Laissées dans l’ombre pendant plusieurs siècles, les femmes de science vont bientôt avoir la lumière qu’elles méritent, au sens propre du terme. Ces scientifiques, éclipsées des manuels scolaires et tombées dans l’oubli malgré leur génie, prendront place sur la tour Eiffel. Une initiative précieuse de la Ville de Paris pour se rappeler ces noms qui ont fait l’histoire et honorer la mémoire de ces femmes à qui l’on doit de nombreux progrès (et notre confort actuel).
72 femmes de science exposées sur la tour Eiffel
Albert Einstein, Isaac Newton, Louis Pasteur et Pierre Curie sont des figures familières. Ils ornent les pages des manuels scolaires, s’invitent sous la plume des écoliers en SVT et s’inscrivent même en caractère gras sur les épitaphes des rues ou des grandes avenues. Ces hommes de science ont des statues et des écoles à leur effigie, certains ont même des prix qui portent leur nom. En clair, ils ont une reconnaissance collective. Ce qui n’est pas le cas de leurs homologues féminines, dont les prouesses ont été injustement passées sous silence.
Pourtant, sans Maria Telkes, les panneaux solaires n’existeraient pas, sans Mary Anderson, les voitures n’auraient pas d’essuie-glace pour balayer la pluie sur le pare-brise, sans Heddy Lamar, nos téléphones n’auraient pas accès au Wi-Fi. Les femmes ont aussi été auteures de créations révolutionnaires, mais leur nom n’a pas perduré dans le temps. Absentes des cursus scolaires et de l’espace public, elles se sont fait voler la vedette par leurs confrères, à une époque où les femmes brillantes étaient considérées comme une menace. Aujourd’hui, ce sont de sombres inconnues pour le grand public, enfin plus pour longtemps.
La Ville de Paris s’apprête à rendre justice à ces femmes de science et à éclairer leur parcours sous les projecteurs de la tour Eiffel. Les visiteurs de ce monument phare de la capitale pourront bientôt prendre conscience de leurs exploits. Les noms de 72 femmes scientifiques vont s’écrire en lettre d’or sur le premier étage de la Dame de fer. Ils s’inscriront sur une frise portée au masculin, presque aussi vieille que l’édifice.
Réparer les inégalités dans les sciences
Lorsque la tour Eiffel s’est érigée au cœur de la Ville Lumière en 1889, son créateur a imaginé une frise vantant les louanges d’hommes savants. Ainsi, depuis plus de 130 ans, Lavoisier, Laplace, Daguerre ou encore Ampère ornent les fondations du monument et profitent d’un beau piédestal, visité par 7 millions de curieux et d’érudits chaque année. Une publicité grandeur nature, voire une « bénédiction » pour ces messieurs alors que ces mesdames ont à peine le droit à une ligne dans un cours de science.
Et si ces femmes de science ont tardé à habiller la tour Eiffel, ce n’est pas faute de place (il y a quand même 300 mètres de libre), mais à cause de « l’effet Matilda« . Soit la fâcheuse habitude à minimiser ou à effacer les découvertes des femmes pour valoriser celles des hommes. Le défaut de toute une époque. « Ce geste aura une portée internationale. C’est formidable pour toutes les petites filles qui seront peut-être les femmes scientifiques de demain », se réjouit Isabelle Vauglin, astrophysicienne et vice-présidente de l’association Femmes & Sciences. Ce n’est pas pour rien si les étudiantes empruntent si peu la voie des sciences : elles n’ont tout simplement pas de modèles de référence. C’est bien pour cette raison que la mairie de Paris compte redonner de l’éclat à ces prodiges oubliées.
Un acte symbolique sur un site emblématique
Ancrer 72 noms de femmes de science sur la tour Eiffel, ce n’est pas seulement un coup de communication voué à attirer les touristes, par ailleurs plus intéressés par la vue imprenable que par les détails de construction. C’est donner de la visibilité à des femmes qui en ont trop longtemps manqué et les imprimer de façon indélébile dans le décor. Et quelle plus noble vitrine que la Tour Eiffel pour se faire connaître et reconnaître de tous ?
Cette frise féminine, servie dans la même esthétique que celle des hommes, devrait prendre forme fin de l’année 2025. Loin d’entretenir un bras de fer entre hommes et femmes, ce choix architectural a surtout pour but de rattraper des années de silence et d’inégalité. Ces femmes que la société a voulu ranger derrière un fer à repasser vont investir un autre fer, qui a plus de valeur et de grandeur.
Les noms de ces femmes de science ne s’étalent peut-être pas encore dans les manuels scolaires, mais ils orneront bientôt la Dame de Fer. Et c’est une belle façon de leur dire « merci » et « pardon ». Parce que comme la tour Eiffel, ces femmes se sont tenues debout au milieu des hommes.