« 28 ans d’angoisse » ⁠: Noholito raconte une autre facette de lui

La voix qui tremble, l’impression de ne plus pouvoir respirer, que tout le monde vous regarde et que la terre s’écroule sous vos pieds… Ce sentiment d’angoisse est courant et pourtant encore trop souvent minimisé. Dans une société où tout n’est qu’apparence, on en oublie parfois que nous sommes tou.te.s des humain.e.s, avec leurs points forts et leurs failles. James Gueugnot, plus connu sur les réseaux sociaux sous le nom de Noholito, en fait partie. Alors comme chaque humain, il a de multiples facettes. Véritable bout en train sur les réseaux, il a récemment révélé une autre part de lui à travers son livre « 28 ans d’angoisse, Parce qu’il est possible de vivre avec »⁠, publié en octobre aux Éditions First. Rencontre.

The Body Optimist : Vous venez de publier un livre qui explore votre sentiment d’anxiété. Une facette plutôt méconnue de votre personnalité sur les réseaux sociaux. Pour commencer, pourriez-vous définir ce qu’est une crise d’angoisse selon vous ?

James Gueugnot : « C’est tellement de choses. Lors de ma première crise d’angoisse, j’ai eu le cœur qui palpitait, j’avais du mal à respirer. Une impression de ne plus être dans le présent aussi. J’étais dans ma classe avec mes camarades et pourtant j’avais l’impression d’être ailleurs. J’avais l’impression aussi que j’allais tomber.

Enfin voilà, moi je n’ai pas été jusqu’à me dire que j’allais mourir, mais j’étais vraiment dans une situation d’inquiétude à me dire « Mais enfin, est-ce que je vais tomber dans les vapes ? Qu’est-ce qu’il m’arrive ? ». Je sais que d’autres ont des crises d’angoisse totalement différentes. C’est très personnel. »⁠

« Si je fais rire on m’aime, si je fais rire j’existe », une phrase de votre livre qui a retenu notre attention. Vous êtes un influenceur connu pour son humour. Quel a été le rôle de votre activité sur TikTok et les autres réseaux sociaux dans votre acceptation de vous-même ?

« Par rapport à cette phrase, déjà il faut savoir que quand je l’ai écrite, elle m’a énormément ému. Cela m’a fait me rendre compte, eh bien, que c’était ça : que je faisais rire les gens pour que l’on m’aime et pour exister. Ce n’est pas du tout dans le sens où je veux être célèbre attention. C’est plutôt un besoin de reconnaissance. Comme je le dis au début de mon livre, quand mes parents n’avaient pas les yeux braqués sur moi, je n’étais pas bien. Et c’est vrai pour tout.

La création de contenu m’a aidé, car c’était un moment où les crises d’angoisse me mettaient très en tension, elles prenaient le pas sur moi. J’étais très enfermé. Enfin, je voyais ma famille et mes ami.e.s, je ne vivais pas en autarcie non plus, mais je ne faisais aucune activité. C’est-à-dire que je n’allais pas au bar, dans les restaurants, tout ça… Donc les réseaux sociaux m’ont permis un peu de m’amuser et de m’occuper.

En plus à ce moment-là, je préparais pour la deuxième fois l’examen d’entrée de l’école des avocats et c’était un cercle vicieux. J’étais enfermé chez moi pour mes révisions avec mes crises d’angoisse et faire des vidéos me changeait les idées. Sur le moment ça m’a permis de rester épanoui. Après bon, ça n’a pas changé ma nature non plus puisque je restais chez moi pour faire mes vidéos, enfermé. »⁠

Découvrir le livre

Vous expliquez que l’on peut vivre avec les crises d’angoisse, c’est même tout l’objet de votre livre. Aujourd’hui, comment est-ce que concrètement vous arrivez à gérer cela ?

« Déjà, je ne fais quasiment plus de crises d’angoisse actuellement ou alors elles ne durent que quelques secondes. Quand ça m’arrive, je réussis à prendre le pas sur elles. Mais ça ne veut pas dire que je n’en referai plus jamais. Pour moi il faut vraiment se dire « on vit avec » parce que si l’on croit que l’on s’en est débarrassé définitivement, le jour où elles reviennent on peut replonger et repartir à zéro. Moi je me dis : « Ok je n’en fais plus en ce moment. Mais elles peuvent revenir ».

