La city pop japonaise, ce genre musical rétro-futuriste né à la fin des années 1970, continue de fasciner mélomanes et curieux bien au-delà du Japon. Marquée par ses sonorités optimistes mêlant funk, jazz, synthpop et R&B, cette musique évoque une époque d’insouciance, d’urbanisme effervescent et de promesses technologiques. Derrière les mélodies suaves et les rythmes dansants se cachent parfois des histoires personnelles aussi étonnantes que méconnues. Zoom sur 3 artistes dont le parcours dépasse largement le cadre musical.
Haruomi Hosono : un héritage de survie, de honte et de renouveau
Haruomi Hosono est reconnu comme un pionnier du son électronique japonais. Fondateur du groupe mythique Yellow Magic Orchestra (YMO), il est aussi l’auteur du morceau « Koi wa Momoiro », devenu emblématique de la scène city pop. Peu savent que son histoire familiale est liée à l’une des plus grandes tragédies du XXe siècle : le naufrage du Titanic.
Son grand-père, Masabumi Hosono, était un fonctionnaire japonais en mission en Europe en 1912. Lorsqu’il embarque à bord du Titanic, il est loin d’imaginer qu’il en sera le seul survivant japonais. S’il parvient à échapper au naufrage grâce à un canot de sauvetage, son retour au Japon sera marqué par une vague de honte publique. Dans une société où l’honneur prime, on lui reprochera de ne pas avoir péri avec les autres passagers.
Cette stigmatisation pèse sur la mémoire familiale. Pourtant, des décennies plus tard, Haruomi Hosono transformera cette histoire en force créative. Il embrasse des genres alors peu explorés au Japon, alliant musiques électroniques occidentales, pop japonaise et inspirations traditionnelles. À travers « YMO » et ses projets solos, il pose les bases de la city pop tout en inspirant des générations entières d’artistes japonais et internationaux.
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Yasuha et l’origine insoupçonnée de Wobbuffet
Autre révélation inattendue : le lien direct entre l’univers du city pop et celui de Pokémon. Yasuha, chanteuse et personnalité médiatique active dans les années 1980, est connue pour ses chansons pleines de caractère, telles que « Flyday Chinatown ». Son héritage familial a aussi eu un impact surprenant sur la culture pop.
Son père, Hayashiya Sanpei I, était un célèbre maître de rakugo, un art du conte humoristique japonais. Il avait une gestuelle bien particulière – notamment un geste consistant à se taper le front – et une phrase culte : « Sō nan su! », que l’on peut traduire par « C’est comme ça, madame ! ». Ce tic de langage et cette mimique ont directement inspiré les créateurs du célèbre Pokémon Wobbuffet (Sonans en japonais).
Le personnage est connu pour sa salutation théâtrale et son comportement comique, qui rappellent ouvertement le style de Hayashiya. L’hommage est confirmé par plusieurs sources japonaises et validé par la réception du public local, qui y reconnaît sans peine le clin d’œil. Ainsi, une figure traditionnelle du divertissement japonais s’est vue immortalisée dans l’un des phénomènes culturels les plus populaires au monde, grâce à un lien inattendu avec la scène city pop.
Hiromi Go : de la scène musicale à la glace… et au Far West
Enfin, Hiromi Go, figure charismatique de la city pop des années 1980, continue de surprendre par la diversité de son parcours artistique. Chanteur à succès dès les années 70, il adopte peu à peu l’esthétique city pop avec des titres comme « Ienai yo », ballade romantique aux accents sophistiqués.
C’est en 2014, lors du spectacle « Fantasy on Ice », qu’il marque les esprits en interprétant ce morceau en duo avec Yuzuru Hanyu, champion olympique de patinage artistique. L’événement fusionne musique live et performance sur glace, offrant un moment d’émotion unique, salué tant par les fans de musique que de sport.
Loin de se limiter à la scène japonaise, Hiromi Go s’est aussi aventuré dans le cinéma nord-américain. Dans le film canadien « Samurai Cowboy » (1994), il incarne Yutaka Sato, un salarié tokyoïte désabusé qui quitte tout pour réaliser son rêve d’enfance : devenir cow-boy au Montana. Ce rôle atypique reflète une quête d’identité entre tradition et modernité, non sans rappeler le parcours de nombreux artistes city pop.
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Une scène musicale aux histoires insoupçonnées
Si la city pop est aujourd’hui redécouverte à l’échelle mondiale, notamment grâce à YouTube et aux plateformes de streaming, son pouvoir de fascination tient autant à son style sonore qu’aux histoires personnelles de ses figures emblématiques. Haruomi Hosono, Yasuha et Hiromi Go illustrent chacun à leur manière la richesse culturelle et humaine de cette époque musicale singulière.
Entre héritage familial, clins d’œil à la culture populaire et parcours internationaux, la city pop japonaise dépasse ainsi largement le simple cadre nostalgique : elle est le reflet d’une société en mutation, d’artistes audacieux et de récits dignes des plus grands romans.
