Depuis quelques années, le Nigeria connaît un véritable essor de sa production audiovisuelle, notamment grâce à l’impact mondial de Nollywood, son industrie cinématographique florissante.
Des créatrices audacieuses aux commandes
Cette vitalité s’illustre particulièrement sur Netflix, plateforme qui diffuse de plus en plus de contenus nigérians et contribue à leur rayonnement international. Au cœur de ce phénomène, ce sont les femmes – réalisatrices, productrices, scénaristes ou actrices – qui redéfinissent les codes et imposent de nouvelles voix.
Parmi les figures les plus emblématiques de cette vague, la réalisatrice Kemi Adetiba s’impose avec King of Boys, un thriller politique acclamé qui a marqué un tournant pour le cinéma nigérian sur les plateformes internationales. Ce succès ne tient pas uniquement à sa qualité visuelle et narrative : il repose aussi sur une vision profondément féminine du pouvoir, incarnée par un personnage principal complexe et inoubliable.
Misan Harriman, directrice de la photographie et militante, ou encore Chinonye Chukwu, première femme noire à remporter le Grand Prix du jury au Sundance Festival (même si elle travaille aussi aux États-Unis), témoignent de la montée en puissance de talents féminins issus de la diaspora ou ancrés au Nigeria. Elles participent toutes à cette dynamique qui bouscule les représentations et donne une nouvelle profondeur aux récits africains.
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Des histoires qui parlent aux femmes… et au monde entier
Ce qui distingue cette nouvelle vague, c’est aussi la nature des histoires racontées. Des séries comme « Blood Sisters » ou « Shanty Town » mettent en lumière des sujets jusque-là peu abordés dans le cinéma commercial nigérian : violences faites aux femmes, corruption systémique, résistance féminine. Ces productions n’ont rien de militant dans leur ton, mais elles font entendre des réalités longtemps tues, à travers des personnages féminins complexes, forts et vulnérables à la fois.
Ces récits trouvent un écho bien au-delà des frontières africaines. Grâce à Netflix, ils touchent désormais un public international avide de diversité culturelle et de nouveaux imaginaires. Cette visibilité inédite contribue à faire évoluer la perception du Nigeria et de l’Afrique en général, en donnant à voir une créativité contemporaine loin des clichés.
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Netflix, catalyseur d’un changement global
Le rôle de Netflix dans cette dynamique est essentiel. En 2020, la plateforme a ouvert un bureau dédié à la région Afrique subsaharienne, avec une attention particulière portée au Nigeria, deuxième plus grand marché du continent après l’Afrique du Sud. Ce choix stratégique vise à capter un vivier de talents et de contenus qui répond à la demande croissante de productions locales originales.
Netflix a investi dans plusieurs productions nigérianes dirigées par des femmes, et continue d’élargir son catalogue avec des œuvres qui mettent en avant des regards féminins. Ce soutien n’est pas uniquement financier : il offre aussi des moyens techniques, une visibilité mondiale et une reconnaissance institutionnelle qui permettent aux créatrices de travailler dans des conditions professionnelles inédites.
Une industrie en mutation
Le succès des femmes dans cette nouvelle vague nigériane sur Netflix est aussi révélateur d’un changement plus profond dans l’industrie locale. Les tabous se brisent, les formats évoluent, les carrières féminines s’affirment. Des écoles de cinéma émergent, des réseaux de soutien entre femmes se créent, et les festivals commencent à valoriser davantage la diversité des points de vue.
Néanmoins, les défis demeurent. Le financement reste un obstacle majeur pour les créatrices indépendantes, les pressions sociales et culturelles freinent encore certaines carrières, et la visibilité sur les plateformes internationales ne garantit pas toujours des conditions équitables. Mais les avancées sont indéniables.
Une révolution à suivre de près
La montée en puissance des femmes dans le cinéma nigérian, et leur percée sur Netflix, ne sont pas un « effet de mode ». Il s’agit d’une transformation culturelle profonde, portée par une génération de créatrices qui refusent de se conformer aux récits imposés. En s’emparant de la fiction, elles redessinent les contours d’un cinéma africain moderne, pluriel, audacieux – et résolument féminin.
Cette révolution silencieuse, qui passe par la fiction mais touche à des enjeux sociaux réels, mérite l’attention. Car elle montre qu’en donnant la parole aux femmes, en Afrique comme ailleurs, on change non seulement les histoires que l’on raconte, mais aussi le regard que l’on porte sur le monde.