Parfois il m’arrive de ressentir une sensation de bouffée de chaleur et de comprendre que je commence à faire une crise de panique, mais j’arrive à me dire « Écoute, oui elle est là, mes crises n’ont pas disparu, mais en attendant calme toi, tout va bien, tu ne vas pas mourir, tu ne vas pas tomber dans les pommes. » Enfin voilà, j’essaie. C’est un long chemin, j’arrive à vivre avec, mais à des moments, quand on est un peu fatigué ou quoi, c’est plus difficile d’être rationnel et de la passer au second plan. Il reste des moments plus compliqués, où je suis un peu perdu dans mes pensées. Mais il est clair que c’est mieux qu’avant puisque je n’arrivais pas à aller où que ce soit avant. Là, je vais à Paris (James habite Bordeaux, mais se rend à Paris notamment pour donner des interviews concernant son livre, ndlr), j’arrive à relativiser et à rester dans l’instant présent plutôt que de trop réfléchir. »⁠

Dès les premières pages, vous le revendiquez, ce livre est d’abord pour vous. Écrire est-il une solution thérapeutique, selon vous ?

« Oui, ça a été énormément thérapeutique. À la base effectivement, ce livre, je l’écrivais pour moi. Je parle avec ma psy de tout cela depuis plus d’un an, mais il y a des choses sur lesquelles j’avais du mal à me comprendre et les poser à plat, les ordonner sur une feuille, je me disais « Ah oui d’accord, c’est ça qui va pas ».

Par exemple, quand je raconte que petit je me faisais vomir dès que j’avais l’impression que mes parents ne me regardaient plus. C’est l’une des choses que je n’ai vraiment comprises qu’en les écrivant. C’est pour cela que j’invite vraiment tout le monde à écrire : on se découvre en s’écrivant. »⁠

Écrire c’est aussi se retrouver face à soi-même. Selon vous, se confronter à ses peurs est-il le meilleur moyen de les surmonter ?

« Je dirais qu’il faut un mélange des deux. Il faut à un moment les confronter, mais il faut y aller pas à pas. Parce que si on se dit « aller c’est bon, c’est fini tout ça » et qu’on commence à nier l’angoisse, on peut vite replonger. En ce moment par exemple, j’ai beaucoup d’interviews sur Paris. Ma psy m’a dit « C’est bien, il faut en faire, il ne faut pas reculer, mais il faut en faire à petites doses. Vous commencez à sortir un peu des crises d’angoisse, n’allez pas faire quinze interviews dans la semaine ». Parce qu’il faut toujours garder en tête que l’on a beau faire cent pas en avant, on peut en faire mille en arrière.

Donc se confronter, oui, mais ne pas culpabiliser si l’on n’y arrive pas et à ce moment-là se faire aider par une thérapie. C’est ce que j’ai fait (James a eu recours à l’EMDR, ndlr). À un moment, j’ai cru que je pourrais réussir seul et puis non. Il ne faut pas se dire que c’est une marque de faiblesse. C’est juste comme ça. Nous ne sommes pas tou.te.s psychologues, ce n’est pas tou.te.s notre métier de comprendre le cerveau et quand bien même. Donc je me suis dit « James là tu n’y arrives pas tout seul, il faut demander de l’aide. » Et quand on est suivi, se confronter à ses peurs, on le fait naturellement et petit à petit. »⁠

Dès le début de votre livre, votre psychologue apparaît justement comme un des protagonistes principaux. Et d’ailleurs interrogé par le Parisien vous expliquez que cela n’a jamais été une honte pour vous d’être suivi par un.e professionnel.le. En quoi la voir vous a aidé ?

« Déjà, il faut dire que j’ai enfin trouvé un bon thérapeute. Cela ne veut pas dire que les autres étaient mauvais, mais il n’y avait pas d’atomes crochus. Avec celle que je vois en ce moment, dès le début, je sentais qu’elle me comprenait et qu’au-delà de simplement m’écouter, elle était là pour me suivre.

J’ai fait et je continue l’EMDR avec elle. Je vois les bienfaits de la thérapie. Je vois que petit à petit ça marche. Au début, je me suis dit « peut-être que ce mieux n’est que du hasard » et en fait non. Bien sûr que je ne peux pas dire si sans elle j’aurais avancé ou non, mais cela aurait mis des années je pense, ça ne serait pas arrivé comme ça. »⁠

Récemment le gouvernement a annoncé la prise en charge des consultations psy à partir janvier 2022, quel est votre avis sur la question ?

« C’est un mal pour un bien. Malheureusement avec les confinements, il y a eu de plus en plus de personnes touchées par l’anxiété. Au moins cela a fait remonter le problème jusqu’au gouvernement qui a enfin compris que la santé mentale était tout aussi importante que le reste. On va chez le médecin traitant quand le corps est malade et bien le mental c’est pareil. Il faut pouvoir voir des personnes dont le métier est la santé mentale. Donc c’est le positif de tout ça. Après je crois que le remboursement est à hauteur de trois séances, ça reste trop peu.

