En 2025, les réseaux sociaux occupent une place centrale dans la vie des ados. Parmi les tendances virales, le sadfishing interroge par son impact émotionnel. Ce phénomène attire désormais l’attention des spécialistes de la santé mentale.
Une génération qui s’exprime autrement
Contrairement aux générations précédentes, les ados d’aujourd’hui ont grandi dans un monde connecté en permanence. Leur manière de communiquer, de ressentir et de demander de l’aide s’inscrit dans des codes souvent déroutants pour les parents ou les enseignants.
La multiplication des vidéos sur TikTok ou Instagram où l’on voit de jeunes internautes pleurer, fixer le vide ou publier des textes poignants accompagnés de musiques tristes a donné naissance à une nouvelle tendance : le sadfishing.
Le sadfishing, qu’est-ce que c’est exactement ?
À ne pas confondre avec le catfishing, qui consiste à usurper une identité en ligne, le sadfishing est une pratique où une personne publie du contenu destiné à susciter la compassion ou l’empathie. Cela peut se manifester par des photos en larmes, des vidéos contemplatives au bord des larmes, ou encore des légendes mélancoliques qui évoquent un mal-être, parfois vague, parfois très explicite.
Selon la psychologue Erica Miller, cette pratique est le reflet d’un besoin profond de connexion : « Le sadfishing est simplement un moyen d’attirer l’attention et le soutien des autres, d’une manière qui peut sembler inoffensive à première vue, mais qui manipule les émotions et la sympathie ».
Le média Parade souligne que le phénomène est ambivalent : s’il peut exprimer un vrai besoin d’aide, il peut aussi créer une forme de mise en scène de la souffrance, difficile à décoder pour les adultes comme pour les autres jeunes.
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Une quête d’attention ou un appel à l’aide ?
Là où le sadfishing devient préoccupant, c’est quand il masque des signes réels de détresse psychologique. Derrière une vidéo vue des milliers de fois, il peut y avoir un adolescent isolé, anxieux, voire en dépression. Si la publication obtient des réactions, des « likes » ou des commentaires de soutien, elle peut temporairement apaiser ce mal-être.
Mais ce réconfort reste superficiel et ne remplace en rien une écoute réelle ou une prise en charge psychologique. Et le problème réside dans l’ambiguïté : comment savoir si un jeune fait simplement comme les autres, ou s’il traverse une période particulièrement difficile ? Pour les parents, la frontière est souvent floue.
Pourquoi cette tendance séduit autant ?
L’explication se trouve peut-être dans la logique des réseaux sociaux eux-mêmes. Les plateformes comme TikTok valorisent l’émotion brute, le partage intime, et récompensent la vulnérabilité perçue par de la visibilité. Pour certains jeunes, partager leur tristesse devient alors une manière d’exister, de ne pas se sentir seuls, ou simplement d’obtenir une forme de validation sociale.
« Je me suis sentie moins seule en voyant que d’autres ressentaient la même chose que moi », confie une adolescente de 15 ans interrogée dans un groupe de soutien en ligne. Le sadfishing, dans ce sens, peut fonctionner comme un miroir émotionnel collectif.
Ce que peuvent faire les adultes
Plutôt que de juger ou de minimiser ces publications, les parents et les éducateurs sont invités à adopter une posture d’écoute. Si un ado poste des contenus tristes de manière répétée, il est essentiel d’ouvrir un dialogue bienveillant, sans moquerie ni reproche. Derrière ces images, il peut y avoir une solitude profonde, un besoin de reconnaissance, ou un trouble plus sérieux.
Il est également utile de parler avec les jeunes des mécanismes de viralité, de la pression sociale en ligne, et des risques liés à l’exposition de leur vulnérabilité. Certains témoignages rapportent en effet des cas où des jeunes ont été moqués ou harcelés après avoir partagé des contenus trop intimes.
Le sadfishing n’est pas qu’un simple phénomène de réseau. Il témoigne de nouvelles manières d’exprimer le mal-être, à une époque où les jeunes grandissent dans un monde hyperconnecté mais parfois émotionnellement fragmenté. Plutôt que de diaboliser ces pratiques, il est urgent de les comprendre, d’en parler, et de créer des espaces sûrs, en ligne et hors ligne, pour que les ados puissent exprimer leurs émotions de façon authentique.