Dans une interview accordée au média espagnol AS, la footballeuse allemande Giulia Gwinn a révélé avoir refusé une offre à un million de dollars pour poser en couverture du magazine Playboy.
Quand la performance sportive passe après le corps
L’offre, présentée comme « une opportunité promotionnelle autour de la Coupe du monde féminine », a été poliment mais fermement rejetée. « Je préfère me présenter comme footballeuse sur le terrain », a-t-elle déclaré. Derrière cette réponse simple se cache un acte profondément politique. Les sportives, à l’instar des actrices ou des chanteuses, sont encore trop souvent jugées pour leur apparence plus que pour leur talent. Si les footballeurs masculins sont valorisés pour leurs performances, leurs statistiques, leurs exploits, les femmes, elles, doivent encore jongler avec des attentes contradictoires : être performantes, mais aussi séduisantes, disponibles, médiatiquement « bankables ».
L’exemple de Giulia Gwinn illustre parfaitement ce double standard. À seulement 25 ans, la milieu de terrain du Bayern Munich est l’un des visages les plus populaires du football féminin allemand. Son style de jeu, sa technique et sa régularité en club comme en sélection lui valent le respect de ses pairs. Pourtant, alors qu’elle est blessée et manquera la Coupe du monde 2023, c’est pour une proposition de couverture dans un magazine masculin qu’elle est sollicitée à cette époque-là.
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Refuser d’être réduite à son corps
Le refus de Giulia Gwinn ne relève pas d’un simple choix personnel : il s’inscrit dans une démarche de réappropriation de son image. Lorsqu’elle déclare : « Je respecte Playboy en tant que produit journalistique, mais j’espère qu’on parlera de sujets bien plus passionnants pendant la Coupe du monde », elle rappelle avec lucidité que le sport féminin mérite d’être pris au sérieux.
Poser sans vêtements n’est pas en soi problématique, si cela relève d’un choix désiré. Ce qui est ici en cause, c’est l’injonction implicite selon laquelle une femme, même sportive d’élite, devrait céder à une forme de mise en scène sexuelle pour être visible. Ce que Giulia Gwinn rejette, c’est l’idée que sa valeur médiatique doive passer par son corps plutôt que par son jeu.
Une parole importante dans un contexte toujours inégalitaire
Le football féminin connaît une croissance impressionnante depuis plusieurs années. En France, l’Euro 2022 a rassemblé des millions de téléspectateurs, et la médiatisation des compétitions internationales s’amplifie. Pourtant, les écarts de traitement entre sport masculin et sport féminin demeurent massifs, tant sur le plan salarial que médiatique.
Dans ce contexte, chaque prise de position compte. En refusant une proposition aussi lucrative, Giulia Gwinn affirme que la reconnaissance des sportives ne doit pas dépendre de leur exposition dans des médias sexualisés. C’est un message fort, particulièrement adressé aux jeunes filles qui rêvent de football et qui méritent des modèles qui les inspirent autrement.
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La sexualisation persistante des sportives
De nombreuses sportives avant elle ont dénoncé la façon dont les médias réduisent leur corps à un objet de consommation. En 2021, l’équipe norvégienne de beach handball avait été sanctionnée pour avoir refusé de porter des bikinis jugés « règlementaires », préférant un short plus confortable et moins sexualisant. En France, la footballeuse Wendie Renard a plusieurs fois exprimé son refus de participer à des campagnes publicitaires centrées sur le physique.
Ces positions ne s’opposent pas à la liberté de se montrer ou non. Elles s’opposent à une pression sociale et médiatique pesant uniquement sur les femmes. Car rares sont les offres de Playboy ou autres pour les footballeurs hommes avant une grande compétition…
Valoriser la parole des sportives
Ce que rappelle aussi le cas Giulia Gwinn, c’est la nécessité d’écouter et de relayer la parole des sportives. Trop souvent, ce sont leurs agents, leurs entraîneurs ou les commentateurs qui prennent la parole à leur place. En s’exprimant directement, la joueuse allemande affirme non seulement son autonomie, mais aussi sa volonté d’être prise au sérieux pour ce qu’elle fait, non pour ce qu’elle montre.
Une réponse féministe, lucide et inspirante
En refusant de poser pour un magazine à fort tirage, Giulia Gwinn n’a pas seulement décliné une offre financière. Elle a fait passer un message clair : les femmes dans le sport n’ont pas à se dévêtir pour exister. Leur place est sur le terrain, leur image leur appartient, et leur parole compte.
Ce geste, bien plus qu’une anecdote people, souligne ainsi les enjeux profonds de la médiatisation des femmes dans le sport. Il nous rappelle à quel point il est urgent de promouvoir une culture de l’égalité, du respect et de la reconnaissance du talent – sans conditions.