqu’on effectue nous-mêmes – entant que femmes – des actes ou des pensées misogynes envers d’autres femmes. En dépit de nos valeurs, c’est un jugement qui nous colle à la peau. Et ce sexisme nous affecte aussi directement, si l’on est une femme, ou un genre dominé par un autre. D’ailleurs, on éprouve et effectue souvent des actes sexistes envers nous-mêmes.

On différencie la misogynie internalisée de la misogynie en elle-même, car il ne s’agit pas d’être sexiste en soi, par conviction. Il s’agit plutôt d’avoir intégré des mécanismes sexistes, malgré soi. Effacer des siècles et des siècles de misogynie normalisée, c’est complexe. Nos ancêtres avaient des pensées misogynes que personne ne discutait autour d’eux. Considérées comme des citoyennes de seconde zone, les femmes étaient systématiquement discriminées. Petit à petit, on commence tout juste à le comprendre à grande échelle, elles sont l’égal des hommes. Et le mot « féminisme » fait de moins en moins peur. Cette dédiabolisation ne se serait pas installée sans un (gros) travail de déconstruction.

La misogynie internalisée, révélatrice d’insécurités

La misogynie s’inscrit donc dans un environnement patriarcal. Elle est ancrée de manière inconsciente dans tous nos esprits. On se souvient par exemple de nombreux films américains stéréotypés, représentant la rivalité entre deux jeunes femmes. Pour avoir le mec le plus beau du lycée, et/ou le plus beau physique pour devenir la reine au bal de fin d’année. Qu’on le veuille ou non, ces images se sont répercutées en nous et dans notre entourage. Et c’est ainsi qu’on a entendu et cru pendant des années que notre poids n’était pas « idéal pour une femme », par exemple, ou que nos seins n’étaient pas « normaux ».

En réalité, le sexisme internalisé révèle une insécurité chez les femmes. Ces codes sociaux dévalorisent les femmes, ils ne développent pas leur confiance en elles. Ils les incitent au contraire à se comparer avec d’autres femmes en permanence, afin de satisfaire un certain « regard masculin ». On en arrive à ressentir du dégoût pour tout ce qui n’est pas assez « féminin » aux yeux de la société, surtout au niveau de l’apparence : les vêtements amples, les seins qui tombent, le rire ou la voix qui porte… Bref, tout ce qui ne rentrerait pas dans l’idée qu’on se fait d’une femme sur une couverture de magazine de mode.

Et à l’inverse, les femmes « trop féminines », qui ont tout pour ressembler à ce cliché, deviennent trop enviables, trop détestables. Beaucoup vont alors la « slut-shamer ». Et parce qu’aucune femme ne rentre parfaitement dans ces stéréotypes photoshopés, très peu de femmes peuvent s’empêcher de ressentir des insatisfactions. Et de le traduire en misogynie internalisée.

Le travail quotidien de la déconstruction

De plus, les normes peuvent toucher différents domaines : le racisme, l’homophobie ou le validisme sont aussi parfois intégrés en nous. Et il n’existe pas de solution miracle et définitive à ce problème. La déconstruction socio-culturelle du sexisme internalisé représente un réel travail quotidien. Il démarre généralement par une prise de conscience des schémas intégrés en nous et dans notre entourage. Avant de juger quelqu’un, réfléchissons à deux fois au regard que l’on porte sur autrui.

En parallèle, pour faire évoluer les représentations culturelles et sociales, on peut continuer à mettre en avant des femmes et autres personnes discriminées inspirantes. Ce premier pas se réalise également tous les jours. Il permet un certain « empouvoirement » des autres. L’idée est de se pousser ensemble vers le haut, ouvrir le champ des possibles, et se réjouir de voir d’autres femmes gagner. Donner des coups de pouce à ses ami.e.s, prévenir celles qui font preuve de sexisme ordinaire… Ce n’est pas un travail aisé, mais bonne nouvelle : échapper aux stéréotypes de genre nous apporte une grande sérénité. Aimer les autres permet de s’aimer plus. Ça va dans les deux sens.

La misogynie internalisée chez les femmes représente un défi complexe et profondément enraciné dans nos sociétés. Mais il est crucial de remettre en question les normes sociales et les stéréotypes de genre qui alimentent la misogynie internalisée, tout en encourageant l’empowerment individuel et collectif des femmes.

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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