Confiance en soi : qu’est-ce que l’effet Dunning-Kruger ?

Le monde du travail est un univers merveilleux entre joie, dépit et frustration, où les plus compétent.e.s doutent souvent de leurs compétences. Un univers aussi où les moins compétent.e.s suintent la confiance malgré un manque de qualifications. Si les deux cas sont agaçants, on vous l’accorde, le deuxième est bien plus néfaste pour l’entreprise. C’est l’effet Dunning-Kruger. Comment le reconnaître et s’en prémunir ? Mettez vos lunettes, préparez votre carnet de notes, on vous explique comme maîtriser la situation.

L’effet Dunning-Kruger : quand la confiance dépasse la compétence

À l’opposé du syndrome de l’imposteur, saviez-vous qu’il existait un terme permettant au contraire de qualifier l’excès de confiance en soi, et ce malgré des compétences insuffisantes ? C’est l’effet Dunning-Kruger.

Celui se définit comme un « biais cognitif amenant les personnes qui en sont atteintes à surévaluer leurs compétences dans un domaine dont iels ne sont pas expert.e.s ». On parle aussi d’ultracrépidarianisme. Sous ce terme compliqué se cache en réalité un concept très simple. L’ultracrépidarianisme n’est autre que le comportement des personnes donnant leur avis à tort et à travers sur des sujets qu’iels ne maîtrisent pas.

Dans l’effet Dunning-Kruger, la confiance dépasse la compétence. C’est ce qu’ont montré les psychologues américains David Dunning et Justin Kruger Spar à qui l’on doit la théorisation de l’effet Dunning-Kruger.

Une histoire de jus de citron

Tout commence aux États-Unis, plus précisément à Pittsburgh en 1995. Un certain McArthur Wheeler et son acolyte Clifton Earl Johnson pensent réaliser le coup du siècle. Ils décident de braquer deux banques du Grand Pittsburgh en s’enduisant de jus de citron des pieds à la tête. Celui-ci étant réputé pour être une encre sympathique (encre invisible).

Pensant donc être invisibles, les deux hommes cambriolent deux banques à visage découvert ! Le soir même, ils sont arrêtés, reconnus par les caméras de surveillance. Ce sentiment de surconfiance éprouvé par Wheeler et Johnson conduit les psychologues David Dunning et Justin Kruger Spar à s’y intéresser de près. Ils effectuent alors des expériences qui vont les mener à théoriser en 1999 ce biais cognitif que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’effet Dunning-Kruger. Cet effet vient confirmer la citation du naturaliste Charles Darwin sur la confiance : « L’ignorance engendre plus souvent la confiance que la connaissance ».

De débutant.e à expert.e : les différentes étapes

Le paradoxe de cette théorie est mis en forme par Dunning et Kruger sous la forme d’une courbe. Celle-ci expose le chemin que va parcourir l’incompétent.e confiant.e en partant du statut de débutant.e, en passant par celui de confirmé.e pour arriver à celui d’expert.e.

Cette courbe possède une dimension satirique. Il faut donc l’appréhender correctement, mais avec humour. En fonction du niveau d’expertise de la personne et de son estimation du savoir-faire des expert.e.s, la courbe varie.

Shloren -File : effet Dunning-Kruger © CC BY-SA 4.0 / Creative Common

Pour parcourir le chemin allant du statut de débutant.e à celui d’expert.e pour une personne atteinte de l’effet Dunning-Kruger, plusieurs étapes doivent être franchies :

  • La phase d’auto-surévaluation. Une personne en proie à l’effet Dunning-Kruger va d’abord surestimer ses capacités de façons infondée et inconsciente.
  • La montagne de la stupidité. Iel va ensuite gravir « la montagne de la stupidité ». Bien qu’évoluant aux côtés d’expert.e.s, iel va sous-estimer leurs compétences et croire à tort qu’iel sait tout mieux que les autres.
  • La vallée de l’humilité. L’acquisition progressive de compétences va amener la personne à reconnaître ses lacunes antérieures. La personne va peu à peu descendre « la vallée de l’humilité ».
  • La phase d’auto-évaluation. La personne continue à construire ses compétences, maîtrisant de mieux en mieux un sujet ou un domaine particulier. Iel passe au niveau de confirmé.e en opérant une auto-évaluation réaliste, fondée et consciente de ses compétences nouvellement acquises.
  • Le plateau de la consolidation. La personne atteint enfin « le plateau de la consolidation ». Iel approfondit ses compétences dans un domaine tout en étant cette fois-ci à l’écoute des conseils des expert.e.s. Iel se spécialise, passe au niveau d’expert.e et acquiert une confiance proportionnelle à l’apprentissage qu’iel fait.

Cette courbe démontre le paradoxe au cœur de l’effet Dunning-Kruger. La personne atteinte de ce biais cognitif ne prend réellement conscience de son incompétence qu’après avoir amélioré et acquis des compétences et connaissances dans un domaine.

3 signes pour déceler l’effet Dunning-Kruger

Vous avez peut-être connaissance d’une personne ou d’un.e membre de votre entourage correspondant parfaitement à cette description. Mais l’effet Dunning-Kruger est surtout repérable au travail, là où il est le plus à même de causer des dégâts. Il est donc utile de savoir repérer les signes révélateurs de l’effet Dunning-Kruger.

Sentiment de supériorité illusoire

La personne atteinte de l’effet Dunning-Kruger pense maîtriser un sujet ou un domaine, mais ne dispose d’aucune qualification crédible et avérée. Iel surestime ses compétences. Il y a distorsion de la réalité.

