Elle excelle dans les saltos, mais aussi dans l’art du déhanché. Si sa discipline de prédilection reste la gymnastique, Chelsea Werner troque régulièrement le justaucorps pailleté contre des tenues griffées. Quadruple championne des Jeux Olympiques spéciaux, la jeune femme trisomique, elle s’adonne à des figures de style sur le catwalk et redore le casting très uniforme de la Fashion Week. Une belle victoire sur les diktats de beauté.
Une championne qui prouve que rien n’est impossible
Elle ne fait qu’un avec la poutre, virevolte autour des barres asymétriques et enchaîne les pirouettes dans les airs avec la volupté d’une colombe. À sa naissance, les médecins n’auraient jamais imaginé que son corps puisse accomplir de telles prouesses techniques. Après avoir posé un diagnostic de trisomie 21, ils étaient même plutôt alarmistes sur ses capacités physiques.
Selon leur discours, Chelsea était vouée à rester frêle et à bouger difficilement. Aujourd’hui, elle figure parmi les meilleures de sa discipline et détient de nombreuses médailles. Elle se contorsionne en donnant presque l’illusion d’une activité simple et fait des sauts vertigineux à bonne distance du sol. Loin d’être un fardeau, son corps est son instrument de travail, son allié dans chaque pirouette. Ce sont ses parents qui l’ont inscrite à la gymnastique à l’âge de quatre ans pour qu’elle se renforce. Ils étaient loin de se douter que leur fille atteindrait des sommets et défendrait son chromosome aux Jeux Olympiques spéciaux.
Ce qui, au départ, était un sport de « rééducation » à vocation thérapeutique, est rapidement devenu sa raison de vivre, sa passion. Alors que les médecins lui présageaient un quotidien sédentaire, à traîner un corps faible, Chelsea Werner a finalement accompli l’impensable et braver l’impossible. L’athlète, éternelle optimiste, a aussi fait un pas en dehors du tapis pour tutoyer les prestigieuses planches de la Fashion Week.
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Une entrée fracassante dans le monde de la mode
Chelsea a toutes les bases pour défiler : la prestance, la grâce, l’équilibre, le pas sûr. Elle possède aussi ce que d’autres n’ont pas : un visage solaire, une aura qui transperce le vêtement et une force qui se ressent dans chaque enjambée. Il n’en fallait pas plus pour attirer les marques et les détourner de leur soporifique catalogue de top modèles.
H&M l’a sollicitée pour une campagne à La Havane puis Chelsea est devenue mannequin malgré elle, sans le faire exprès. La lumière qu’elle dégage lui a suffit à pénétrer un univers sélectif que d’autres mettent des années à intégrer. Aussi agile sur le catwalk que sur une poutre, Chelsea est devenue la nouvelle vedette de la Fashion Week. C’était presque la suite logique de son parcours.
Elle a notamment porté les couleurs de Chona Bacaoco, designeuse qui prétendait à un défilé plus humain et accessible. À cette occasion, elle a laissé son justaucorps, alias sa seconde peau, au placard pour se hisser dans des robes sculpturales pleines de vitalité. Son visage s’est aussi imprimé en grand sur la couverture de Teen Vogue et de Dazed Magazine. Une consécration pour la jeune femme, qui porte la singularité mieux que personne.
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Grâce à elle, chaque défilé devient un manifeste
À chaque fois que Chelsea Werner foule le catwalk, elle force l’admiration et le respect. Modèle unique au milieu de clones entraînés, elle nous donne envie d’accomplir tous les rêves qu’on laisse de côté. En tenue de compétition ou en robe haute couture, l’athlète monopolise l’attention. Et ce ne sont pas des yeux intrigués qui l’observent sur son piédestal mais des regards conquis, fiers et envoûtés. Alors que la plupart des défilés de la Fashion Week sont tristement homogènes et manquent cruellement de diversité, Chelsea, elle, réduit l’écart entre idéal et réalité. En appui sur cette scène campée par les standards, elle prouve que la différence ne fait pas tâche dans le décor. Son chromosome est sa valeur ajoutée, son « petit truc en plus ».
Si dans sa discipline sportive, sa particularité ne saute pas aux yeux et devient presque secondaire, sur le podium de la Fashion Week, elle a presque un côté militant. D’ailleurs, sur le tapis comme sur la scène mode, Chelsea Werner n’a qu’une ambition : donner un autre exemple de réussite aux fillettes.
La scène mode est plus qu’un tremplin pour Chelsea Werner, qui n’a plus rien à prouver. C’est un lieu d’expression, une vitrine, une puissante manière de dire « j’existe et je brille ». Gymnaste, modèle et figure d’inspiration, elle peut être tout en même temps. Et si vous lui demandez son numéro porte bonheur, il y a fort à parier que ce soit le 21.
