Depuis sa réédition en 2021, « The Future I Saw » de Ryo Tatsuki est devenu bien plus qu’une bande dessinée japonaise à succès. Dépeignant des visions catastrophiques, ce manga autoédité suscite aujourd’hui une inquiétude croissante en Asie, au point d’impacter concrètement les flux touristiques au Japon. En cause : une prétendue prédiction d’un séisme dévastateur à venir le 5 juillet 2025, relayée massivement sur les réseaux sociaux.
Une prophétie de papier qui affole les voyageurs
Dans « The Future I Saw », Ryo Tatsuki prétend retranscrire ses rêves prémonitoires. L’ouvrage a acquis une certaine notoriété après que l’autrice ait été créditée, par certains lecteurs, d’avoir prédit le tsunami et la catastrophe nucléaire du 11 mars 2011. Sa dernière publication va plus loin : elle annonce un nouveau cataclysme causé par une faille sous-marine entre le Japon et les Philippines, générant des vagues encore plus destructrices que celles du précédent séisme.
Cette prédiction a rapidement enflammé les réseaux sociaux, notamment en Chine, à Hong Kong et en Thaïlande. De nombreux internautes affirment vouloir reporter ou annuler leur voyage au Japon « par précaution ». Résultat : selon le directeur de l’agence de voyages WWPKG à Hong Kong, CN Yuen, les réservations ont chuté de moitié pendant les vacances de Pâques.
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Des peurs sans fondement scientifique
Face à cette panique grandissante, les autorités japonaises appellent à la raison. Les sismologues japonais insistent en effet sur le caractère imprévisible de ces phénomènes, en soulignant qu’aucune méthode scientifique fiable ne permet à ce jour de fixer une date exacte.
Le gouverneur de la préfecture de Miyagi, Yoshihiro Murai, touchée de plein fouet en 2011, a vivement critiqué les « rumeurs hautement non scientifiques sur les réseaux sociaux », dénonçant leur impact délétère sur l’image du pays. Il rejoint les nombreux scientifiques qui mettent en garde contre la propagation d’informations non vérifiées pouvant créer un climat d’angoisse généralisé.
L’autrice entre fascination et mise en garde
Interrogée par le quotidien japonais Mainichi Shimbun, Ryo Tatsuki s’est voulue à la fois lucide et mesurée. « Il ne faut pas se laisser trop influencer par mes rêves », a-t-elle affirmé, tout en reconnaissant qu’elle « voyait très positivement » l’intérêt suscité par son manga si cela pousse les lecteurs à se préparer aux risques sismiques. Elle insiste néanmoins sur un point essentiel : « Agissez en fonction des avis d’experts ».
Son ouvrage, bien qu’artistique et spéculatif, est parfois lu au premier degré. Un phénomène courant au Japon où la frontière entre culture populaire et croyance collective peut parfois se brouiller, notamment autour des questions environnementales ou spirituelles.
Un tourisme résilient, malgré les rumeurs
Malgré cette panique passagère, le tourisme au Japon ne montre aucun signe d’effondrement durable. Le premier trimestre 2025 a même été marqué par un record historique de fréquentation, avec 10,5 millions de visiteurs étrangers. Un chiffre porté par le retour des voyageurs internationaux après la pandémie, mais aussi par l’attrait intact pour la culture japonaise, sa gastronomie, et ses paysages.
Les professionnels du secteur restent toutefois prudents. Ils craignent que cette rumeur sismique ne freine certaines clientèles sensibles à la désinformation, au moment où l’économie touristique entame tout juste une reprise solide. De nombreuses agences ont d’ores et déjà adapté leur communication, en rassurant les clients et en relayant les communiqués officiels.
Une alerte révélatrice des failles informationnelles
Cette affaire illustre aussi à quel point les récits culturels peuvent influencer la perception du risque, même en l’absence de preuve scientifique. Dans un contexte d’hyperconnexion, une œuvre de fiction peut rapidement être interprétée comme un signal d’alerte, surtout si elle entre en résonance avec une mémoire collective marquée par les drames passés.
Si « The Future I Saw » a su captiver un lectorat international, il soulève aussi des questions fondamentales sur notre rapport à l’information, aux réseaux sociaux, et à la peur. Et rappelle, une fois de plus, la nécessité de croiser les sources, de se référer aux faits, et de faire confiance aux experts pour évaluer les risques sans céder à la panique.