Incapacité à distinguer les personnes douées ou non

Iel ne possède pas les ressources mentales et cognitives nécessaires pour différencier les gens doués de ceux qui ne le sont pas. En outre, iel est souvent incapable de reconnaître les compétences de ses collègues. C’est ce qu’on nomme la déficience cognitive.

Incapacité à se remettre en question

Iel ne se remet jamais en question. Iel est inconscient.e de son propre degré d’incompétence et de ses lacunes et est souvent réfractaire à la critique (positive ou négative) ainsi qu’aux jugements.

Effet Dunning-Kruger et travail : une mauvaise équation

L’effet Dunning-Kruger présente un risque pour la vie de l’entreprise. Il peut en effet être à l’origine de tensions, d’une division du groupe; en somme d’une dégradation générale de l’ambiance de travail. Comme l’expliquent Dunning et Kruger dans la revue scientifique Journal of Personality and Social Psychology, cet effet peut avoir des conséquences néfastes sur diverses variables au sein de la société.

  • Diminution de l’efficacité de l’entreprise. L’effet Dunning-Kruger affecte la performance et la productivité de l’entreprise. Les objectifs ne sont pas ou pas bien réalisés, les projets sont menés avec difficulté.
  • Répercussions externes. Il peut y avoir des retombées néfastes pour l’entreprise, c’est-à-dire une dégradation des relations avec les prestataires et client.e.s.
  • Fragilisation du cadre et des conditions de travail. Sur le plan interne, l’effet Dunning-Kruger peut occasionner une détérioration des relations entre collègues, ce qui aura une incidence sur l’équilibre de l’équipe. Cet effet peut diminuer la confiance en soi chez une personne atteinte du syndrome de l’imposteur. De la même façon, les promotions et augmentations de salaire de collaborateur.rice.s peu qualifié.e.s peuvent engendrer un sentiment d’injustice chez les autres collègues.

Comment résoudre le problème ? En agissant rapidement par la mise en place de solutions simples, mais efficaces !

Fox/Pexels

4 solutions simples pour gérer l’effet Dunning-Kruger

Que faire pour éviter l’effet Dunning-Kruger quand on est manageur.se ? Ne surtout pas laisser cet effet s’installer sous peine de cultiver un climat de tensions pouvant porter préjudice à l’entreprise et à ses collaborateur.rice.s. Grâce à 4 astuces simples à mettre en place au sein de la société, vous réussirez à limiter l’effet Dunning-Kruger.

Argumenter avec des outils d’évaluation objectifs

Il est inutile de convoquer et réprimander votre collaborateur.rice souffrant de l’effet Dunning-Kruger puisqu’iel n’a pas conscience de son incompétence. Aussi est-il raisonnable de vous appuyer sur des données concrètes, des résultats chiffrés incontestables pour le.a mettre face à ses lacunes. Cette tactique subtile lui fera identifier les carences qu’il lui faut corriger et prendre conscience de sa performance réelle.

Organiser des feedbacks réguliers

Planifier des retours et faire le point avec votre collaborateur.rice est un bon moyen d’amorcer un changement d’attitude graduel. Si vous constatez une amélioration dans son comportement, n’hésitez pas à l’encourager à progresser encore. Montrez-lui que les efforts et le travail fournis paient. L’apprentissage demande du temps et personne n’y échappe.

Olia Danilevich/Pexels

Proposer des formations adaptées

Proposer des formations adaptées à votre collaborateur.rice lui permettra d’améliorer et d’acquérir des compétences utiles non seulement à l’entreprise, mais aussi à iel-même. Les formations que vous suggérerez lui permettront à terme de révéler son plein potentiel. Il est essentiel de savoir gérer l’effet Dunning-Kruger dans le milieu professionnel pour permettre à celleux qui en sont atteint.e.s d’évoluer sainement et de devenir des atouts pour la société.

Instaurer un environnement bienveillant

Si vous êtes manageur.se, encouragez la critique constructive en demandant à l’équipe quels sont les points forts et points faibles de chaque collaborateur.rice. Attirez l’attention du/de la collègue atteint.e de l’effet Dunning-Kruger sur des zones de vigilance, félicitez-le.a lorsqu’il y a des améliorations notables, des difficultés surmontées et des projets achevés.

Patience et pédagogie sont ainsi les maîtres-mots pour contrôler l’effet Dunning-Kruger. Personne n’est à l’abri de l’échec et de l’apprentissage au cours de la vie. Comme le résumait Socrate, « tout ce que je sais c’est que je ne sais rien ».

Maï-Linh
Maï-Linh
Diplômée d'un Master de Lettres modernes, j'ai toujours été attirée par l'univers du bien-être. Passionnée de lecture et férue d'écriture, j'ai à cœur d'écrire sur des sujets touchant plus particulièrement à la psychologie et à la confiance en soi. Nous sommes tou.te.s parfaitement imparfait.e.s, vulnérables et c'est cela qui constitue notre harmonie intérieure. Aussi, mes articles n'ont-ils pas pour but de vous amener à être la meilleure version de vous-mêmes mais de vous guider vers l'épanouissement et l'alignement cœur-corps-esprit. En déplaise à Juvénal qui clamait « Un esprit sain dans un corps sain », je suis convaincue du contraire. Selon moi, être bien dans son corps, c'est d'abord être bien dans sa tête et ses baskets !
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