Et puis aussi, la faute à qui ? On est dans une société où nous sommes constamment en train de nous comparer. C’est constamment une compétition et c’est ça aussi qui contribue à rendre les personnes stressées, voire angoissées, ou même en dépression. Et là-dedans, le gouvernement a son rôle à jouer. Donc peut-être qu’au lieu de seulement payer le psychologue, on pourrait agir directement sur les causes de tout ce mal-être. Mais c’est un début, un premier pas et ça on ne va pas s’en plaindre. »⁠

À votre échelle justement, quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souffrent d’anxiété et de crise d’angoisse ?

« Tout dépend. Si c’est vraiment le début, je dirais qu’il faut essayer de revenir dans l’instant présent et de ne pas être dans le passé ou le futur. Et bien sûr je pèse mes mots, je sais que c’est très facile à dire et bien plus difficile à faire. J’y travaille encore personnellement. Et j’ai beau faire et dire ce que je veux, au bout de 20 secondes où je me contrôle, mon cerveau part. Par exemple, je me suis déjà retrouvé à me brosser les dents, à me dire « je me concentre sur la sensation du dentifrice dans la bouche » et puis quelques secondes plus tard je pense à ce que je vais faire le lendemain… Donc c’est compliqué. Mais vraiment, je pense que le meilleur allié pour dompter les crises d’angoisse, c’est l’instant présent.

Après, si la personne est à un stade où elle voit que l’angoisse prend totalement le dessus, il ne faut vraiment pas hésiter, et ça, je le redis, à voir un thérapeute. Il ne faut pas attendre. J’ai attendu dix ans, et bien maintenant la route est longue. Après avoir pris dix ans d’habitudes par rapport aux crises d’angoisse, c’est encore plus compliqué. C’est un rythme de vie à reprendre. »⁠

Retournons la situation. On sait que souvent les personnes qui souffrent d’anxiété se sentent incomprises par leurs proches, que ce soit la famille, les ami.e.s ou plus largement les connaissances . Comment auriez-vous aimé que votre entourage réagisse vis-à-vis de ça ?

« Au début, je n’osais pas en parler donc je ne leur en veux pas. Bon, ma famille, à part mon père, ma mère et mes frères, je les vois assez peu. Par contre, mes ami.e.s ont toujours été assez compréhensif.ve.s. Mais les personnes ont des réflexes parfois maladroits. Par exemple, si je ne veux pas aller au bar parfois on me dit « Mais ne t’inquiète pas il n’y a pas beaucoup de monde dans le bar » ou alors « Ne t’inquiète pas tu vas pas mourir ». Mais en fait tout ça, ça fait culpabiliser. Parce que oui c’est vrai, tu le sais que tu ne vas pas mourir, tu le sais, mais il n’empêche que tu ne peux pas. Donc tu te rabaisses parce que même cet acte que l’on minimise tu n’es pas capable de le faire.

Si la personne qui ne fait pas de crise d’angoisse n’arrive pas à comprendre, c’est comme ça. Dans la vie il y a plein de choses qu’on ne peut pas comprendre. Par contre la personne peut juste écouter et surtout ne pas juger. Quand je dis « écoute je ne peux pas aller au bar, mais vas-y toi », j’aimerais qu’ils réagissent en disant « ok très bien, pas de soucis » par exemple. Il n’y a pas besoin d’insister ou essayer de trouver des solutions qui ne changent rien. »⁠

Pour conclure, qu’aimeriez-vous dire au petit James si cela était possible ?

« Tout va aller, en grandissant tout ira. Fais-toi confiance. Et lui dire « je t’aime« , aussi. »⁠

L’angoisse est un long chemin duquel on ne revient jamais vraiment. Alors, autant apprendre à fleurir cette balade. James, alias Noholito, est un garçon solaire, gentil, têtu, drôle, et anxieux. Plutôt que chercher à supprimer cette partie intégrante de lui, il apprend à l’accepter et à cohabiter au mieux avec elle. Pour le pire, mais aussi et surtout pour le meilleur.

Merci à James pour sa confiance et cette rencontre enrichissante. Vous pouvez retrouver son livre dans toutes les librairies et également en ligne. Si vous l’avez lu, dites-nous ce que vous en avez pensé sur nos forums.

Léonie Bourbon
Léonie Bourbon
À travers mes articles, je vise à divertir, éduquer et inciter à la réflexion, en partageant des histoires qui touchent le cœur et l'esprit.
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