À chaque sommet international, les projecteurs ne se contentent plus d’éclairer les déclarations officielles : ils traquent aussi les gestes, les soupirs, les regards. Et lorsqu’il s’agit de Giorgia Meloni, Première ministre italienne, ces instants furtifs deviennent viraux. Lors de la rencontre du 18 août 2025 à Washington, en présence notamment de Donald Trump et Volodymyr Zelensky, les expressions faciales de Giorgia Meloni ont attiré l’attention. Rapidement reprises sur les réseaux sociaux, elles ont alimenté une nouvelle salve de memes, vidéos moqueuses et décryptages express.
Le regard des médias étrangers : fascination et caricature
Plusieurs médias internationaux se sont emparés du phénomène. Dans un article publié le 19 août, The Spectator s’amuse à décrire « les mille visages de Meloni », louant sa capacité à capter l’attention même dans un environnement saturé de personnalités fortes : « Que ce soit ses yeux levés au ciel lors des interventions pompeuses du chancelier allemand ou son air renfrogné permanent avec les bras résolument croisés dans le Bureau ovale, elle est très douée pour faire comprendre à tout le monde ce qu’elle ressent – et voler la vedette aux autres, même quand elle est entourée des cabotins de la pire espèce ».
Le même article va jusqu’à analyser ses rapports tendus avec Emmanuel Macron, affirmant : « Elle déteste le président français et ça se voit. Elle passe son temps à lui jeter des mauvais regards, comme si c’était une chose dégoûtante sur laquelle elle venait de marcher ». Ce ton volontairement provocateur illustre bien le traitement sensationnaliste dont Giorgia Meloni fait souvent l’objet à l’étranger, où son langage corporel est scruté avec autant d’attention que ses positions politiques.
Une interprétation culturelle… et genrée
Toujours dans The Spectator, l’analyse prend une tournure culturaliste, en généralisant : « Les Italiens ne sont guère réputés pour leur capacité à réprimer leurs expressions faciales. À cet égard, ils sont particulièrement bien représentés par leur Première ministre ».
En Italie, certains médias prennent cependant le contre-pied. Dans un article du 22 août, Il Post souligne que Giorgia Meloni elle-même a reconnu, dans le passé, être « terre à terre et instinctive » dans ses réactions. Le média milanais rappelle aussi que ses mimiques ne sont pas toujours révélatrices d’irritation : « Elle lève souvent les yeux au ciel non pas par mépris, mais lorsqu’elle réfléchit à ce qu’elle va dire », écrit Il Post, citant des échanges avec des journalistes italiens datant de l’époque où elle était encore cheffe de l’opposition.
Cette interprétation s’oppose aux projections faites à l’international. Pour Il Post, ce décalage s’explique en partie par le fait que : « Les attitudes de Meloni confirment aux yeux des étrangers le stéréotype des Italiens exubérants, sur le modèle de Silvio Berlusconi ».
Italian PM Giorgia Meloni’s Funny Faces At NATO Go Viral#DNAVideos | #GiorgiaMeloni | #Italy | #NATO | #Viral | #Funny pic.twitter.com/WxugJTmtpr
— DNA (@dna) July 12, 2024
Une cheffe de gouvernement face à une image virale
La surexposition de Giorgia Meloni ne tient pas uniquement à son style expressif. Elle révèle une tension plus profonde entre contrôle de l’image et hypervisibilité imposée, particulièrement forte pour les femmes politiques. Dans une scène filmée lors du sommet de Washington, elle confie à Donald Trump : « Je ne veux jamais parler avec ma presse » – séquence relayée par plusieurs chaînes italiennes, dont Rai News, le 19 août 2025.
Une phrase qui reflète un malaise vis-à-vis de l’environnement médiatique local, où Giorgia Meloni, malgré sa popularité, reste sur la défensive. L’ironie veut que ce soient justement des extraits involontaires – visages crispés, gestes spontanés – qui façonnent le plus puissamment sa perception publique.
Et si ses homologues masculins sont parfois moqués pour leur rigidité, Giorgia Meloni, elle, est réduite à une série de grimaces virales. Cette lecture genrée de la communication politique n’est pas nouvelle, mais elle demeure tenace. Les cas d’Angela Merkel, Sanna Marin ou encore Jacinda Ardern l’ont déjà illustré : le corps des femmes politiques devient souvent un objet de commentaire autant que leur action.
Au-delà du spectacle, un enjeu d’image politique
Si Giorgia Meloni fait le buzz, ce n’est pas uniquement par stratégie. Ses réactions, volontaires ou non, participent d’une narration non maîtrisée, mais profondément politique. Dans un système où l’image précède parfois le contenu, chaque froncement de sourcil devient message.
Et derrière les memes qui circulent, il reste une question de fond : comment une dirigeante peut-elle exister politiquement sans être constamment réduite à son visage, ses gestes, ou ses supposées émotions ? En d’autres termes : la viralité d’une femme au pouvoir est-elle une exposition… ou une forme de mise en scène imposée ?