Invisible et pourtant omniprésent, le cadmium inquiète médecins et autorités sanitaires. Ce métal lourd toxique se retrouve dans des aliments que nous consommons au quotidien.
Un métal cancérogène caché dans nos assiettes
L’alerte a été donnée à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, le 5 juin 2025, par les Unions régionales des médecins libéraux (URML). Dans leur communiqué, relayé par le média Aufeminin, ils révèlent la présence inquiétante de cadmium dans de nombreux aliments du quotidien. Ce métal lourd, classé cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), s’infiltrerait dans notre alimentation via les sols, l’agriculture, la métallurgie… et finirait dans nos repas.
Le cadmium n’est pas un inconnu pour les scientifiques. Son lien avec certains cancers – notamment ceux du poumon, de la prostate, du foie, du pancréas et du rein – est bien documenté. Et ses effets ne s’arrêtent pas là : fragilités osseuses, troubles de la reproduction, insuffisances rénales chroniques et ostéoporose figurent aussi parmi les risques.
Les aliments les plus concernés
L’une des révélations majeures de ce rapport réside dans la liste des aliments où la concentration de cadmium est la plus préoccupante. Contrairement à certaines idées reçues, ce ne sont pas uniquement des produits industriels transformés qui sont concernés. En réalité, il s’agit de produits consommés quotidiennement, parfois considérés comme sains :
- Pain, viennoiseries et produits céréaliers
- Pommes de terre, légumes, y compris issus de circuits locaux
- Biscuits sucrés et salés, barres de céréales
- Crustacés et mollusques (particuliérement : crevettes, huîtres, moules, algues)
- Chocolat
- Abats
La présence de cadmium dans ces aliments provient principalement de leur culture ou production dans des sols contaminés, souvent à cause des engrais phosphatés riches en métaux lourds. Les produits de la mer, quant à eux, sont touchés par la pollution des eaux et l’accumulation dans la chaîne alimentaire.
Une exposition préoccupante, surtout pour les enfants
L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2023. Elle estimait alors que 36 % des enfants de moins de 3 ans dépassaient la dose journalière tolérable de cadmium uniquement via leur alimentation. Or, les jeunes organismes sont particulièrement sensibles à cette contamination chronique.
Les données les plus récentes confirment cette tendance inquiétante. L’étude menée dans le cadre du programme ESTEBAN (2014–2016) montre que l’imprégnation moyenne au cadmium a presque doublé par rapport à l’étude ENNS (2006–2007). On parle de 0,57 contre 0,29 μg/g de créatinine, soit une exposition 3 fois supérieure à celle observée aux États-Unis.
Un enjeu de santé… mais aussi d’égalité sociale
Le docteur Meyvaert, coordinateur du Groupe Santé Environnementale de la Conférence nationale des URPS, souligne une autre dimension du problème : celui des inégalités sociales. « La qualité de l’alimentation est révélatrice des inégalités », explique-t-il. Car ce sont souvent les populations les plus modestes qui consomment le plus d’aliments à risque, du fait de leur prix accessible et de leur large distribution.
L’exposition au cadmium devient ainsi un enjeu de santé publique, mais aussi un révélateur d’injustices alimentaires. D’où la nécessité d’une réponse à la fois sanitaire, politique et éducative.
Que fait le gouvernement ?
Face à l’alerte des médecins, le ministère de la Santé a réagi. Le 10 juin 2025, il a annoncé la mise en place, dès l’automne 2025, d’un dépistage gratuit du cadmium, remboursé à l’hôpital puis en médecine de ville. En parallèle, le ministère de l’Agriculture prévoit un arrêté sur l’usage des engrais phosphatés, à l’origine de nombreuses contaminations.
Une campagne nationale baptisée Albane doit également être lancée. Elle visera à évaluer l’exposition de la population à plusieurs substances à risque – dont le cadmium, les pesticides et les bisphénols – à travers l’alimentation et les activités quotidiennes. Des tests aléatoires seront réalisés tous les 2 ans sur 3 150 personnes représentatives de la population française.
Que peut-on faire au quotidien ?
Même si l’exposition environnementale au cadmium reste difficile à éviter totalement, certains gestes peuvent réduire le risque :
- Varier les sources alimentaires pour éviter l’accumulation par un seul produit ;
- Privilégier les produits issus de sols peu industrialisés, lorsque l’origine est connue ;
- Éviter les excès de produits transformés, souvent plus exposés aux contaminants ;
- S’informer auprès des plateformes officielles, comme RappelConso, qui répertorie les alertes sanitaires en temps réel.
La présence de cadmium dans des aliments courants ne doit pas provoquer la panique, mais elle appelle à une prise de conscience urgente. Médecins, chercheurs, institutions et citoyens peuvent agir ensemble. Car au-delà des chiffres, ce sont nos habitudes alimentaires qui sont en jeu, et surtout la santé des plus vulnérables. La vigilance commence souvent par l’information – et celle-ci, désormais, est entre toutes les mains.